Cet article date de plus de dix ans.

Booking, Expedia, TripAdvisor : quel est le problème avec la réservation d’hôtels en ligne ?

Les sites internet de réservation hôtelière sont de nouveau critiqués. Cette fois, les professionnels regrettent une relation déséquilibrée avec les plateformes en ligne.

Article rédigé par franceinfo - Claire Digiacomi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le site de réservation en ligne Expedia, comme ses homologues Booking et TripAdvisor, sont dans la ligne de mire du ministère de l'Economie pour leurs pratiques supposées anticoncurrentielles. (TRIPPLAAR KRISTOFFER / SIPA)

Après Expedia en novembre, c’est au tour du site Booking d’être épinglé par le ministère de l’Economie. Celui-ci a annoncé, mardi 27 mai, avoir lancé une procédure contre le groupe de réservations hôtelières en ligne. Certaines des clauses qui le lient aux hôtels sont pointées du doigt, notamment parce qu'elles empêcheraient les hôteliers de fixer librement leurs tarifs.

Ce n'est pas la première fois que ces sites sont critiqués. L'an dernier, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) et la Confédération des professionnels indépendants de l’hôtellerie (CPIH) avaient déjà saisi l’Autorité de la concurrence pour dénoncer les "conditions inéquitables" et les "restrictions de concurrence" pratiquées par les sites Booking, Expedia et HRS. En novembre, Expedia avait également été assigné en justice par le gouvernement.

Mais qu'est-ce qui pose problème avec ces sites de réservation en ligne ?

1Des clauses qui "nuisent à la compétitivité"

"Ce n’est pas une guerre que nous menons contre ces sites, mais nous souhaitons revoir les conditions pour un partenariat plus équitable", explique Philippe Pain, président de l’Umih Paris-IDF 78, interrogé par francetv info. Son hôtel est inscrit sur les sites de réservation en ligne depuis 2009. Il affirme avoir vu ses marges baisser progressivement. "C’est à cause des commissions qui augmentent", avance-t-il.

Pour chaque réservation effectuée sur une plateforme en ligne, une somme est prélevée par le site. Cette commission peut représenter jusqu'à 30% de la facture, selon le Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat), cité par Le Monde.fr. A cause de ces commissions, Philippe Pain dit avoir perdu 30 000 euros, "l’équivalent de deux emplois pleins", depuis le début de l’année. "J’essaie de limiter au maximum le stock de chambres proposées pour mon hôtel sur ces sites. Avec ces réservations, je perds de l’argent, contrairement aux réservations effectuées directement auprès de nous", regrette-t-il.

Par ailleurs, les critiques du ministère de l’Economie se concentrent sur deux dispositions des règlements de ces sites : la "clause de parité tarifaire" et la "clause de disponibilité", qui engagent l’hôtelier à proposer des tarifs identiques sur le site et directement auprès de l’hôtel, et à toujours mettre à disposition autant de chambres sur toutes les plateformes de réservation.

La "clause de parité tarifaire", qui empêche l’hôtelier de concéder des ristournes à ses clients fidèles, "nuit à la fois à la compétitivité du secteur hôtelier (…) et aux consommateurs, qui ne peuvent pas faire jouer la concurrence entre les différents canaux de distribution et obtenir ainsi de meilleurs tarifs", affirme le communiqué du ministère. Ce dont Booking se défend. Contacté par francetv info, le site affirme que la liberté des hôteliers n’est pas remise en question : "Leur intérêt est préservé, puisqu’ils fixent eux-mêmes le prix des chambres."

2Des avis d'internautes difficiles à contrôler

En 2012, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait soupçonné les sites de réservation de publier de faux avis de consommateurs, raconte La Tribune. Une accusation d’autant plus importante que "77% des internautes tiennent compte des avis et des notes laissés par d’autres internautes", selon le journal.

L’alerte avait débouché, l’an dernier, sur la norme Afnor NF Z74-501 visant à réguler les commentaires laissés par les internautes au sujet des hôtels. L’auteur du commentaire doit par exemple être identifiable et "contactable", et le droit de réponse est permis. Mais l'adoption de la norme est laissée au bon vouloir des sites. "Booking et TripAdvisor ne la respectent pas, déplore Philippe Pain. Il est plus compliqué pour nous d’améliorer nos services lorsque nous ne sommes pas sûrs du bien-fondé de ces critiques."

"Pour publier un commentaire, il faut que le site vous ait envoyé une invitation à poster un avis, et donc avoir été client de l’hôtel, se défend Booking. Les commentaires sont donc totalement certifiés, et Booking considère que ses principes de précaution de relecture suffisent." Sur l’anonymat des commentaires, Booking dit "respecter le droit des personnes, puisque le nom n’est pas indispensable dans ce genre de commentaire".

3Des sites devenus incontournables

Aujourd’hui, le tourisme en ligne est solidement ancré dans les habitudes de consommation. Selon un rapport de la DGCCRF (lien PDF), 62% des Français ont consulté des sites web pour préparer leurs vacances en 2013. D'après l'Observatoire des clientèles hôtelières, 42% des clients réservent régulièrement ou occasionnellement via des agences de voyage en ligne.

"Quand vous écrivez le nom de mon hôtel dans un moteur de recherche, les trois premiers résultats sont Booking, Expedia et TripAdvisor, constate Philippe Pain. Ces sites dépensent des sommes énormes pour leur référencement sur internet." L’effet est à double tranchant. Les hôtels sont effectivement mis en valeur, mais les hôteliers sont d’autant plus soumis aux conditions des sites. "Booking veut seulement aider le touriste étranger, qui ne connaît rien de sa destination, à comparer les hôtels et choisir l’offre qui lui convient, explique le groupe. Les petits hôteliers sont heureux de voir arriver des étrangers, alors que le référencement coûte très cher."

Pour éviter ces sites, le consommateur peut privilégier "les offices de tourisme, les Pages jaunes, les comités départementaux de tourisme", énumère Philippe Pain. Mais même si le voyageur décide de réserver directement auprès de l’hôtel, les sites de réservation sont souvent incontournables parce qu’ils permettent de comparer facilement les prix. Les hôteliers en colère ont tenté de lancer leur propre plateforme : Fairbooking, un site basé sur la fidélisation du client. "Mais nous n’arriverons jamais à concurrencer ces sites, regrette Philippe Pain. C’est le pot de terre contre le pot de fer."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.