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"Il y a un intérêt irrationnel pour Mars"

Washington accueille une conférence sur l'envoi d'une mission habitée sur la planète. Pourquoi un tel projet ? Francetv info a interrogé un planétologue du CNRS.

Article rédigé par Louis San - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Les experts de la Nasa estiment que des hommes pourront être envoyés sur la planète Mars d'ici 20 ans. (DETLEV VAN RAVENSWAAY / PICTURE PRESS RM / GETTY IMAGES)

Envoyer des hommes sur Mars, cela sera possible dans vingt ans, selon les experts de la Nasa qui ouvrent, lundi 6 mai à Washington (Etats-Unis), une conférence de trois jours entièrement dédiée à ce sujet. Parmi les invités : Buzz Aldrin, deuxième homme à avoir marché sur la Lune, et Charles Bolden, directeur de la Nasa. Ce dernier a affirmé qu'"une mission habitée vers Mars est une priorité" pour son agence.

Pour mieux comprendre l'enjeu de ce projet, francetv info a interrogé le planétologue François Forget, directeur de recherches au CNRS, et spécialiste de Mars.

Francetv info : Pour quelles raisons la Nasa cherche-t-elle à envoyer des hommes sur Mars ?

François Forget : Il y a un intérêt historique pour cette planète. Elle représente l'excitation et l'exploration. Aux Etats-Unis, les projets de recherches sur Mars remportent l'adhésion d'une grande partie de la population [un récent sondage indique que 75 % des Américains seraient favorables à doubler l'enveloppe annuelle de la Nasa, actuellement de 17 milliards de dollars - 13 milliards d'euros - pour financer une mission habitée]. L'intérêt irrationnel pour cette planète dépasse le simple intérêt scientifique. Par exemple, les retombées économiques d'une mission habitée sont difficilement quantifiables mais les contribuables américains se montrent heureux de participer à la recherche pour coloniser Mars.

Mars ferait simplement rêver ?

Non. Il existe d'excellentes raisons scientifiques d'étudier cette planète. Tout d'abord, si on veut aller sur un autre corps céleste en dehors du voisinage direct de la Terre, il faut se rendre sur Mars. Cet autre monde ressemble beaucoup au nôtre : Mars est une planète cousine. L'atmosphère, le climat et la géologie sont très similaires à ce que l'on trouve chez nous. Et puis Mars constitue la planète la plus accessible.

De plus, la vie a pu apparaître autrefois, puisque nous savons qu'il y a eu de l'eau à une certaine époque. Tout indique qu'il puisse encore y avoir des zones en profondeur contenant de l'eau liquide. Peut-être que nous pourrions y trouver une certaine forme de vie. Nous avons observé depuis longtemps sur Terre une forte activité biologique au fond des océans. Il n'est pas fou d'imaginer un système similaire là-bas.

Et puis, s'intéresser à d'autres planètes pour y étudier la vie, c'est important, pour la même raison qu'en médecine, on étudie d'autres animaux pour mieux comprendre l'homme.

Mais pourquoi y envoyer des hommes alors que l'on a déjà expédié des robots, comme Curiosity ?

Les robots n'exécutent pas tout ce dont est capable un humain. Surtout, la moindre manœuvre demeure extrêmement longue. Chaque mouvement de Curiosity, par exemple, se révèle très lent. Il ne peut faire qu'une chose à la fois. Sans compter le protocole de qualité et de sécurité, très lourd, avant de lancer une action. Ces précautions sont nécessaires afin que le robot ne se brise pas, car personne ne pourrait le réparer, et afin qu'il ne reste pas bloqué quelque part. Concrètement, gratter un caillou pour Curiosity prend des heures alors qu'un humain le ferait en quelques minutes.

Envoyer des hommes sur Mars constitue donc une étape logique ?

Il y a une étape intermédiaire : envoyer des hommes en orbite autour de cette planète. Pourquoi ? D'une part, missionner des hommes sur le sol martien coûterait extrêmement cher car développer une technologie pour faire atterrir et décoller un vaisseau est excessivement onéreux.

D'autre part, la présence d'humains dans le périmètre de Mars permettrait de piloter directement les robots. Dans ce cas, les manœuvres deviendraient très rapides. Les engins seraient comme des avatars humains sur place, très maniables. On peut imaginer qu'ils ne seraient pas commandés par des manettes mais par des capteurs placés sur le corps. Par exemple, tourner la tête entraînerait la rotation de la machine.

On utilise déjà dans d'autres contextes des robots sous-marins très perfectionnés et très maniables, capables de faire des soudures ou de poser des pipelines. Avec de tels engins sur Mars, nous pourrions réaliser des forages et partir à la recherche d'éventuels points d'eau en profondeur.

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