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Education : comment redonner le goût des sciences aux enfants ?

Les élèves français de 15 ans, selon l'enquête Pisa rendue publique mardi, apprécient moins l'apprentissage des sciences que les autres élèves des pays développés.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Dans le cadre d'un enseignement d'exploration qui permet de travailler maths, physique et biologie, des lycéens de Sélestat (Bas-Rhin) jouent aux "experts" de la police, le 12 octobre 2010. (FREDERICK FLORIN / AFP)

Les jeunes Français aiment-ils encore les sciences ? Moins qu'avant, selon l'enquête internationale Pisa 2015, dont les résultats ont été rendus publics mardi 6 décembre. "En France, notent les auteurs de l'étude, les élèves prennent moins de plaisir dans l’apprentissage des sciences que la moyenne des élèves des pays de l’OCDE". C'est un net recul par rapport à l’enquête Pisa de 2006, où les élèves français se montraient plus enthousiastes que les autres.

Comment redonner le goût de la science à tous les enfants ou presque ? Nous avons interrogé l'astrophysicien Pierre Léna, membre de l'Académie des sciences et président d'honneur de la Fondation La main à la pâte, qui se définit comme un "laboratoire d’idées et de pratiques innovantes cherchant à améliorer la qualité de l’enseignement des sciences à l’école". 

Franceinfo : pourquoi est-il si important de redonner aux enfants le goût des sciences ?

Pierre Léna. Comme l'explique très bien l'OCDE, les systèmes éducatifs ne sont pas adaptés à l'évolution des sciences et aux bouleversements technologiques que nous constatons. Il ne s'agit pas de faire de la biologie moléculaire à l'école primaire, mais on voit que les enfants emmagasinent énormément d'informations, via les réseaux sociaux ou internet.

La tâche de l'école, c'est de les structurer et de leur apprendre à raisonner. Un candidat malheureux à la primaire de la droite [Alain Juppé] l'avait bien dit : "le slogan de demain, c'est lire, écrire, compter, raisonner". S'il y a une qualité cruciale, c'est la capacité à raisonner. C'est elle que le professeur doit transmettre.

Comment faire pour redonner aux élèves du plaisir dans l'apprentissage scientifique ?

La clé, c'est le professeur. Un enseignant qui aime les sciences fait aimer les matières scientifiques à ses élèves, qu'il soit instituteur, professeur de collège ou de lycée. Si le système produit ce niveau de désintérêt, c'est parce que les professeurs n'ont pas une pédagogie suffisante pour faire aimer les sciences.

La science ne s'enseigne pas, ou pas uniquement, avec le tableau noir et des formules. Il faut du matériel, certes, mais celui-ci est suffisant au collège. Il faut surtout de nouvelles modalités pédagogiques. Lors de la réforme du collège, l'Education nationale a introduit, et c'est une bonne chose, des Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Les professeurs renâclent pour des questions d'organisation du travail, mais ces EPI permettent une pédagogie collective avec des sciences enseignées de façon globale.

Cet enseignement correspond tout à fait à ce que demande PISA. Les évaluations de l'OCDE ne consistent pas en des tests séparés de géologie, de chimie ou de physique ! Elles réclament que l'élève sache résoudre un problème de vie courante, sans que soit clairement mentionné qu'il s'agit d'un problème de physique. L'adolescent doit mobiliser ses ressources et faire appel à sa capacité de raisonnement. 

Comment aider les enseignants en science ?

Il faut que les professeurs soient accompagnés tout au long de leur carrière. Désormais convaincue des vertus de cet accompagnement, l'Académie des sciences a d'ailleurs lancé des "Maisons pour la science" dans neuf universités. L'idée consiste à mettre les enseignants en contact avec la science telle qu'elle se fait. Un instituteur peine à expliquer le changement climatique ? Il ne sait que dire à ses élèves lorsque ceux-ci répètent les assertions des "climatosceptiques" ? Les "Maisons pour la science" lui permettent de passer une ou deux journées avec des chercheurs de Météo France ou du CNRS, qui vont répondre aux questions que se pose l'enseignant.

Si le professeur a un dialogue structuré avec les chercheurs, il arrivera à expliquer le phénomène aux enfants et à faire vivre son propre intérêt. Prenez Singapour [qui domine haut la main le classement Pisa], c'est le pays de l'OCDE qui dépense le plus d'énergie en formation continue, tout comme la Finlande. 

Il faut fournir des outils aux enseignants, du primaire au lycée. On peut passionner les enfants, avec des choses simples dont les conséquences peuvent être mises en évidence, comme construire une serre solaire pour comprendre l'effet de serre. L'idée est toujours la même : comprendre que c'est intéressant, se poser des questions, apprendre à raisonner. Les jeunes s'intéressent au spationaute Thomas Pesquet ? C'est un bon début. Mais attention, Thomas Pesquet, c'est juste l'accroche. L'école doit aller au-delà et transformer l'information en raisonnement structuré. Demandez aux enfants pourquoi la Station spatiale internationale ne leur tombe pas sur la tête, ils auront bien du mal à répondre. A l'enseignant de les aider à résoudre ce mystère.

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