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Comment la famille s'est recomposée (et comment s'y adapter)

Au moment où la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, lance les travaux pour la loi sur la famille, l'Insee publie une étude sur les enfants issus de familles recomposées.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Sur dix enfants, sept vivent avec leurs deux parents, deux dans une famille monoparentale, et un dans une famille recomposée, selon une étude de l'Insee publiée le 23 octobre 2013. (THOMAS BARWICK / GETTY IMAGES)

Une mère, un beau-père, son fils, une demi-sœur… et vous. Aujourd'hui, les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses en France, au détriment de la famille "traditionnelle", avec les deux parents et leurs enfants sous le même toit. "Les situations familiales sont de plus en plus diverses et en perpétuelle évolution", souligne l'Institut national de la statistique. Ce dernier publie mercredi 23 octobre plusieurs études sur le sujet, que francetv info s'est procuré.

Coïncidence ? Au même moment, la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, lance les travaux pour la loi sur la famille, attendue en mars 2014. "La meilleure des promotions de la famille, c'est précisément de tenir compte de la diversité des modèles familiaux", a-t-elle déclaré lundi, lors de la présentation des quatre groupes d'experts chargés de préparer le futur projet de loi.

Quels sont les changements engendrés par les évolutions de la famille et quelles sont les pistes du gouvernement pour s'y adapter ? Eléments de réponse.

De plus en plus de familles recomposées

Le constat. Sur dix enfants, sept vivent avec leurs deux parents, deux dans une famille monoparentale, et un dans une famille recomposée, "c'est-à-dire dans une famille où les enfants ne sont pas tous ceux du couple actuel", selon l'enquête "Familles et logements" de l'Insee, réalisée en France métropolitaine en 2011. D'après elle, 720 000 familles sont recomposées (soit 9%). "Les familles recomposées ont augmenté lentement de 1990 à 2006. Mais depuis, l'accroissement s'accélère", explique à francetv info Guillemette Buisson, de l'Insee.

En 2011, sur 1,5 million d'enfants concernés, 940 000 vivaient avec un parent et un beau-parent, le plus souvent avec leur mère et un beau-père. "Les 530 000 restants vivent avec leurs deux parents mais partagent leur quotidien avec des demi-frères et demi-sœurs", précise l'Insee. De fait, poursuit l'étude, parmi les 9,8 millions d'enfants vivant en famille traditionnelle, 1,4% passe une petite partie du temps avec des demi-frères ou demi-sœurs dans le logement. "Les enfants du foyer voient alors l'organisation de leur vie familiale modifiée par le passage" de ces derniers, note l'Insee.

Comment s'y adapter ? "Une recomposition familiale n'est pas naturelle. Elle ne va pas de soi. Avant d'espérer prendre toute sa dimension, elle passe par des étapes difficiles", estime sur son blog Agnès de Viaris, psychanalyste et auteure de Famille recomposée, guide de premiers secours pour une vie harmonieuse (2011). "Pour tous, créer un nouveau noyau familial se fait en deux étapes" : la recomposition et la famille recomposée. A terme, "il s'agit de vivre dans une famille dont les contours sont maintenant définis et où chacun a sa place", ajoute-t-elle. C'est ce que la famille Wozniak, dans laquelle Jonathan vit, avec son père et sa belle-mère, tente de faire, selon ce reportage de France 2.

Dans la famille recomposée, quelle sera la place des parents et beaux-parents ? (JIHANE BENZINA et DOMINIQUE BONNET - FRANCE 2)

De son côté, Dominique Bertinotti a décidé de mettre en place un groupe de réflexion sur la "médiation familiale et les contrats de coparentalité", chargé de développer les modes alternatifs de règlement des conflits entre les parents. "La médiation familiale a fait ses preuves pour permettre aux parents de devenir auteurs de la définition des règles qui régiront leurs relations après la séparation, dans l'intérêt de l'enfant. Elle est pourtant très peu développée en France", indique le document (PDF) sur l'élaboration du projet de loi sur la famille.

Un rôle accru pour le beau-parent

Le constat. Dans son étude sur les familles recomposées, l'Insee s'intéresse aussi au "nouveau conjoint" du parent qui a la garde de l'enfant, et au rôle qu'il joue dans sa vie. Sept enfants sur dix avec un beau-parent ne logent pas régulièrement chez leur autre parent, constate l'Institut. Conséquence : les parents non biologiques jouent un rôle crucial dans l'éducation.

Comment s'y adapter ? Philippe, 30 ans, beau-père d'une fillette de 5 ans, assure au quotidien son éducation. Il aimerait donc disposer d'un moyen juridique d'être reconnu. "Si ma compagne a un problème, je ne peux pas agir pour la fillette, car je suis un inconnu aux yeux de la loi", confie-t-il à francetv info. Pour Dominique Bertinotti, "aujourd'hui, ce n'est plus le couple mais l'enfant qui fait la famille". Pour elle, la solution à ce problème passe par la création d'un statut du beau-parent, afin de "sécuriser le rôle de l'adulte et le positionnement de l'enfant".

Des familles protéiformes

Le constat. La structure des familles recomposées revêt elle aussi différentes formes. D'abord, parce qu'elle n'est pas "figée" et dépend surtout des enfants, comme l'a admis lundi la ministre. Ainsi, "la situation des enfants au sein de la famille n'est pas la même selon l'âge : les plus jeunes sont plus souvent les enfants de l'union actuelle, alors que les plus âgés sont plus fréquemment nés d'unions antérieures", note l'Insee. En moyenne, il y a six ans d'écart entre les enfants des anciennes et nouvelles unions, résume l'étude. Mais les plus âgés n'hésitent pas à quitter cette famille recomposée, dès 17 ans. "Une fois ces 'grands' enfants partis, la famille devient alors traditionnelle", souligne l'Insee.

Une famille recomposée, c'est avant tout une famille dans laquelle les enfants ne sont pas tous issus du couple actuel. Mais cette définition est large. Elle englobe d'autres types de familles, plus marginaux. Comme ce couple que France 3 a rencontré. Geoffrey, 42 ans, voulait un enfant. Mais à 56 ans, sa compagne Jasmine ne pouvait plus tomber enceinte. Une de leurs proches, célibataire, a accepté de concevoir un enfant avec Geoffrey. La petite fille est en garde alternée, entre la famille de sa mère biologique et celle de son père.

Faire un enfant avec un autre pour sauver son couple (CECILE LARONCE et MATHIEU BENITO - FRANCE 3 )

Une solution parfois choisie par certains couples de même sexe, car recourir à une mère porteuse est illégal en France.

Comment s'y adapter ? Coller à la loi peut s'avérer compliqué dans ces situations. Mais le cadre législatif peut difficilement s'adapter à tous à la lettre. Surtout lorsque certains cas soulèvent d'autres questions. C'est l'un des arguments avancés en septembre par la ministre de la Santé pour justifier le retrait du projet de loi d'élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes. Le texte famille n'est pas "le meilleur endroit" pour aborder le sujet, qui soulève des "questions éthiques", avait expliqué Marisol Touraine.

Pourtant, la PMA, qui permet la naissance de plus de 23 000 enfants chaque année en France, selon l'Agence de la biomédecine, bouleverse aussi les modèles familiaux. "N'avoir aucune information sur le donneur, le tiers donneur, pose des interrogations, par exemple en terme médical", a déclaré Dominique Bertinotti lundi. Si la loi évolue, ces droits pour les enfants de couples hétérosexuels issus de PMA pourraient profiter, "dans un second temps", à ceux des couples de femmes.

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