Aide à mourir, soins palliatifs, "maisons d'accompagnement"… Que contient le projet de loi sur la fin de vie présenté en Conseil des ministres ?

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Emmanuel Macron préside un Conseil des ministres aux côtés de la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, le 12 janvier 2024, à l'Elysée, à Paris. (ERIC TSCHAEN / SIPA)
Le texte du gouvernement sera examiné en commission spéciale à l'Assemblée nationale dès la semaine du 22 avril, avant d'arriver dans l'hémicycle le 27 mai.

Les dés sont jetés. Après des mois de rédaction et d'atermoiements, le projet de loi "relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie" a été présenté en Conseil des ministres, mercredi 10 avril, ultime étape avant l'examen du texte par les parlementaires, qui pourront le faire évoluer à leur guise. S'il commence par plusieurs articles consacrés aux "soins d'accompagnement" en lien avec la nouvelle stratégie de développement des soins palliatifs, le document est largement consacré au dispositif d'"aide à mourir" imaginé par l'exécutif.

Voici les principales mesures contenues dans ce projet de loi, mis en ligne mercredi après-midi sur Legifrance. Les députés plancheront dessus dès la semaine du 22 avril en commission, puis à compter du 27 mai en séance plénière.

Une nouvelle pratique : l'"aide à mourir"

La principale innovation du projet de loi est l'introduction en France de l'aide à mourir, qui prendra la forme d'un suicide assisté, voire, à titre exceptionnel, d'une euthanasie. "L'aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d'une substance létale (...) afin qu'elle se l'administre ou, lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu'elle désigne", détaille le texte. 

Pour y accéder, une personne devra répondre à l'intégralité de ces cinq conditions, qui feront l'objet d'intenses discussions lors des débats parlementaires : 

  1. "Etre âgé d'au moins 18 ans"
  2. "Etre de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France"
  3. "Etre atteinte d'une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme"
  4. "Présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d'arrêter de recevoir des traitements"
  5. "Etre apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée."

Une procédure soumise au feu vert d'un médecin

Le parcours envisagé débute par la formulation d'une demande d'aide à mourir auprès d'un médecin. Le praticien, qui ne doit pas être un proche du patient, est alors tenu de l'informer sur la procédure, sur les autres "traitements et dispositifs d'accompagnement disponibles", mais également sur la possibilité de renoncer à sa demande "à tout moment". Il devra en outre lui proposer de "bénéficier de soins palliatifs" et s'assurer qu'il puisse y "accéder".

Le médecin doit ensuite, sous quinze jours suivant la demande, décider si le malade répond bien aux cinq critères prévus. Pour cela, il est tenu de "recueillir l'avis" de plusieurs soignants, dont au moins un médecin qui ne suit pas la personne et "un auxiliaire médical [infirmier, par exemple] ou un aide-soignant". S'il n'est pas lui-même spécialiste de la maladie grave du patient, le médecin doit faire en sorte que le confrère qu'il sollicite le soit. L'avis donné par les autres soignants consultés est seulement consultatif, le praticien initialement sollicité restant seul décisionnaire.

En cas de feu vert, le patient doit respecter un délai de réflexion de deux jours avant de réitérer sa demande. En cas de réponse négative, le malade peut contester la décision devant la justice administrative. Après avoir rendu sa décision, ce dernier peut l'annuler à tout moment si de nouvelles informations le conduisent à considérer que les conditions "n'étaient pas remplies ou cessent de l'être".

Un geste létal à réaliser en présence d'un soignant

Une fois la demande du patient approuvée et confirmée, le médecin prescrit le produit et se met d'accord avec le patient sur "le médecin ou l'infirmier chargé de l'accompagner pour l'administration de la substance létale". C'est ce professionnel, et non le malade lui-même, qui peut retirer le produit, préparé par la pharmacie d'un établissement de santé ou médico-social. La date et le lieu de l'acte sont déterminés d'un commun accord entre le soignant et le demandeur. Si l'aide à mourir est programmée plus de trois mois après le feu vert, une nouvelle évaluation du "caractère libre et éclairé" de la demande est alors nécessaire.

Après une ultime vérification de la volonté du patient, l'aide à mourir peut être pratiquée sur le patient, en présence de ses proches s'il le souhaite. Le médecin ou l'infirmier met en place le dispositif et surveille la réalisation de l'acte. Il n'est pas tenu de rester "aux côtés de la personne", mais doit "se trouver à une proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté". Si le patient demande un report, une nouvelle date peut être programmée. Sinon, "l'administration de la substance létale est effectuée par la personne elle-même", rappelle le texte.

C'est seulement lorsque le malade est confronté à une impossibilité physique (paralysie totale, par exemple) que le geste peut être confié au professionnel présent ou à "une personne volontaire" désignée par le malade.

Une clause de conscience pour les professionnels de santé

Tout professionnel de santé peut refuser de traiter ou d'être associé à une demande d'aide à mourir formulée par un patient. De même, tout médecin ou infirmier peut refuser d'accompagner le malade dans l'administration du produit létal, sauf s'il s'est engagé auprès de lui après l'approbation de sa demande. "Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer (…) doit informer, sans délai, la personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnels de santé susceptibles [de le faire]", prévoit alors le projet de loi.

Pour faciliter l'identification des soignants volontaires, ces derniers pourront se déclarer auprès d'une commission chargée du contrôle de l'aide à mourir. Les missions réalisées dans le cadre de l'aide à mourir ne pourront pas donner lieu à un dépassement d'honoraires, et la procédure sera gratuite pour les patients.

Une "commission d'évaluation et de contrôle" de l'aide à mourir

Pour faciliter le suivi du dispositif, le projet de loi prévoit d'instituer une "commission d'évaluation et de contrôle", rattachée au ministère de la Santé. Chaque professionnel ayant accepté de suivre un patient devra transmettre les documents produits au fil du parcours. Sur cette base, la commission sera chargée de contrôler le respect de "chaque procédure d'aide à mourir".

En cas de soupçon de crime ou de délit, elle devra saisir la justice. Face à un possible "manquement aux règles déontologiques ou professionnelles" de la part d'un soignant, elle pourra le signaler à la chambre disciplinaire de l'ordre compétent (ordre des médecins, ordre des infirmiers, etc.). Elle devra enfin livrer un rapport au gouvernement et au Parlement, chaque année, avec des recommandations pour faire évoluer le dispositif en cas de besoin identifié.

Un nouveau concept : les "soins d'accompagnement"

Le projet porté par le gouvernement supprime l'article de loi actuellement consacré aux soins palliatifs pour introduire une notion plus large : "les soins d'accompagnement". Ceux-ci visent à "offrir une prise en charge globale de la personne malade afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être". Ces soins doivent anticiper et répondre aux "besoins physiques" du patient, contre la douleur par exemple, mais aussi à ses "besoins psychologiques et sociaux". Ils passent par le recours aux soins palliatifs, tout en incluant d'autres formes d'accompagnement, et ce "dès le début de la maladie".

Cette volonté de prise en charge précoce et globale se concrétise, "dès l'annonce du diagnostic d'une affection grave", par la proposition de mise en place d'un "plan personnalisé d'accompagnement". Le malade pourra ainsi identifier ses besoins et ses préférences, notamment en matière de prise en charge de la douleur, afin de planifier un suivi coordonné en termes de soins, mais aussi d'accompagnement social.

Un nouveau type d'établissement : les maisons d'accompagnement

Le texte introduit une nouvelle famille d'établissement médico-social : les "maisons d'accompagnement". Celles-ci auront pour vocation d'"accueillir et accompagner des personnes en fin de vie et leurs proches", particulièrement en prodiguant aux résidents des soins d'accompagnement. Ces structures de petite taille, qui s'inspirent en partie de la Maison Astrolabe inaugurée l'an dernier dans le Tarn, devront combler le vide qui existe parfois entre le domicile et l'hôpital : certains patients ne sont plus en état de rester chez eux, mais ne nécessitent pas pour autant une prise en charge très médicalisée. Dans le cadre de sa stratégie décennale des soins d'accompagnement, le gouvernement prévoit que chaque département dispose d'au moins une de ces maisons d'ici à 2034.

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