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Agression d'une femme à Blois par son ancien compagnon : "On parle beaucoup de la libération de la parole, il faut aussi une libération de l'écoute", déclare une association de juristes

La victime, âgée de 24 ans, a été placée mardi dans le coma à l'hôpital après avoir été frappée par son ancien compagnon. Elle s'était présenté au commissariat deux heures avant l'agression, mais la jeune femme a été invitée à revenir plus tard.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Une femme brandit une pancarte "entendez nos voix et surtout enregistrez nos plaintes" lors d'une manifestation contre les violences faites aux femmes, à Bruxelles, le 28 novembre 2021. (NICOLAS LANDEMARD / LE PICTORIUM / MAXPPP)

"On parle beaucoup de la libération de la parole, il faut aussi une libération de l'écoute", déclare samedi 17 décembre sur franceinfo Kadija Azougach, avocate et secrétaire générale de l’association Lawyers For Women, une association de juristes qui luttent contre les violences faites aux femmes. Elle réagit après la violente agression d'une femme par son ex-compagnon, mardi 13 décembre. Elle a été placée dans le coma. Quelques heures plus tôt, la victime avait tenté de porter plainte au commissariat de Blois (Loir-et-Cher) mais la police n'a pas pris sa plainte. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) est saisie. Pour l'avocate, la situation s'améliore mais il reste encore beaucoup à faire.


franceinfo : Pourquoi cette plainte n'a pas été enregistrée comme elle aurait dû ? 

Kadija Azougach : Depuis 2019 et le Grenelle des violences conjugales, une forte sensibilisation de la police a été mise en place. Le policier doit poser une liste de questions – une grille d'évaluation du danger – pour mettre en œuvre des mesures de protection, ce qui ne semble pas avoir été fait ici.
Toujours depuis 2019, il y a plus de formations, on a essayé de développer un peu plus de moyens et de dispositifs. Mais il y a encore des drames comme celui de mardi alors que les textes sont clairs : il y a le code de procédure pénale, une charte d'accueil des policiers est également affichée dans tous les commissariats. Les policiers sont tenus de prendre toutes les déclarations. Là, ça nous interpelle. Est-ce que c'est un manque de moyens ? Un manque de sensibilisation ? On parle beaucoup de la libération de la parole, il faut aussi une libération de l'écoute.

Est-ce encore fréquent que les plaintes pour violences conjugales ne soient pas prises en compte ?

Depuis 2019 et le Grenelle, j'ai moins d'échos de la part de clientes ou de confrères qui me remontent des plaintes qui n'auraient pas été prises en compte. Mais malheureusement, il y a encore des cas isolés parce qu'il y a un turn-over au sein de la police, un manque de moyens et de sensibilisation. Il faut accentuer les moyens et notamment l'accueil des femmes victimes de violences conjugales. 

Que se serait-il passé si la plainte de cette victime avait été prise en compte par les policiers ? Aurait-elle bénéficié de mesures de protection ? 

Dans ce cas de figure particulier, nous avons – c'est ce qui a été minimisé par l'agent de police judiciaire – une jeune femme de 24 ans qui ne vivait plus avec l'auteur de violences. On a donc estimé que ce n'était pas une urgence alors qu'elle subissait du harcèlement depuis un certain temps et que les chiffres sont clairs : les féminicides se produisent souvent post-séparation. Dans cette situation, on aurait pu la raccompagner ou convoquer l'auteur des violences, ce qui aurait permis une garde à vue. Avec le contrôle judiciaire, elle aurait été protégée. Tout l'arsenal aurait pu être déclenché : un bracelet anti-rapprochement, un téléphone grand danger et interdiction de s'approcher.

Le gouvernement veut expérimenter à partir de janvier un "pack nouveau départ" pour mieux accompagner les victimes. C'est une bonne nouvelle selon vous ? 

Depuis 2010 et la loi sur l'ordonnance de protection, on nous parle de "référents violences" mais il manque encore trop de moyens. Une des demandes de 'Lawyers For Women', c'est de s'inspirer de ce qu'il se passe par exemple en Espagne : avoir un parquet et un procureur spécialisé sur les violences faites aux femmes qui donnerait des directives aux policiers en charge de la plainte et qui interviendrait en urgence sur les situations parce qu'il y aurait des signaux d'alerte qu'il ne pourrait pas méconnaître.

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