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Antisémitisme : le président de l'UEJF "attend de voir" après les annonces d'Emmanuel Macron

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Article rédigé par franceinfo
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Le président de l'Union des étudiants juifs de France, Sacha Ghozlan, invite jeudi sur franceinfo à responsabiliser les plateformes comme Facebook ou YouTube, après les mesures annoncées mercredi par Emmanuel Macron lors du dîner du Crif pour lutter contre la haine des juifs.

"J'attends de voir, je suis assez lucide sur la situation", a réagi jeudi 21 février sur franceinfo le président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) Sacha Ghozlan, après les mesures annoncées mercredi 21 février par Emmanuel Macron lors du dîner du Crif pour lutter contre la haine des juifs, avec notamment une nouvelle définition de l'antisémitisme et une proposition de loi contre la haine sur internet. Ce dernier point est essentiel pour Sacha Ghozlan : "Quand on voit à quel point ce qui se passe dans le monde virtuel a un impact dans le monde réel, alors je pense que c'est indispensable d'agir vite et de responsabiliser les plateformes."

franceinfo : Une loi est-elle nécessaire ?

Sacha Ghozlan : C'est indispensable, parce que depuis plusieurs années maintenant, des personnes qui sont condamnées pour des propos racistes, antisémites, des dizaines de fois par la justice, continuent de propager la haine parce que des plateformes qui ont une responsabilité sociale historique comme Facebook, Twitter et Youtube n'appliquent pas le droit français. Aujourd'hui il faut les contraindre davantage. Si on veut agir contre la haine sur internet, ces entreprises-là ne comprennent que les sanctions pécuniaires et donc il faut passer par là de façon indispensable.

Mais cette idée de traquer les haineux sur la toile, on l'entend aussi dans le cas du terrorisme, de la pédophilie par exemple et on voit que cela ne change pas forcément : c'est lent et c'est peu suivi d'effet...

Aujourd'hui ce que prévoit la loi c'est un délai raisonnable pour supprimer les contenus haineux. Si on a un délai de 24 heures, ce sera déjà beaucoup plus clair et beaucoup plus rapide pour supprimer ces contenus-là. On voit bien que sur les plateformes comme Twitter par exemple pendant des semaines et des mois entiers des contenus haineux peuvent rester tout en appelant à la haine des juifs, tout en incitant à la haine, et avec des appels au passage à l'acte extrêmement violents. Quand on voit à quel point ce qui se passe dans le monde virtuel a un impact dans le monde réel, alors je pense que c'est indispensable d'agir vite et de responsabiliser les plateformes.

Emmanuel Macron a aussi dit qu'il fallait interdire l'accès aux réseaux sociaux les personnes condamnées pour racisme et antisémitisme. Est-ce vraiment souhaitable pour vous ?

J'attends de voir précisément ce que cela signifie en termes de restriction. En tout cas ce qui est sûr c'est que quand on voit des personnes comme Dieudonné, Alain Soral, qui ont été condamnés des dizaines de fois par la justice française, parfois même à des peines de prison ferme… On a fait condamner il y a un mois et demi Alain Soral à un an de prison ferme : cette peine-là n'est absolument pas dissuasive pour lui puisqu'il continue à propager la haine. À un moment il faut mettre un coup d'arrêt, les assécher financièrement, les empêcher de continuer à partager des contenus haineux à des millions de visiteurs chaque mois. On parle de millions de personnes confrontées à des contenus haineux, qui les absorbent, les emmagasinent, ce qui nécessairement se traduit par des actes violents contre les juifs.

Emmanuel Macron a aussi annoncé vouloir élargir la définition de l'antisémitisme à certains aspects de l'antisionisme. Par exemple, nier le droit à l'autodétermination des juifs sera de l'antisémitisme. Cela change vraiment quelque chose pour vous ?

J'attends de voir ce que ça va donner en termes de traduction juridique. Dans le symbole c'est quelque chose qui est important, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui l'antisionisme est devenu l'une des façons d'être antisémite de façon un peu plus avouable. Mais il y a d'autres formes d'antisémitisme moderne : l'islamisme a une composante antisémite qui est extrêmement forte aussi, et on retrouve un antisémitisme d'extrême gauche, d'extrême droite, qui est alimenté par des antisémites de tous bords. Mais en tout cas ce qui est sûr, c'est que l'antisionisme qui consiste à nier l'existence d'Israël, à refuser son existence alors que 80% des Israéliens sont des juifs, c'est de l'antisémitisme.

Quel est votre ressenti ce matin après les annonces du chef de l'Etat ? Sont-elles à la hauteur à vos yeux ?

Il y a une première étape en tout cas qui est lancée à travers l'annonce de cette proposition de loi qui arrivera en mai, des sanctions dissuasives. J'attends de voir, je suis assez lucide sur la situation. Je ne suis pas sceptique, j'ai de l'espoir, je suis convaincu que les juifs de France ont un avenir en France. Mais pour cela, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures extrêmement fortes. Je ne sais pas comment les annonces faites par Emmanuel Macron se traduiront dans la loi. Ce que je vois c'est qu'il y a beaucoup de Français juifs qui sont inquiets. Qui ont des vies qui sont brisées, des destins qui sont profondément bouleversés, dans certains quartiers des juifs qui n'arrivent pas à porter la kippa, d'autres qui sont obligés de quitter leur domicile parce qu'ils ne se sentent pas en sécurité.

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