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Fraudes à l'assurance-maladie : 80% sont le fait des professionnels, pointe la Cour des comptes, qui regrette le manque de contrôles

Dans son rapport annuel sur la sécurité sociale, la Cour des comptes estime la fraude aux prestations sociales entre 6 et 8 milliards par an. Elle préconise de cibler les contrôles et d'améliorer le recouvrement.
Article rédigé par Lauriane Delanoë
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
La Cour des comptes. (LUC NOBOUT / MAXPPP)

Le gouvernement prépare un plan pour lutter contre la fraude sociale. Ces mesures accompagneront le plan contre la fraude fiscale. Et un chiffre peut éclairer l'exécutif : la Cour des comptes estime que la fraude aux prestations sociales représente entre 6 et 8 milliards d'euros. Une estimation donnée mercredi 24 mai dans le rapport annuel sur le financement de la Sécurité sociale. La moitié de cette fraude concerne l'assurance-maladie.

Sur cette fourchette de 6 à 8 milliards d'euros par an, la fraude contre l'assurance-maladie représente autour de 4 milliards d'euros. Sur cette part, la grande majorité, 80%, vient de professionnels. Quelques exemples : des médecins se font rembourser des actes fictifs jamais réalisés ; des infirmiers déclarent des actes incompatibles entre eux. La Cour des comptes mentionne aussi quelques kinésithérapeutes ou ambulanciers. Et on parle bien là de fraude et non pas d'erreur. L'autre part de la fourchette, en dehors de ces dépenses maladie, vient des bénéficiaires, des allocataires. Avec des fraudes, par exemple sur le RSA ou la prime d'activité.

Des "contrôles ciblés" qui demandent "un certain courage politique"

Dans tous les cas, Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, appelle à renforcer vraiment les contrôles, très insuffisants. "L'assurance-maladie ne contrôle que de 1 à 4% des factures émises par les différentes professions. Aucun contrôle n'a été effectué depuis la crise sanitaire sur les factures des établissements de santé. Aucun. En 2022, les CAF ne contrôlent sur place que 3% des 3,1 millions de foyers bénéficiaires du RSA. Et donc, il faut très clairement changer d'échelle, changer de vitesse. Il y a deux choses qui doivent être faites. D'abord, il faut augmenter les moyens du contrôle. Et puis deuxièmement, il faut que ces contrôles soient mieux ciblés. Et tout ça demande un certain courage politique." Sur la question des moyens, Pierre Moscovici pointe le nombre d'agents en charge de ces contrôles : 3 400, là où il en faudrait plus, selon la Cour des comptes.

Les magistrats de la Cour des comptes donnent aussi des pistes pour faciliter ces contrôles. Au-delà des effectifs, ils font des recommandations techniques pour cibler et identifier ces fraudes en amont. Les empêcher, en fait. Par exemple, contre les fraudes commises par les professionnels de santé, il faudrait améliorer les systèmes informatiques. Des mises à jour permettraient de bloquer, par exemple, les factures d'actes incohérents. Sur la branche famille, la Cour propose de revoir les modes de demande : les caisses ne s'appuieraient pas seulement sur les revenus déclarés par les allocataires eux-mêmes, mais elles pourraient recevoir les données par des tiers, par exemple Pôle emploi ou des employeurs.

Et l'un des enjeux, c'est le recouvrement des montants versés aux fraudeurs. Comment récupérer cet argent et faire qu'il revienne dans les caisses de l'Etat ? Pour l'instant, le système est inefficace. Seuls 1 à 10% des sommes sont récupérés, d'après la Cour des comptes. Et là encore, il s'agit de cibler. Les actions ne peuvent pas être les mêmes pour les professionnels et pour les bénéficiaires, selon Véronique Hamayon, présidente de la chambre de la Cour des comptes en charge du rapport annuel. "Quand il s'agit de professionnels de santé, on peut avoir quelques gros fraudeurs, donc un nombre relativement petit de fraudeurs pour des montants importants. Alors que quand il s'agit d'individus, de patients ou d'assurés sociaux bénéficiaires d'allocations diverses, c'est le contraire. On a un nombre très important d'allocataires pour des montants fraudés individuels qui sont relativement réduits. Et donc il faut faire beaucoup, beaucoup de contrôles pour arriver à récupérer des montants fraudés."

La Cour des comptes préconise enfin de sanctionner davantage tous ces fraudeurs aux prestations sociales.

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