Education nationale : le vivier inexploité des enseignants en disponibilité
Pour beaucoup d'enseignants et de parents d’élèves, c’est le paradoxe de cette rentrée. D’un côté, le risque d’une pénurie de professeurs. De l’autre, un vivier d’enseignants en disponibilité, privés de classe, et qui, pour certains, ne demandent qu’à travailler.
Marie-Noëlle Darouy n'enseigne plus depuis qu'elle a suivi son mari muté en Bretagne. Ces trois dernières années, parce qu'elle n'a pu obtenir sa mutation, cette professeure d'histoire-géographie s'est placée en disponibilité de l'éducation nationale. Dans son appartement du centre-ville de Rennes, les manuels scolaires et le cartable de cette professeure d’histoire géographie sont désormais cantonnés au placard du salon.« Ce qui me fait le plus bizarre, c’est quand on me dit : vous faites quoi ? Avant, je disais je suis prof, maintenant, je réponds plus ça. Je dis : j’étais prof », reconnaît-elle. Ce qui l'empêche d'obtenir un poste en Bretagne, ce sont les points de barème qu’acquière un professeur au gré de sa carrière. En 16 ans d'enseignement, Marie-Noëlle Darouy a engrangé 796 points. Très loin des 1178 nécessaires pour être titularisée cette année dans l’académie de Rennes. Pour la troisème année consécutive, elle n’a pas pu être mutée pour cette rentrée. Toujours rattachée à l’académie de Bordeaux, où elle enseignait précédemment, elle ne peut pas non plus être engagée comme contractuelle. Une jurisprudence de 1989 l’interdit. Il lui est donc impossible de faire des remplacements, même de courte durée.
"On est rangé dans une case (...), on n’existe plus"
Une situation difficile à vivre, surtout quand ses propres enfants pâtissent parfois de l’absence d’enseignant : « il y a quelques années, mon fils n’a pas eu de professeur d’histoire-géo pendant trois semaines. Et moi, j’étais à la maison ». Elle ajoute : « c’est un carcan mais en plus, c’est un angle mort. On est rangé dans une case en disponibilité, on n’existe plus, on ne nous répond pas ». Marie-Noëlle Darouy serait loin d’être un cas isolé. Quelques jours avant la rentrée, des enseignants en disponibilité ont mis en ligne une pétition pour réclamer le droit de travailler. Résultat : des milliers de signatures et des dizaines de témoignages indignés. « Je ne comprends pas du tout pourquoi on refuse de nous laisser reprendre le travail avec la pénurie d’enseignants actuelle », déplore une signataire.« Mon mari est dans la même situation », ajoute l’épouse d’un enseignant concerné. D’après Christophe Huguel, secrétaire général du Sgen-Cfdt, sur les 8800 professeurs en disponibilité pour suivi de conjoint, une grande partie aimerait pouvoir travailler.
"C’est rageant (...) dans un contexte de manque d'enseignants"
« C’est rageant pour les personnels qui ne comprennent pas. Le grand public ne comprend pas non plus. Et la pression est beaucoup plus forte cette année dans un contexte de manque d’enseignants. » Mais alors, face aux besoins, pourquoi ne pas imaginer ces professeurs en disponibilité retrouver le chemin de l’école, à titre provisoire ? Le ministère de l’éducation nationale, à qui nous avons posé la question, n’y est pas favorable. Cela, assure-t-il, créerait un système de mutation à deux vitesses. « On introduirait une distorsion importante entre ceux qui attendent d’acquérir les points de barème et ceux qui bénéficieraient de ce recrutement », précise le ministère. Selon nos informations, la règle n’est cependant pas gravée dans le marbre. Le ministère autoriserait au compte-goutte, là où le manque d’enseignants est le plus criant, des affectations provisoires de professeurs en disponibilité.
Parmi nos sources (liste non-exhaustive):
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