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"On ne connaît pas la taille des promotions" : le casse-tête des filières face aux indécis de Parcoursup

Article rédigé par franceinfo - Mahaut Landaz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Les étudiants indécis de Parcoursup restent nombreux, à quelques jours de la rentrée.  (DENIS CHARLET / AFP)

Plus de 90 000 élèves n'ont toujours pas validé définitivement leur affectation, à quelques jours de la rentrée universitaire. Ce qui n'est pas sans conséquence pour l'organisation de certaines administrations.

Le feuilleton Parcoursup atteint-il l'épilogue de sa première saison ? Pas sûr : à quelques jours de la rentrée universitaire, certaines filières manquent encore de visibilité sur leurs effectifs pour organiser la rentrée sereinement. Si le ton se veut rassurant, les chiffres racontent une autre histoire. Dans certaines formations, plus d'un tiers des élèves n'ont pas encore définitivement validé leur affectation sur la plateforme. Ces indécis sont encore sur la liste d'attente pour d'autres filières qu'ils privilégient, laissant ainsi dans le flou les chefs d'établissement qui se demandent combien d'élèves ils accueilleront. Franceinfo a pris la température auprès de plusieurs administrations d'universités et d'établissements du supérieur, à Paris, Marseille, Nîmes ou encore à Brest.  

Un étudiant sur 10 toujours indécis

Au dernier décompte, vendredi 24 août, 94 139 élèves ont reçu une proposition qu'ils n'ont toujours pas définitivement validée : ce sont les "oui en attente". Soit un peu plus d'un élève sur 10 inscrits sur Parcoursup. Et, pour l'heure, difficile d'imaginer la suite car la majorité des administrations du supérieur rouvrent à peine leurs portes et les filières sélectives ont des réunions prévues la semaine prochaine pour faire le point.

Philippe Vincent, secrétaire général du syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale, estime que ces indécis représentent entre 15 et 25%* des élèves dans ses classes préparatoires scientifiques et économiques marseillaises (il est également proviseur au lycée Jean-Perrin à Marseille). Alors il les "surveille comme le lait sur le feu". Ce syndicaliste suit de près le remplissage dans les lycées. Et, selon lui, les indécis sont encore plus représentés en BTS, dont des responsables s'inquiétaient en juillet de ne pas voir leurs bancs se remplir aussi vite que souhaité.

À Nîmes, la rentrée décalée d'une semaine 

Du côté des universités, les responsables contactés par franceinfo témoignent de situations extrêmement variables selon les formations. "J'ai des filières où le nombre de "oui ferme" est très important, comme en Staps. Ou en psychologie, où il n'y a que 23 candidats indécis sur 635 places, expose Frédéric Dardel, président de l'université Paris-Descartes. Et d'autres où les candidats temporisent longtemps, comme le droit."

Dans certaines formations, les indécis peuvent ainsi constituer "jusqu'à un tiers de l'effectif, ce qui est quand même significatif", abonde Myriam Nourry, de l'université de Bretagne occidentale, qui cite notamment les licences en administration économique et sociale et en économie-gestion. 

J'ai encore des gens de la première phase, c'est-à-dire qu'ils maintiennent un vœu en attente depuis le mois de mai.

Myriam Nourry, de l'université de Bretagne occidentale

à franceinfo

Si toutes les universités ne sont pas touchées de la même façon, certaines soulignent qu'elles ne connaissent pas encore la taille de leurs promotions. À Nîmes (Gard), où les indécis constituent environ 20% des élèves toutes filières confondues, cette "rentrée particulière" a ainsi dû être repoussée d'une semaine. "C'est plus une volonté d'être efficace qu'une vraie crainte de ne pas pouvoir fonctionner", tempère Emmanuel Roux, le président de l'université. Il évoque notamment le temps nécessaire à la préparation des dispositifs destinés aux élèves qui ont reçu une réponse favorable, mais conditionnée à des modules de remise à niveau, une autre mesure introduite par la loi sur l'orientation et la réussite des étudiants (ORE). 

"S'ils viennent, je vais devoir ouvrir un groupe de TD en plus"

Sans données fiables, certaines administrations travaillent à partir de projections."Par exemple, en éco-gestion, j'ai 22 "oui en attente". S'ils viennent, je vais devoir ouvrir un groupe de TD (travaux dirigés) en plus. Dans nos projections, on met donc des bornes élevées pour faire face, si jamais les capacités maximales sont atteintes", explique Myriam Nourry. Même chose à Cergy-Pontoise (Val-d'Oise), où 35% des candidats n'ont pas encore validé définitivement leur affectation en Mipi (mathématiques, informatique, physique et ingénierie) et 32% en biologie. Patrick Courilleau, vice-président formation et vie étudiante, considère que 80% de ces "oui en attente" seront définitifs. "Mais si je me trompe, ça va m'obliger à créer un TD de plus et, avec les contraintes de locaux et d'emplois du temps, ça peut nous mettre en difficulté", explique-t-il. 

Les TD commencent le 28 septembre. On imagine que, d'ici là, on connaîtra la taille de nos effectifs.

Emmanuel Roux, président de l'université de Nîmes

à franceinfo

Une incertitude qui se répercute sur les emplois du temps. "On essaie d'informer au maximum. (...) II est possible que ça évolue", détaille Emmanuel Roux. Les professeurs sont aussi affectés : dans certains cas, il pourrait leur manquer des heures de travail ; dans d'autres, il faudra recruter des vacataires. "Il faut essayer de trouver des enseignants sans savoir si on va avoir besoin d'eux. C'est problématique", illustre Patrick Courilleau. 

Dans certaines administrations scolaires, on va devoir décrocher le téléphone à partir de la semaine prochaine pour tenter d'y voir plus clair auprès des candidats toujours en attente d'un meilleur choix. "Il y a forcément une surcharge de travail parce que c'est un nouveau dispositif, donc il faut l'assimiler. Mais il n'y a pas d'inquiétude, on saura faire", reprend Emmanuel Roux.

"Il n'y a pas péril en la demeure"

Un sentiment plutôt partagé, d'après les personnels contactés par franceinfo. Car si les élèves indécis sont encore beaucoup, "le nombre d'inscrits est relativement stable par rapport à l'année dernière à la même date, note Frédéric Dardel. Il y a un léger retard, rien d'inquiétant". 

De plus, de l'avis de plusieurs responsables d'universités, Parcoursup offre aux équipes pédagogiques une meilleure vision des hésitations et tergiversations des élèves, puisque ce nouveau système permet de savoir si leur formation satisfait pleinement ou non le candidat. "Avec APB, on avait un sentiment de oui ferme, qui n'était en fait peut-être pas si clair. On ne se rendait pas compte de la façon dont les candidats fonctionnaient. Avec Parcoursup, on a une meilleure visibilité sur leur comportement", détaille Patrick Courilleau. Les premiers à s'inscrire étant souvent les plus motivés.

"Il n'y a pas péril en la demeure", relativise Philippe Vincent, qui souligne qu'en prépa, "à 38 ou 42 élèves, la rentrée est calée". Reste qu'être dans l'incertitude jusqu'au dernier moment titille tout de même le syndicaliste, il explique que celle-ci sera abordée avec la ministre à la fin du processus.

On aurait bien aimé ne pas avoir à s'adapter la semaine d'avant la rentrée.

Philippe Vincent, secrétaire général du syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale

à franceinfo

"On avait eu l'impression qu'avec Parcoursup on aurait plus de visibilité sur les effectifs, mais on se rend compte que ça n'a pas changé", déplore Myriam Nourry. Le président de Paris-Descartes estime quant à lui que le problème de l'orientation post-bac va au-delà de Parcoursup. Il conclut : "Il n'est pas nouveau que l'offre de formation ne colle pas exactement à la demande. Parcoursup n'a ni créé, ni arrangé, ni aggravé cette situation."

*Les chiffres de candidats n'ayant pas validé définitivement une affectation mentionnés dans l'article ont été récoltés entre le mercredi 22 et le vendredi 24 août, ils sont susceptibles d'avoir évolué à la date de publication. 

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