Procès de Monique Olivier : le parquet requiert la perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, contre l'ex-femme de Michel Fourniret

Monique Olivier comparait devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine pour complicité dans les enlèvements et les meurtres de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin. Le verdict sera rendu mardi.
Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les avocats généraux Stéphanie Pottier et Hugues Julié, au procès de Monique Olivier, devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, à Nanterre, le 14 décembre 2023. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)

"Ce n'était pas une présence qu'elle offrait à Michel Fourniret mais une contribution." Le parquet a requis, lundi 18 décembre, la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, soit le maximum encouru, à l'encontre de Monique Olivier. L'ex-femme du violeur et tueur en série Michel Fourniret, jugée depuis le 28 novembre devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, à Nanterre, est restée impassible dans le box. Elle est poursuivie pour complicité dans les enlèvements, viols et tentatives de viol et séquestrations suivies de mort de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin.

"Le complice encourt la même peine que l'auteur principal", a rappelé aux jurés l'avocat général Hugues Julié, dans ce réquisitoire à deux voix, lundi matin. "Vous avez aujourd'hui à juger uniquement la complice de Michel Fourniret – mort il y a deux ans. Sans elle, il ne commet pas les crimes, avec elle, il les réussit", a-t-il martelé. Et l'avocat général de regretter que "la société" n'ait "pas permis" que les responsables des disparitions de ces deux jeunes filles de 19 et 20 ans en 1988 et 1990 et de cette fillette de 9 ans en 2003 "soient jugés ensemble"

"Le pire couple de tueurs en série"

Pour l'accusation, le retard pris dans la réponse judiciaire apportée aux familles, qui auraient pu espérer un procès bien plus tôt, n'est pas tant due à la "justice, une institution humaine imparfaite", qu'à la "complexité" des crimes commis par "le pire couple de tueurs en série de ces cinquante dernières années". Quand bien même Monique Olivier n'a pas tué, ses mensonges ont retardé l'implication de son mari dans ces trois crimes. Elle a "protégé en pleine conscience Michel Fourniret, a asséné Hugues Julié face à l'accusée tête baissée.

 

"Votre décision a pour finalité d'apaiser la société. Une décision de sagesse qui s'opposera au désordre et chaos semé par Michel Fourniret et Monique Olivier."

Hugues Julié, avocat général

lors du réquisitoire au procès de Monique Olivier

Monique Olivier avait déjà été condamnée à la perpétuité par la cour d'assises des Ardennes, en 2008, assortie d'une période de sûreté de trente ans, pour complicité dans quatre enlèvements et meurtres de son mari. Puis elle avait écopé de vingt ans de réclusion à Versailles dix ans plus tard, toujours pour complicité, dans un meurtre crapuleux cette fois. "Il m'a utilisée", avait assuré l'accusée de 75 ans au premier jour de son procès, pour définir sa relation avec Michel Fourniret, évoquant à plusieurs reprises sa propre "peur" face à l'ogre des Ardennes. 

Le parquet ne souscrit pas à cette thèse. "La peur est impensable au vu du nombre de passages à l'acte, a estimé Hugues Julié. Elle n'a jamais eu peur, elle a été passagère, elle a conduit, elle a téléphoné, elle a gardé, elle a toujours agi en serviteur zélé de son mari." "Même si Monique Olivier a une forme de crainte, en rien nous ne pouvons comparer cette crainte à une peur tétanisante, a appuyé sa collègue Stéphanie Pottier. Elle agit, commet des actes de complicité positifs. Cette place qu'elle occupe, ça la valorise et cela vient nourrir un besoin d'existence."  

Une femme "à la double personnalité"

Pour la magistrate, sans la présence de cette femme "à la double personnalité", qui a montré "son vrai visage" lors de la confrontation avec son fils Sélim le 13 décembre, Marie-Angèle Domece et Joanna Parrish tout comme "beaucoup d'autres victimes ne seraient pas montées dans le véhicule" de Michel Fourniret. 

"Michel Fourniret et Monique Olivier ne sont pas des monstres, ce sont des êtres humains qui ont commis des actes monstrueux, ce sont eux qui ont nié l’humanité de leurs victimes."

Stéphanie Pottier, avocate générale

lors du réquisitoire au procès de Monique Olivier

Pour le parquet, le couple "a nié l'humanité" de ces jeunes victimes parce qu'il a "oublié leurs visages". Monique Olivier a peiné, pendant les débats, à se souvenir du nom de certaines d'entre elles et ne s'est dite marquée que par celle dont on venait de lui présenter les photos d'autopsie. "Nous, madame Olivier, nous n'oublierons jamais le visage de Marie-Angèle, Joanna et d'Estelle", a tancé Stéphanie Pottier, après être longuement revenue sur le supplice des deux premières. Hugues Julié s'est chargé de rappeler "la responsabilité" de l'accusée dans le dernier meurtre commis par le couple, celui d'Estelle Mouzin, "la plus jeune, la plus fragile".

Après avoir fourni un premier alibi à Michel Fourniret en passant un coup de fil à son fils ce 9 janvier 2003, elle lui en a fourni un second en allant garder l'enfant dans "la maison crasseuse de Villes-sur-Lumes" pour qu'il puisse aller prendre son poste de gardien dans une école pendant quelques heures. "Estelle lui a demandé sa maman et sa seule réponse a été de lui dire qu'elle allait la revoir alors qu'elle savait très bien qu'elle ne la reverrait jamais, a souligné l'avocat général. Monique Olivier n'a rien fait pour la sauver (...) elle l'a laissée à Michel Fourniret pour qu'il finisse par la tuer de ses grosses mains."

"Estelle Mouzin l'indifférait, comme les autres"

Ses aveux tardifs, en 2019, puis ses indications n'ont pas permis de retrouver le corps d'Estelle Mouzin. Elle a répété à plusieurs reprises pendant le procès qu'elle ignorait où il se trouvait. Sans convaincre : "Si Monique Olivier avait donné des informations utiles, elle aurait pu avoir une tombe décente plutôt qu'être enterrée dans une forêt ardennaise", a estimé Hugues Julié. Pour l'accusation, l'accusée de 75 ans "a fait le choix de garder sa part d'ombre sur ces faits. Estelle Mouzin l'indifférait, comme toutes les autres victimes".  

Lors de leurs plaidoiries vendredi, tous les avocats des parties civiles ont demandé qu'elle soit déclarée coupable et qu'une peine lourde soit prononcée. "Sa gravité, sa lourdeur dira qu'on ne peut pas enlever, pas tuer des enfants comme ça, a estimé Didier Seban, l'avocat du père d'Estelle Mouzin. Je veux que ces crimes vous hantent dans vos nuits en maison d'arrêt."

"Vous allez nécessairement la condamner", a concédé l'avocat de Monique Olivier lors de sa plaidoirie, lundi, précisant que sa cliente ne ferait "pas appel" de la décision. "Parce qu'il est hors de question d'infliger un second procès aux parties civiles, et parce qu'elle est coupable", a relevé Richard Delgenes. Mais "sans les aveux de Monique Olivier, on n'est pas là aujourd’hui, dans aucune de ces trois affaires", a-t-il plaidé.

S'agissant de la personnalité de cette femme qu'il représente depuis près de vingt ans, le pénaliste ne croit pas qu'elle ait "deux visages" : "Il n'y a qu'une Monique Olivier, avec sa personnalité tout à fait particulière, qui s'exprime différemment selon son environnement." Selon la défense, "la complice parfaite" de Michel Fourniret "aurait pu faire le bien avec le même zèle". Et depuis cinq ans, "ma cliente s'est engagée dans un autre chemin", assure son avocat auprès des jurés. Ces derniers rendront leur verdict mardi, après les derniers mots de l'accusée.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.