Schlague, Diktat, Bismarck : derrière les débats, le recours à l’Histoire n’est jamais loin
Dans la tourmente de la zone euro, le couple franco-allemand incarné par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy subit les critiques des souverainistes. Mais pas seulement eux. Entre les deux pays, l'Histoire n'est jamais loin. Les mots sont lourds de sens.
Les critiques contre la volonté politique de Nicolas Sarkozy de se rapprocher du modèle allemand et de prendre exemple sur sa "discipline" budgétaire ont commencé "ruhig" (calmement) avant de prendre un tour plus violent.
Les termes à connotation militaire se sont rapidement invités dans les réactions de certains politiques, avec en référence l'Histoire dans ce qu'elle peut avoir de plus caricatural.
A la veille du discours de Toulon, mercredi 30 novembre, la charge politique a été lancée par François Hollande. "C'est Mme Merkel qui décide et M. Sarkozy qui suit", avait dit le candidat socialiste. Avant d'ajouter, que la chancelière allemande essaie, selon lui, "d'imposer un modèle européen qui n'est pas nécessairement le nôtre".
"Je n'accepterai jamais qu'au nom du contrôle des budgets nationaux, qu'au nom de la coordination des politiques budgétaires, la Cour de justice européenne puisse être juge des dépenses et des recettes d'un Etat souverain", avait martelé M. Hollande à Bruxelles.
Arnaud Montebourg évoque Bismark...
Le poids de l'Allemagne dans l'Europe a suscité un parallèle historique chez le troisième homme de la primaire socialiste. "La question du nationalisme allemand est en train de resurgir à travers la politique à la Bismarck employée par Mme Merkel (...). Ça veut dire qu'elle construit la confrontation pour imposer sa domination", avait déclaré Arnaud Montebourg.
Celui-ci s'est expliqué en disant qu'il reprenait une expression utilisée par les socialistes allemands du SPD à propos d'Otto von Bismarck, le fondateur de l'Empire allemand au XIXe siècle.
"Ce type de déclaration à la hussarde a des relents de nationalisme. Heureusement que Montebourg n'est pas aujourd'hui dans un gouvernement...", a aussitôt réagi Daniel Cohn-Bendit sur le site Internet du Parisien. "C'est du mauvais cocorico. Il fait du Front national à gauche", a estimé l'ancien "soixantehuitard" qui a une double culture, française et allemande.
... Et le "diktat allemand"
En guise de réponse, M. Montebourg a expliqué que "les Allemands mènent, sur la question de l'euro, une politique nationale, une politique servant leurs seuls intérêts : en faisant la politique des marchés et non pas des peuples, en imposant des plans d'austérité partout en Europe, en refusant les eurobonds et l'intervention de la Banque centrale européenne".
"Que l'Allemagne, mue par la conscience de son propre vieillissement, veuille une monnaie forte (…) qu'elle pense exercer (...) une 'hégémonie douce' ne sont que des éléments d'analyse, éléments qui n'ont rien de 'germanophobes' ou de 'populistes'", a ajouté le député de Saône-et Loire.
Dans le Monde qui rapporte ces propos, il a réaffirmé qu'il faut refuser un plus grand contrôle de l'Europe sur les budgets des Etats membres car "c'est un diktat allemand".
Jean-Marie Le Guen compare Nicolas Sarkozy à Daladier
Jean-Marie Le Guen, député socialiste de Paris et ancien strauss-kahnien rallié à M. Hollande, a lui estimé sur son blog que "Nicolas Sarkozy ressemble plus à Edouard Daladier qu'à Charles de Gaulle ou François Mitterrand".
Président (radical socialiste) du conseil sous la IVe République, Edouard Daladier avait signé en 1938, au nom de la France, les accords de Munich avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie, qui accordaient à Hitler l'annexion des Sudètes, une région germanophone de Tchécoslovaquie.
Marine Le Pen parle de schlague... et de collaboration
La candidate du Front national, Marine Le Pen a eu la formule la plus forte sur ce thème, en affirmant que le discours du président Sarkozy à Toulon, jeudi, annonce "l'Europe à la schlague " (Schlag, mot allemand qui veut dire "coup", et qui rappelle le vocabulaire utilisé dans les camps pendant la dernière guerre).
Elle s'est faite plus politique en soutenant que M. Sarkozy a dit que "nous n'étions plus un peuple libre et qu'il allait faire en sorte que demain ce soit d'autres que nous qui décident de notre avenir. Il se soumet en réalité aux desiderata allemands".
Vendredi, Mme. Le Pen en a rajouté affirmant que Nicolas Sarkozy n'aime pas la France et il est en train de la liquider. Il n'aime pas la France, et il entre chaque jour un peu plus dans la collaboration avec ses maîtres: les marchés et les banques"
Dans la famille souverainiste, Nicolas Dupont-Aignan parle clairement, à propos de l'attitude du chef de l'Etat, de "capitulation en rase campagne". Il ajoute : "il habille ses capitulations par des effets de manche très nationaux. C'est ce que j'appelle une véritable imposture, faire passer un abandon colossal de souveraineté, car c'est l'impôt forcé, c'est la fin de notre démocratie, derrière des grands drapeaux tricolores."
Mélenchon saisit le drapeau internationaliste
Le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui était en meeting jeudi soir, a joué sa partition politique internationaliste, en resituant les relations franco-allemandes dans l'actualité et non dans l'Histoire : "Ce sommet ne nous confrontait pas à Adolf Hitler mais à une chancelière de droite et conservatrice d'une nation amie".
"Nous avons assez à dire contre Mme Merkel" parce qu'elle est "libérale et conservatrice", "pas parce qu'elle est allemande", a conclu M. Mélenchon.
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