Paris 2024 : libido, frustration et performance… Quatre questions sur des idées reçues autour de la sexualité des athlètes de haut niveau

Article rédigé par Audrey Abraham
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des ombres sur une piste d'athlétisme. (JEWEL SAMAD / AFP)
Alors que le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) a commandé 230 000 préservatifs à destination des athlètes et de leurs équipes. Le fantasme d'une sexualité débridée des athlètes de haut niveau refait surface.

Le village olympique de Paris 2024 mettra à disposition des athlètes et de leurs équipes plus de 230 000 préservatifs pour la période des Jeux, l'été prochain. Une mise à disposition gratuite qui est d'usage lors des compétitions olympiques qui brassent des millions de visiteurs venus des cinq continents. Plus de 450 000 protections avaient ainsi été distribuées à Rio en 2016, 160 000 à Tokyo en 2021. Paris, la "ville de l'amour", se situe donc dans une moyenne raisonnable.

Mais les idées reçues sur la sexualité des athlètes de haut niveau persistent. Carole Maître, gynécologue et médecin du sport à l'INSEP (l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance) y répond.

L'activité sportive entraîne-t-elle une hausse de la libido ?

Les sportifs et sportives sont-ils des chauds lapins ? Non, pas plus que la moyenne, répond catégoriquement Carole Maitre. "Leur sexualité est comme celle de la population générale. D'après une enquête, qu'on a faite il y a quelques années, leur fréquence de rapports sexuels est la même que dans la population générale de leur âge", précise ainsi la spécialiste.

D'un point de vue purement physique, l'activité sportive n'a pas d'incidence sur la libido. Elle peut faire augmenter le taux de testostérone "dans des limites normales", précise la médecin. À l'inverse même : "Les sports intensifs tels que la course de fond, le cyclisme et tous les sports qui entraînent une diminution de la masse grasse, s'accompagnent d'un déficit énergétique qui peut s'accompagner d'une diminution de la testostérone."

Ainsi, plus de la moitié des athlètes ne modifient pas leur activité sexuelle avant, pendant ou après les compétitions.

La frustration sexuelle améliore-t-elle les performances sportives ?

"La frustration quelle qu'elle soit - d'ordre sexuel ou autre - n'est pas porteuse de performances", souligne Carole Maître, précisant que "C'est même plutôt antinomique". Selon la spécialiste, "il faut être bien dans son corps, dans son esprit pour être performant. Donc il y a la part de l'entraînement, mais il y a aussi la part de l'épanouissement personnel. C'est indéniable, les deux sont vraiment intimement liés."

Carole Maître ajoute que "Les sportifs apprennent la gestion du stress et à anticiper les pressions environnementales, en fonction des enjeux des compétitions." Préserver un équilibre familial et personnel est donc essentiel. "La sexualité entre dans le domaine personnel, donc elle en fait partie mais il n'y a pas que ça, ajoute Carole Maitre.On peut très bien avoir un ou une athlète qui va performer, alors qu'il n'a pas eu d'activité sexuelle depuis six mois." Ainsi, souligne la médecin du sport, "plus de 80% des sportifs et sportives considèrent que leur sexualité n'a pas d'impact sur leurs résultats sportifs."

Le facteur stress, par ailleurs, ne semble pas entrer en compte dans l'activité sexuelle des athlètes, précise la médecin du sport. "Globalement, ils n'augmentent pas leur sexualité avant les compétitions. Chacun le vit dans son intimité, en fonction de ses relations, en fonction de ce qu'il souhaite. Ni les médecins, ni les entraîneurs, ni personne n'interfère dans la sphère intime des sportifs et des sportives."

Certains entraîneurs mènent-ils une "politique du sexe" ?

Pendant la Coupe du monde de football au Qatar en 2022, le journal L'Equipe avait révélé que les familles des joueurs avaient été autorisées par Didier Deschamps à leur rendre visite. Une indiscrétion qui avait réveillé les fantasmes au sujet de l'influence de l'entraîneur sur l'intimité de ses joueurs, voire d'une véritable "politique du sexe".

Il n'y a "aucun conseil de cet ordre-là, insiste la médecin du sport. Un mondial au Qatar, c'est un éloignement de la sphère familiale et personnelle. Certains joueurs étaient de jeunes papas. Ça fait partie du maintien de l'équilibre entre l'enjeu de la compétition et la vie personnelle. D'avoir permis cette présence des compagnes et des enfants, c'est important pour l'équilibre personnel et l'épanouissement de chacun." Un moment qui n'empêche pas les athlètes de s'investir dans la compétition.

À ce sujet, Carole Maître explique que cet été à Paris,"à proximité du village olympique, il y aura des possibilités pour celles et ceux qui le souhaitent la possibilité d'avoir un accompagnant avec les enfants. C'est important, ça fait partie aussi de la vie de l'athlète. C'est un homme, une femme, qui travaille son corps dans le haut niveau, dans l'objectif d'avoir ces résultats mais l'équilibre personnel fait partie intégrante de la performance."

Les Jeux olympiques font-ils grimper les chiffres des IST ?

La distribution des préservatifs fait partie d'une campagne plus générale de prévention de la transmission de maladies sexuelles. La période des Jeux olympiques est un moment de grand brassage des populations : athlètes, staff, salariés, bénévoles, millions de spectateurs... "Comme dans tout grand rassemblement, on va craindre ce qui est transmissible. Les IST, mais aussi les infections respiratoires saisonnières aussi. Mais pas plus les IST que d'autres risques", tranche la spécialiste. La prévention des risques de santé publique "fait partie de la responsabilité des organisateurs de grands événements. Et c'est très bien qu'il n'y ait pas de tabou sur le sujet !" 

Pour autant, la quantité de préservatifs distribués - 230 000 - n'est pas représentative de l'activité sexuelle des athlètes sur la période des Jeux : "Ça répondra à des besoins, mais tous ne seront pas forcément utilisés par les athlètes. Il y en a même un certain nombre qui vont être considérés comme des objets collectors."

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