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Comment Julie Gayet et François Hollande se sont retrouvés au milieu d'un scandale sur la vente de Rafale à l'Inde

L'ancien chef de l'Etat est soupçonné de conflit d'intérêts dans cette affaire qui secoue la classe politique indienne.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'actrice Julie Gayet et l'ancien président François Hollande, le 9 décembre 2017 à Paris. (THIBAULT CAMUS / AFP)

Des avions militaires, l'actrice Julie Gayet, l'ancien chef de l'Etat François Hollande et le Premier ministre indien Narendra Modi... Le casting du scandale qui secoue l'Inde est inattendu : l'opposition soupçonne le gouvernement d'avoir favorisé le groupe industriel Reliance dans l'achat de Rafale à la France en 2016 et la presse s'interroge sur le rôle joué par la compagne du président français de l'époque. Comme le raconte Courrier International, l'opposition a saisi, mercredi 19 septembre, la Comptroller and Auditor General of India, équivalent de la Cour des comptes française, pour demander des éclaircissements.

Franceinfo fait le point sur cette affaire.

Quel est le contrat visé ?

En septembre 2016, Dassault officialise la vente de 36 Rafale à l'Inde pour huit milliards d'euros. Peu après, l'avionneur français annonce la création d'une coentreprise avec le groupe Reliance, Dassault Reliance Aerospace. La société française y a investi plus de 100 millions d'euros. Une usine pour fabriquer des pièces de Falcon et de Rafale est construite à Nagpur, en Inde.

La création de cette coentreprise est une obligation. Les industriels étrangers obtenant des contrats d'armement en Inde doivent contractuellement réinvestir une partie des sommes perçues sur le territoire indien. Dans le cadre du contrat Rafale, ces "compensations" portent sur environ la moitié de la somme payée par le gouvernement indien. Premier importateur mondial d'armements, l'Inde cherche, via les "compensations", à faire naître une industrie de défense locale pour réduire à l'avenir sa dépendance vis-à-vis de l'étranger.

Pourquoi pose-t-il problème ?

Le groupe Reliance est dirigé par le magnat Anil Ambani, un industriel présumé proche du Premier ministre, Narendra Modi. L'opposition indienne accuse le gouvernement d'avoir favorisé le conglomérat privé, qui n'a aucune expérience dans l'aéronautique, au détriment de l'entreprise publique Hindustan Aeronautics Limited (HAL). Cette dernière était d'ailleurs impliqué dans de premières tractations avec Dassault, qui n'avait pas abouti. La vente avait été finalement relancée peu après l'arrivée au pouvoir de Modi en mai 2014, qui avait alors écarté HAL.

Que vient faire Julie Gayet dans cette affaire ?

En 2016, à l'époque de la signature du contrat, le groupe Reliance décide de financer Tout là-haut, un film avec Kev Adams coproduit par Julie Gayet, compagne du président de la République, François Hollande. Un financement de 1,6 million d'euros sur un budget total de 10 millions, rapporte Mediapart (article payant). "Un jour, les Indiens sont arrivés, et le film a pu se faire", résume un membre de l'équipe du film au site d'information. De quoi alimenter les soupçons de conflit d'intérêts : ce financement était-il une contrepartie négociée par François Hollande ?

Que répondent l'ancien chef de l'Etat et sa compagne ?

L'ancien chef de l'Etat est sorti de son silence le 21 septembre. Dans un entretien à Mediapart (article payant), il assure : "Nous n'avons pas eu le choix, nous avons pris l'interlocuteur qui nous a été donné." "C'est le gouvernement indien qui a proposé ce groupe de services et Dassault qui a négocié avec Ambani, a-t-il martelé, avant de glisser : Je ne pouvais même pas imaginer qu'il y avait un quelconque lien avec un film de Julie Gayet."

Cette dernière assure au site d'information que ce n'est pas sa maison de production qui a géré le contrat avec Reliance, mais My Family, qui s'occupe des films de Kev Adams. En ce qui concerne les Rafale, Dassault Aviation explique que le contrat avait été "établi de gouvernement à gouvernement". Le partenariat avec le groupe indien Reliance est "le choix de Dassault Aviation", précise encore l'entreprise française.

Dans un communiqué vendredi soir, le ministère des affaires étrangères français a rappelé que cet accord portait "sur les seules obligations du gouvernement français de s’assurer de la livraison et de la qualité de cet équipement". "Le gouvernement français n’est en aucune façon impliqué dans le choix des partenaires industriels indiens qui ont été, sont ou seront sélectionnés par les industriels français", a-t-il ajouté.

Quelle est la position du gouvernement indien ?

Les déclarations de François Hollande mettent le gouvernement indien en difficulté. Ces propos "sont en train d'être vérifiés", a réagi vendredi 21 septembre le porte-parole du ministère de la Défense sur Twitter. "Ni le gouvernement indien ni le gouvernement français n'ont eu leur mot à dire dans cette décision commerciale", insiste-t-il.

Une réaction qui ne convainc pas l'opposition indienne. "Grâce à François Hollande, nous savons désormais que Narendra Modi a personnellement accordé un marché au potentiel de milliards de dollars à un Anil Ambani en faillite", a tweeté le président du Congrès, Rahul Gandhi. "Le Premier ministre a trahi l'Inde", a ajouté l'héritier de la célèbre dynastie politique indienne.

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