Limiter les écrans aux enfants : "Il faut faire de la prévention et responsabiliser les parents", plaide une psychologue

Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse mardi soir, a annoncé vouloir "reprendre le contrôle de nos écrans".
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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"Un enfant de moins de 6 ans passe en moyenne 830 heures par an devant un écran",s'est alarmé Gabriel Attal récemment. (image d'illustration) (JOSSELIN CLAIR / MAXPPP)

Lors de sa conférence de presse mardi 16 janvier, le président a dit souhaiter que soit déterminé "le bon usage des écrans pour nos enfants, à la maison comme en classe, parce qu'il en va de l'avenir de nos sociétés et de nos démocraties". Sans préciser comment, il laisse toutefois entendre qu'il y aura peut-être des interdictions, des restrictions mais qu'il attend un consensus scientifique sur le sujet. "Il faut faire de la prévention et responsabiliser les parents", plaide sur franceinfo Sabine Duflo, psychologue clinicienne et membre de l’Arcom.

franceinfo : N'y a-t-il pas déjà de consensus scientifique sur le sujet ?

Sabine Duflo : Il y a quand même un consensus pour dire qu’avant deux ans, il n'y a aucun intérêt et même des effets négatifs à mettre un enfant, un petit enfant, devant un écran. Après deux ans, il peut y avoir quelques petits bénéfices sur des temps extrêmement courts, avec un contenu très choisi et un parent à côté de l'enfant, ce qui, dans la vie réelle, n'arrive quasiment jamais puisque la plupart des parents utilisent les écrans pour occuper les enfants et se libérer du temps. Après, on sait aussi qu'un temps excessif a des effets, il y a énormément de littérature là-dessus, sur des compétences essentielles comme le langage, l'attention et un domaine aussi important que le sommeil.

Emmanuel Macron évoque également des risques pour la démocratie.

Le problème, c'est que c'est un objet qui induit des comportements addictifs, c'est-à-dire une très grande difficulté à se réguler, à s'empêcher d'y aller. Et nos démocraties sont basées sur le fait que le sujet est capable de choisir par lui-même, de penser par lui-même. À partir du moment où son esprit est capté 24 heures sur 24 par des écrans récréatifs, ses capacités à s'autodéterminer, à penser par soi-même, sont effectivement grignotées. Et c'est extrêmement grave quand il s'agit d'enfants parce que tout l'objectif de l'éducation de l'enfant, c'est d'être capable de penser par soi-même, de s'autoréguler et de ne pas être capté par ce qui nous attire le plus, ce qui nous émeut, être capable de réfléchir. Et les écrans utilisés par les enfants sont essentiellement des écrans ludiques de divertissement.

Voyez-vous régulièrement en consultation cette problématique ?

C'est le motif de conflit numéro un dans les familles aujourd'hui. Ça peut donner des effets très concrets : des enfants qui sont de moins en moins avides de pratiquer une activité en dehors du collège, qui ne sortent plus pour retrouver des copains, qui ne lisent plus ou lisent moins et qui, évidemment, sont moins performants dans leur travail scolaire. Donc l'impact est considérable et les parents n'arrivent pas à dire stop parce que c'est très addictif et parce que les parents eux-mêmes ont cette habitude de s'enfermer de plus en plus sur les écrans.

Comment l'État peut-il aller plus loin, comme lorsqu'Emmanuel Macron parle de restrictions ?

Je pense que, à partir du moment où un objet engendre des addictions, des comportements addictifs (ce qui est le cas des écrans), il y a à la fois un volet prévention et il y a forcément, en ce qui concerne les mineurs, un volet législatif, une réglementation. Donc actuellement dans les collèges, on a réussi à l'interdire dans la journée. Mais au sein des familles, les enfants ont des temps d'écran de plus en plus longs, souvent même la nuit, évidemment à l'insu des parents, ce qui a un impact ensuite sur les apprentissages. Donc, il faudra responsabiliser les parents.

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