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Prison : comment des condamnés échappent à leur peine

Certains condamnés parviennent à se soustraire à la justice et à la police avant l'exécution de leur peine. Leur traque s'avère parfois difficile.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La porte d'entrée de la maison d'arrêt de Caen (Calvados), le 11 mars 2012. (YANN THOMPSON / FRANCETV INFO)

Ils s'évadent avant même d'avoir mis les pieds en détention. Tous les ans, des condamnés à de la prison ferme tentent de se faire oublier de la justice. Déménagement, non-réponse aux convocations, ils espèrent échapper à la case prison. Dans certains cas, la fuite est même involontaire, due à des dysfonctionnements dans le système de l'exécution des peines.

En France, près de 100 000 peines de prison attendent toujours d'être mises à exécution, pour différentes raisons. Certaines ont été prononcées en l'absence du condamné, qu'il faut retrouver. D'autres n'ont pas donné lieu à un mandat de dépôt, laissant la personne libre jusqu'à son incarcération. Francetv info vous explique comment certains condamnés peuvent se dérober à la justice.

En séchant leur procès

Après une condamnation à de la prison ferme, si la personne était absente à l'audience, elle doit être informée de la décision du tribunal. Sans cette "signification du jugement", le condamné ne peut pas faire appel ni être incarcéré. Il faut donc le retrouver.

Cette mission relève d'abord des huissiers de justice. Le parquet leur transmet la dernière adresse connue du condamné, où ils se rendent pour lui signifier le jugement, dans un délai maximal de 45 jours. "Parfois, le condamné aura été muté ou aura disparu du jour au lendemain, et ni les services de la mairie ni le voisinage ne pourront nous aider à le localiser", explique à francetv info Antoine Santoire, huissier de justice à Verdun. Le recours aux huissiers ne suffit donc pas toujours, d'autant que leurs pratiques sont critiquées.

Antoine Santoire reconnaît le "manque de diligence" de certains de ses collègues pour retrouver les condamnés, comme le constatait un rapport parlementaire en 2008. "Ces huissiers ne prennent pas la peine d'entrer dans les détails", déplore-t-il, avant d'avancer une explication : "Cette activité est très mal rémunérée par l'Etat, qui accuse des mois de retard - je n'ai pas été payé depuis août 2012." Au final, pas de signification, donc pas d'incarcération. Le dossier retourne au parquet, pendant que le condamné poursuit sa "clandestinité".

En quittant les écrans radar de la police

Lorsqu'un condamné manque à l'appel, le parquet fait enregistrer son dossier au fichier des personnes recherchées (FPR). Environ 30 000 personnes dans ce cas y figuraient en 2008, selon l'Inspection générale des services judiciaires. Cette immense base de données est consultée quotidiennement par les forces de l'ordre, qui vérifient, à chaque garde à vue, interpellation ou même contrôle d'identité, que la personne n'est pas recherchée. Des équipes spécialisées ont pour mission de retrouver ces personnes inscrites au FPR, comme la brigade nationale de recherche des fugitifs et la brigade d'exécution des décisions de justice.

Quand les adresses ne sont pas bonnes, il faut "refaire des enquêtes, passer des nuits dans des sous-marins [camionnettes de surveillance], activer les tontons [indicateurs]", explique une source policière interrogée par francetv info. Mais, faute de moyens, ces dispositifs ne sont pas une priorité chez les policiers, dont le manque d'implication est critiqué.

"Le plus souvent, il faut attendre que le condamné fasse un faux pas, un feu rouge grillé ou un simple contrôle à la sortie d'une boîte de nuit, pour le retrouver", indique à francetv info Benoît Vandermaesen, vice-procureur au parquet de Marseille.

En attendant la prescription

La traque des "fuyards" dure des années. Il existe toutefois une prescription, qui varie en fonction du type de condamnation : deux ans pour une contravention, cinq ans pour un délit, vingt ans pour un crime. Autrement dit, à compter du moment où le délai d'appel est dépassé, un compte à rebours se déclenche, au terme duquel la personne peut échapper à l'exécution de sa peine.

Pour cela, il faut bien sûr que le jugement ait été signifié en amont. Ainsi, une personne condamnée en son absence à une peine de six mois ferme ne pourra bénéficier de la prescription que si sa condamnation lui a bien été notifiée cinq ans auparavant (par un huissier, par exemple). Une juge de l'application des peines a constaté, début octobre, un cas similaire.

Au final, le nombre de peines non exécutées reste "très résiduel", selon le vice-procureur de Bayonne Olivier Janson, contacté par francetv info. Il s'agit en grande majorité de courtes peines (les peines les plus graves faisant généralement l'objet d'un mandat de dépôt ou d'arrêt). Ces cas n'en constituent pas moins "une atteinte au respect de la chose jugée", comme l'écrivait déjà, en 1947, le juriste Henri Donnedieu de Vabres. Réduire leur nombre implique notamment des efforts contre l'absentéisme aux procès et un meilleur suivi des condamnés.

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