Rixes entre bandes : "Certains gamins peuvent considérer qu'ils ont raté leur vie si, à 18 ans, ils n'ont pas tapé sur le voisin", s'alarme un élu
"On est vraiment dans une culture de confrontation. Cela relève, c’est aberrant de le dire, mais quasiment d'un processus de socialisation", constate Romain Colas, maire de Boussy-Saint-Antoine où un ado est mort. Il rejette la facilité de charger les parents qui sont rarement démissionnaires, selon son expérience.
"Certains gamins peuvent considérer qu'ils ont raté leur vie si, à 18 ans, ils n’ont pas tapé sur le voisin", s'est alarmé vendredi 12 mars sur franceinfo Romain Colas, maire PS de Boussy-Saint-Antoine (Essonne). Sa commune a été le théâtre d’un affrontement entre deux bandes en février. Un jeune de 14 ans est mort poignardé. Le Premier ministre organise vendredi à Matignon une réunion de travail avec plusieurs ministres dans laquelle seront évoquées les violences entre bandes.
franceinfo : La présence policière ne suffit plus dans les banlieues ?
Romain Colas : La police, et la justice d’ailleurs, on a besoin qu'elle soit présente. On a besoin qu'elle fonctionne pour intervenir par rapport à ces phénomènes de rixes en curatif. Après les événements dramatiques survenus sur le territoire de ma commune. J'ai obtenu l'arrivée, malheureusement ponctuelle, de renforts de policiers, ce qui nous a permis de figer la situation et d'éviter les répliques, d'éviter toute tentation de vengeance. Donc, la présence policière est indispensable et utile, mais elle ne se suffit pas. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une politique de prévention et éducative en matière d'aide à la parentalité, en matière d'accompagnement d'une partie de notre jeunesse qui, effectivement, peut avoir besoin de cet accompagnement. Et puis, surtout, pour casser ce qui transcende les frontières des quartiers. Cette culture de la violence, notamment chez les préados, qui a tendance à se généraliser, notamment, c'est une problématique pour la société tout entière, au travers des réseaux sociaux et des messageries cryptées.
"Ces gamins vivent dans le virtuel, dans un univers de violence et ils n'ont pas le regard normal qu'on doit avoir sur la violence avec la conscience de sa gravité."
Romain Colas, maire PS de Boussy-Saint-Antoineà franceinfo
Les parents sont-ils dépassés ?
Les parents font ce qu'ils peuvent lorsqu'ils ne sont pas démissionnaires. Et très franchement, il y a une toute petite minorité de parents démissionnaires. Mais il y a aussi des parents qui sont dépassés. Il y a des parents qui, physiquement, ne peuvent pas être là. L'enfant qui est décédé sur le territoire de ma commune est issu d'une commune voisine. Sa maman élève seule cinq enfants. Elle est femme de ménage. Elle prend le premier RER le matin. C'est ça, la réalité de notre territoire de banlieue. Elle rentre tard et n’est pas évidemment présente toute la journée pour s'occuper de ses gamins. Et cette maman est utile à la société. Elle fait partie de celles à qui on a demandé d'aller travailler lorsque nous étions confinés pour permettre que le pays tienne debout. Ceux qu'on a appelé les premiers de corvée. Ces gens-là particulièrement, on a besoin de les accompagner, de les épauler. C'était tout sauf une maman démissionnaire.
Où en est l'expérimentation de faire côtoyer des jeunes de 8-9 ans de différents quartiers pour qu’ils fraternisent ?
Je plaide depuis de longues années pour qu'on essaye corriger cette culture de confrontation qui existe dans le territoire et qu'effectivement, on travaille sur les plus petits avec l'espoir que, si vous fraternisez à 8, 9, à 10 ans, vous ne vous tapez pas dessus à 12 ans. Nous voulons le mettre en oeuvre dès l'été avec les maires des communes voisines. Il y a une disponibilité des municipalités pour travailler ensemble et on va le faire dès cet été. On ne va pas oublier non plus leurs aînés puisqu'on va organiser, sans doute avec le département, des séjours qui vont permettre à des mômes issus de ces différents quartiers de passer des vacances ensemble. La responsabilité qui relève de nous, des élus locaux, c’est territoire par territoire, d'aller casser cette logique souvent ancrée depuis des dizaines d'années de confrontation. Une reproduction qui s'est faite de génération en génération, de cette culture de confrontation qui n'est absolument pas liée dans mon territoire, à des questions de trafics, de luttes pour des prés carrés. On est vraiment dans une culture de confrontation. Cela relève, c’est aberrant de le dire, mais quasiment d'un processus de socialisation. Pour certains gamins qui peuvent considérer qu'ils ont raté leur vie si à 18 ans, ils n’ont pas tapé sur le voisin.
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