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Education : de qui la France peut-elle s'inspirer pour réussir ?

La France n'a pas les honneurs du classement Pisa dévoilé mardi. Ce sont d'autres pays et d'autres méthodes qui semblent faire leurs preuves. Exemples.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Une classe de collège à Shanghai (Chine), le 15 octobre 2012. (PETER PARKS / AFP)

Quels sont les secrets de ceux qui réussissent à l'école ? Les résultats du classement Pisa 2012, qui compare les compétences scolaires des enfants de 15 ans dans les pays développés, ont été publiés mardi 3 décembre, et la France n'y brille pas, descendant de la 23e à la 25e place.

Dans La France enfin première de la classe (Fayard), la journaliste du Monde Maryline Baumard recense des méthodes éducatives qui marchent. En voici trois exemples.

Shanghai et Singapour premiers en calcul

Coup de tonnerre dans le ciel des évaluations Pisa en 2009. La ville chinoise de Shanghai, qui y participe pour la première fois, atteint les 600 points, un seuil que n'avait jusque-là franchi aucun pays (la moyenne des pays de l'OCDE tourne autour de 500 points). Score battu en 2012 avec 613 points (lien PDF), soit 119 points de plus que la moyenne de l'OCDE, l'équivalent de trois années d'études. Certes, une ville n'est pas un pays, mais avec ses 22 millions d'habitants, elle mérite d'être pris en compte.

Quel est le secret des enfants de la mégalopole chinoise ? Il tient d'abord à la langue même : "Les additions simples telles que 10 + 6 (...) sont quasi transparentes, à cause du seize qui s'appelle dix-six", explique Michel Fayol, chercheur à Clermont-Ferrand, dans le livre de Marilyne Baumard. Les petits Chinois retiennent donc plus facilement que 10 + 6 = 16... et que 16 - 6 = 10.

D'autres chercheurs, américains, pointent qu'en Asie, l'enseignement des mathématiques tient une place beaucoup plus importante dans l'éducation qu'aux Etats-Unis. Avec des méthodes parfois très élaborées, comme à Singapour (2e du classement Pisa 2012), qui a classé ses élèves premiers du monde à l'enquête TIMSS (évaluation des élèves de CM1 et de quatrième de 50 pays) en 2011.

La méthode d'apprentissage prévoit une progression vers l'abstraction très étudiée et très progressive. "Si l'enfant travaille sur le nombre 10, par exemple, il va d'abord manipuler dix objets. Ensuite, mais seulement une fois le nombre bien acquis, il lâche les objets et travaille à partir de leur image (ou sur une pièce de monnaie valant dix centimes), avant de n'utiliser plus que la symbolique. Les quatre opérations sont toutes abordées au cours préparatoire, mais la multiplication et la division ne sont enseignées à ce niveau que pour quelques nombres. Familiarisé avec l'idée de division, l'élève n'aura pas d'appréhension ensuite pour en approfondir l'étude", détaille Maryline Baumard dans son ouvrage. La méthode a convaincu en Europe, au point que certains manuels sont désormais traduits en français.

"A Shanghai, la réussite ne tient pas qu'au système de numération, ou à l'esprit de compétition, souligne Maryline Baumard. La gestion des établissements difficiles est un modèle. L'on y envoie les directeurs d'établissements d'excellence." Et d'ajouter : "Ils ont aussi recours au soutien scolaire privé, mais n’oublions pas que la France consacre, elle aussi, 2,2 milliards d'euros par an au soutien scolaire. C'est le plus gros marché d'Europe, sans la même efficacité."

En Floride, une boîte à outils pour apprendre à lire

Qui le sait en France ? Les enfants de Floride sont pratiquement champions du monde de lecture avec 569 points obtenus en 2011 au test PIRLS (qui mesure l'apprentissage de la lecture en fin de primaire, dans une cinquantaine de pays), rappelle un document du Centre américain de statistiques éducatives (lien PDF en anglais). Ils se classent derrière Hong Kong, le numéro un mondial, mais très loin devant la France (520 points).

D'où vient le miracle floridien ? D'une démarche volontariste, lancée au milieu des années 1990 et inspirée d'une expérience réussie à Tallahassee. Le psychologue Joseph Torgesen a fourni, d'abord à une seule école, puis à tous les enseignants de Floride, une "boîte à outils" pour l'apprentissage de la lecture.

Cette "boîte à outils" part du constat suivant : pour apprendre à lire, les enfants doivent développer leur vocabulaire et leur conscience phonologique (la conscience des sons). Les enfants qui entrent à l'école primaire avec une bonne conscience des sons (qui savent analyser, par exemple, qu'il y a trois sons différents dans la syllabe "tam") et avec un large vocabulaire ne rencontrent pas de problèmes de lecture. Il faut donc se concentrer sur les autres pour leur faire travailler, le plus tôt possible (en maternelle, voire entre la crèche et la maternelle), la conscience phonologique, l'entraînement au décodage, le vocabulaire et la compréhension, a expliqué le scientifique à la journaliste du Monde.

A l'arrivée, 75% des enseignants floridiens piochent dans des exercices mis au point pour travailler ces différents aspects. Résultat : la Floride "est le seul Etat du Sud dont les performances sont meilleures que la moyenne nationale".

En France aussi, des expérimentations sont mises en place. Dans le Nord-Pas-de-Calais, des dizaines de classes de grande section de maternelle, tout au long de l'année 2011-2012, ont ainsi pratiqué quotidiennement, pendant une vingtaine de minutes, des jeux de prélecture. Car tous les pédagogues sont d'accord sur un point : l'exercice de la lecture réclame des prérequis, qui se construisent très tôt. Une démarche développée à l'initiative de la fondation Agir pour l'école (PDF, p. 2), financée par de grandes entreprises.

En Finlande, les profs sont chercheurs en pédagogie

Qu'il s'agisse du calcul ou de la lecture, les pistes précédentes proposent toutes des pédagogies extrêmement encadrées pour les apprentissages de base. Faut-il sacrifier la liberté pédagogique à l'efficacité ?

Pas si l'on fait des maîtres non seulement des acteurs, mais des chercheurs en pédagogie. Telle est l'une des clés de la Finlande pour se hisser dans les sommets du classement Pisa.

Les enseignants sont mieux payés et mieux considérés qu'en France, mais au fil de leur carrière et de leur expérience de classe, ils doivent également "approfondir un sujet de recherche en lien avec leur pédagogie et écrire une thèse", souligne Maryline Baumard dans son livre.

Transformer les enseignants en acteurs de la recherche et de l'éducation, c'est aussi ce que préconisait un rapport (en anglais) rendu au printemps au gouvernement britannique par le médecin Ben Goldacre. Il plaidait pour l'"evidence-based education", une éducation fondée sur des méthodes qui marchent, scientifiquement testées, évaluées, éprouvées.

Cette nouvelle dégringolade dans le classement Pisa pourrait obliger la France à reconsidérer ses méthodes d'enseignement, qui laissent trop d'élèves au bord de la route. Or les spécialistes estiment que tous les enfants peuvent apprendre à lire et "à aimer les mathématiques", selon Stanislas Dehaene, neuroscientifique et professeur au Collège de France. A condition de ne pas considérer l'échec comme une fatalité.

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