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"Agribashing" : les associations qui luttent pour le bien-être animal menacées d’étranglement financier

Un amendement adopté dans le projet de loi de finance propose que les dons à une association ne soient plus déductibles si l'un de ses adhérents est "reconnu coupable d’un acte d’intrusion dans une ferme ou un bâtiment industriel". L'association de défense des animaux L214, connue pour ses vidéos chocs sur les pratiques dans les abattoirs, est notamment ciblée.

Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le député Les Républicains Marc Le Fur, qui a déposé l'amendement, à l'Assemblée nationale, le 18 janvier 2022. (THOMAS SAMSON / AFP)

Toucher les associations qui luttent pour le bien-être animal au portefeuille : c’est en substance l’objectif d’un amendement adopté en commission des finances de l’Assemblée nationale dans le projet de loi de finance, déposé par le député Les Républicains des Côtes-d’Armor, Marc Le Fur, soutien du monde agricole.

Ce texte, controversé, vise à lutter contre "l'agribashing" en excluant de réduction d'impôt les dons aux associations dont les adhérents "sont reconnus coupables d'actes d'intrusion" dans des exploitations agricoles et établissements industriels. Dans le viseur: l'une des associations principalement visée est L214, qui s’est notamment fait connaître du grand public par ses vidéos tournées dans les élevages intensifs.

"On voit que c'est une demande de la FNSEA"

"On tente ici d'empêcher les associations de réaliser ce travail d'alerte et de faire en sorte que notre modèle agricole et alimentaire puisse évoluer", dénonce Barbara Boyer, porte-parole de l'association.

"On voit que c'est une demande de la FNSEA notamment, le syndicat agricole majoritaire, qui promeut un modèle productiviste. C'est ce que demandent aussi les industriels de la viande."

Barbara Boyer (L214)

à franceinfo

Selon le texte, les dons à une association ne sont plus déductible si l’un de ces adhérents est reconnu coupable d’un acte d’intrusion dans une ferme ou un bâtiment industriel. Ce n’est pas la première tentative du député Marc Le Fur : "Chacun a le droit d'exprimer ses positions, mais personne n'a le droit de rentrer chez les gens pour attaquer des personnes individuellement, indique le parlementaire. C'est pour cela que nous considérons que l'Etat n'a pas le droit d'encourager financièrement de telles attitudes. Il faut y mettre une fin, et mes collègues ont bien voulu me suivre sur cette question."

L’intrusion sur un terrain agricole n’est pas illégal

L’amendement ne devrait cependant pas passer le filtre constitutionnel, estime Antoine Gatet, juriste et vice-président de France nature environnement : "On vient sanctionner une association pour des faits qui seraient éventuellement des faits des membres de l'association, alors qu'une association comme France nature environnement en compte 900 000... La deuxième fragilité juridique, et c'est une illégalité de base, est que l'intrusion sur les propriétés agricoles n'est pas quelque chose d'interdit : en droit, il y a une confusion avec la protection des domiciles ou des bâtiments agricoles et industriels."

Depuis 2019, le gouvernement est soupçonné de s’être mis dans le camp du principal syndicat agricole dans le débat et les tensions autour du partage de la nature et du bien-être animal. Ainsi, une cellule de gendarme "Demeter" a été spécialement constituée. Elle a récemment été censurée par le tribunal administratif, qui a estimé que le gouvernement était allé trop loin dans l’attribution de ses missions.

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