C'est ce que nous a affirmé l'économiste Valérie Rabault,auteure avec K. Berger des "Trente glorieuses sont devant nous"
Ces deux économistes trentenaires croient dans les possibilités économiques de la France et le disent dans leur livre.
Valérie Rabault nous explique sur quelles forces et par quels moyens la France peut aller à contre courant de toutes les prévisions les plus pessimistes.
Quel constat économique faîtes vous ?
Valérie Rabault : Nous faisons avec Karine Berger le constat que si rien n'est fait la situation de notre pays va se dégrader. On est parti du constat que la France avait perdu son modèle et cherchait des modèles ailleurs. Il y a eu successivement l"attirance pour le libéralisme anglo-saxon, puis la flexi-sécurité scandinave. Aujourd"hui on vante le modèle allemand. Le résultat est qu"on a un patchwork qui ne fonctionne pas bien.
Quel modèle faut-il pour la France alors ?
Les « trente glorieuses » de l"après guerre («La procédure du progrès» de Fourastié) qui a vu la France progresser plus rapidement que d"autres pays ne s"est pas faite par hasard. Au point que le Royaume-Uni voulait copier le modèle français. Ce modèle s"est construit sur trois piliers, les mêmes que ceux de la République.
-La liberté : c"est la prise de risques, appuyée par la puissance publique. Cela s"est traduit par les succès du TGV, du nucléaire mais aussi par la naissance des géants du BTP comme Bouygues qui ont profité de la commande publique mais ont aussi largement innové pour construire leur réussite.
-l"Egalité : il y a eu et il faut qu"il y ait une adhésion importante pour que le modèle fonctionne. Cela a été beaucoup du au système éducatif qui a permis de croire à l"ascenseur social.
-La Fraternité : nous sommes dans un monde ouvert où les relations avec les autres sont devenues essentielles. Cela s"est vu dans la construction européenne notamment.
Ce modèle fonctionne-t-il toujours ?
On a laissé tomber ce modèle. C"est un modèle qui ne fonctionne que s"il a ses trois pieds. Or ses trois moteurs sont tombés à la fois.
-la puissance publique a cessé d"être cette étincelle. Cela se voit dans les chiffres. Il y a eu une baisse continue de l"investissement.
-la crise de 1993 a fait exploser les inégalités.
-sur la fraternité, notre troisième pilier, le moteur européen s"est arrêté. Aucun projet économique commun n"a vu le jour en 10 ans alors que la mondialisation explosait, elle.
Pourquoi cet arrêt du modèle français ?
On a le constat, mais c"est plus difficile de dater et de définir une cause unique. C"est un processus assez diffus. Il y a sans doute une réduction de la prise de risque dans un monde qui s"est accéléré. Les décisions économiques ont sans doute favorisé la rente au détriment du risque.
Quels sont néanmoins les atouts de la France ?
La France possède quatre atouts. Sa démographie. C"est une force. La France va être le pays le plus jeune d"Europe.
Deuxième force : on a un réservoir scientifique extraordinaire. La France est par exemple le deuxième pays au monde par le nombre de ses médailles Fields (sorte de Nobel des mathématiques) derrière les USA. Troisième force, il y a la culture de ce modèle qui a fonctionné. On peut donc reconstruire dessus. Enfin, la France possède des grands groupes de taille internationale et un tissu de PME qui peuvent s"intégrer dans l"économie mondiale.
Comment relancer ses atouts ?
La question aujourd"hui est de savoir comment atteindre une croissance de 2,7-3% sans laquelle nos équilibres financiers sont intenables. Si on ne fait rien pour atteindre ce chiffre, on entre dans une spirale d"échecs. Il n"y aura plus les moyens pour financer la politique sociale. La dette du pays dépassera les 125% du PIB en 2030.
Notre idée a été de se dire : si j"étais à la tête d"une entreprise qui présenterait de telles perspectives, quel serait mon business plan ? C'est comme ça que dans le livre, nous avons déterminé cinq priorités qui s"appuient sur trois secteurs. Ces trois secteurs sont l"énergie, les transports et la santé. On les a choisis car ce sont des leviers de croissance très importants qui fonctionnent déjà bien en France. L"éducation serait aussi une priorité.
Une relance publique ?
L"idée serait que l"Etat investisse dans ces secteurs 90 milliards d"euros en trois ans. Une somme assez facilement mobilisable en modifiant certaines règles fiscales (les niches notamment). Il ne s"agirait pas d"un plan de relance au sens classique du terme. Cette somme n"est pas destinée à accroître la demande. Ce serait une politique de l"offre destinée à accroître la productivité et permettre de faire des sauts technologiques. La France pourrait être ainsi le pays qui découvre le vaccin contre Alzheimer ou le moteur qui consomme 2 litres au cent kilomètres.
Outre ces trois secteurs, l"éducation serait une priorité avec une somme de 10 milliards d"euros avec pour objectif notamment, de lutter contre la ghettoïsation. Sur la question du coût financier de la ghettoîsation, nous n"avons pas trouvé d"études en France. Mais une étude américaine le chiffre aux Etats-Unis à 3,5% du PIB.
L"Etat aurait un rôle important ?
La crise a reposé la question de la place de l"Etat dans plusieurs pays. La Chine a décidé d"investir massivement dans les infrastructures. Obama a fixé une ligne concernant les énergies renouvelables. Nous, on voudrait que l"Etat détermine un objectif. Que ce soit l"étincelle de la croissance.
« Les trente glorieuses sont devant nous »
Dans le climat décliniste actuel, le livre de Karine Berger et Valérie Rabault, fait souffler un vent d"optimisme. Oui, la France peut gagner la compétition économique internationale, affirment les deux économistes. Oui, dans la mondialisation, la France dispose d"atouts qui peuvent la faire gagner. Elles vont même plus loin, en affirmant que si la France ne se lance pas dans un vaste plan d"investissement, aucun équilibre financier ne sera plus tenable.
Sous forme d'un livre d"économie (ou de politique) fiction, elles racontent comment le vainqueur de la présidentielle de 2012, grâce à des objectifs précis et une planification bien menée, fait repartir l"économie française en s"appuyant sur ses cinq piliers d"excellence (démographie, énergie, transports…).
Les deux économistes trentenaires n"hésitent pas à revenir sur les idées encore à la mode malgré les crises. Elles défendent l"Etat, la planification, l"investissement public, base selon elles d'un "modèle français" qui a fait ses preuves, lors, justement, des "trente glorieuses".
Rappelant que les grands succès de notre économie ont été lancés par l"Etat et que c"est depuis que cet état recule (chiffres à l'appui) que l"économie français périclite, les deux trentenaires (la première a fait polytechnique et la seconde est ingénieure des Ponts) avancent des idées originales pour l'après 2012 (serpent fiscal européen, regroupement des communes...). « Le fer de lance de notre business plan était bien évidemment les infrastructures publiques », affirme dans le livre le ministre de l"économie issu des élections de 2012.
Cette fiction décapante permet de dresser un portrait économique de la France et de passer en revue les actuels débats sur le « modèle français » (qu"elles tentent de définir), sur le pessimisme ambiant, sur la crise financière, sur le niveau des investissements.
A l'heure où l'économie devrait (normalement) tenir une grande place dans la campagne de 2012, il serait bien que les candidats et les électeurs lisent ce livre pour avoir une vision plus optimiste de notre avenir. Un livre qui va à l'encontre de tous les discours "tina" (there is no alternative), discours qui laissent croire qu'il n'y aurait qu'une seule solution économique possible.
Les Trentes Glorieuses sont devant nous
de Karine Berger et Valérie Rabault
Ed. Rue Fromentin
204 pages - 20 euros
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