Cinq pistes pour lutter contre l'impunité des crimes sexuels et le silence des victimes
Ces propositions sont contenues dans un rapport réalisé par la psychiatre Muriel Salmona, consulté par "Le Monde" et le Huffington Post. Celui-ci liste des pistes pour améliorer la prise en charge des victimes et lutter contre les sentiments d'impunité des agresseurs.
La publication du rapport a été avancée, pressée par l'urgence et l'actualité. Vendredi 20 octobre, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, recevra sur son bureau un "Manifeste contre l'impunité des crimes sexuels". Réalisé par Muriel Salmona, psychiatre spécialisée en psychotraumatologie, ce document est le fruit de trois mois de travail. Selon des médias qui ont pu le consulter, comme Le Monde (pour abonnés) et le Huffington Post, il présente des mesures concrètes pour lutter contre ces violences, alors que les dénonciations d'agressions se multiplient, notamment à travers le mot-dièse #balancetonporc sur les réseaux sociaux.
Interrogée par ce dernier, Marlène Schiappa a assuré que les mesures qui le pourront seront "[transposées] en politiques publiques dans le cadre de la grande loi citoyenne pour une juste condamnation sociétale et judiciaire des violences sexuelles".
Selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour franceinfo et Le Figaro, paru jeudi, près de 53% des Françaises déclarent avoir déjà été victime de harcèlement ou d'agression sexuelle.
Sensibiliser dès l'enfance
Le manifeste présenté par la spécialiste insiste sur l'importance de la sensibilisation, et ce dès le plus jeune âge, afin de "lutter contre le déni, la culture et la loi du silence en informant sans relâche", cite Le Monde. Prévention auprès du grand public, incitation à mener des recherches sur le sujet, éducation à la non-violence, à la question du consentement et à l’écoute des victimes figurent parmi les propositions phares de ce document.
Mieux former des professionnels
Muriel Salmona propose par ailleurs de "réformer la formation de tous les professionnels de l'éducation, du social, de la santé, des forces de l'ordre et de la justice", liste le Huffington Post. "Seules 20% des victimes de violences sexuelles parlent à des professionnels, rappelle la spécialiste. Leur premier recours étant les médecins et plus particulièrement les psychiatres."
"Les violences sexuelles ont un impact considérable sur la santé, elles sont un problème de santé publique majeur, or les victimes mettent en moyenne treize ans avant de trouver un professionnel formé", met en lumière le manifeste, cité par le site d'information. Mais "82% des étudiants en médecine n'ont pas eu de formation sur les violences sexuelles", et "plus de 95% [d'entre eux] veulent recevoir une formation pour dépister les violences sexuelles, les prendre en charge et en traiter les conséquences." Les étudiants en médecine devraient donc suivre une formation obligatoire en psychotraumatologie et victimologie, qui devraient les aider à effectuer le "dépistage précoce" des victimes et, ainsi, permettre la libération de leur parole, estime la spécialiste. Le document présenté à Marlène Schiappa propose également de créer une spécialité à part entière.
"Il faut que les victimes soient mieux accompagnées, en particulier les enfants, tout au long des procédures, poursuit le Huffington Post. Les expertises psychiatriques doivent être réalisées par des professionnels des troubles psychotraumatiques pour ne pas conclure trop rapidement à un trouble psychiatrique et non à un traumatisme." Selon Le Monde, il est également question de mieux former "les policiers, gendarmes et unités médico-judiciaires qui recueillent les plaintes" à prendre en charge les victimes.
Installer des structures de crise pour les victimes
Des centres de crise accessibles 24h/24 dans les urgences des hôpitaux et des centres de soins pluridisciplinaires sur la psychotraumatologie sont également évoqués dans ce document.
La psychiatre recommande l'imprescriptibilité des crimes sexuels et un meilleur accueil des dépôts de plaintes en matière d'écoute, de prise en charge et de sécurité des victimes.
Créer des procédures judiciaires adaptées
Selon le rapport de Muriel Salmona, la législation ne permet pas en l'état de traiter les crimes sexuels. Elle propose ainsi de créer des "juridictions spécialisées avec des magistrats spécifiquement formés, particulièrement aux psychotraumatismes", et demande "l'imprescriptibilité des crimes sexuels".
"Motivation des classements sans suite et de l'absence d'instruction judiciaire", "abrogation de la possibilité de déqualifier les viols en délits", "présomption irréfragable d'absence de consentement pour les mineurs de 15 ans" ... Le Huffington Post dresse une liste des réformes proposées. Cette dernière mesure entend empêcher à l'avenir des décisions de justice telles que celle rendue le 26 septembre par le parquet de Pontoise (Val-d'Oise), lequel a estimé qu'une fillette de 11 ans, qui avait suivi un homme chez lui "sans opposer de résistance évidente", avait consenti à un rapport sexuel.
Mieux définir juridiquement le viol et le consentement
Enfin, les extraits de ce document détaillé par le site insiste sur la définition du consentement, lequel "doit être donné volontairement comme le résultat de la volonté libre et éclairée de la personne considérée dans le contexte des circonstances pertinentes, la contrainte étant caractérisée à chaque fois qu'il n'y a pas eu consentement en l'absence de précautions élémentaires prises par l'accusé pour s'assurer précisément de ce consentement". Ainsi, "l'absence de consentement doit pouvoir se déduire de l'incapacité neurologique à exprimer sa volonté et son discernement (psychotraumatismes, handicaps, altération de la conscience)", et "de l'atteinte à l'intégrité physique et du non-respect de la dignité qui est inaliénable".
De même, la psychiatre demande que "le viol soit défini non seulement par la pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit sur la personne d'autrui, mais aussi par la pénétration du corps de l'agresseur par la victime (pénétration passive : fellation sur la victime)." Enfin, elle évoque "l'introduction de l'inceste dans la définition de l'infraction de viol" et propose d'étendre les circonstances aggravantes au "partenaire ou ex-partenaire" ainsi qu'aux personnes "ayant des liens familiaux et/ou vivant communément dans le foyer de la victime".
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