Cancers : il faut "fluidifier le parcours" entre l'hôpital et la ville
En France, le nombre de cancers augmente chaque année. En 2015, 385.000 nouveaux cas ont été recensés. Les médecins généralistes sont donc de plus en plus sollicités pour suivre ces patients. Une étude de la Drees souligne le manque de coordination entre la ville et l'hôpital. Cette absence d'information complique la tâche des généralistes. Les explications du Dr Claude Leicher, président de MG France, syndicat des médecins généralistes.
- Au moment de l'annonce du diagnostic, seuls 31% des médecins généralistes disposent d'une information complète sur le cancer de son patient. Comment expliquer ce manque de coordination entre l'hôpital et les généralistes en ville ?
Dr C. Leicher : "Il y a une nécessité de se coordonner au maximum pour le suivi d’un cancer, qui est une maladie lourde, qui va durer, qui va nécessiter une surveillance très longue… Or, on sait que le point faible du système de santé français, c’est précisément le manque de coordination. Il y a des progrès qui sont faits des deux côtés. Nous, les médecins généralistes, faisons des lettres qui sont beaucoup plus circonstanciées quand nous envoyons nos patients auprès d’un service de cancérologie ou auprès d’un service pour diagnostiquer le cancer. Du côté de l'hôpital, il y a des messageries qui sont mises en place pour nous donner accès à l’information en temps utile, si possible avant que le patient revienne. Il est en effet nécessaire que nous puissions prendre connaissance des informations de l’hôpital pour parler très clairement avec notre patient de son traitement et de sa maladie."
- Pourquoi le suivi d'un patient qui a eu un cancer est-il complexe ?
Dr C. Leicher : "Le suivi est à la fois très compliqué et très personnalisé. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes aujourd’hui plus dans des protocoles standardisés. Pour un même cancer, tous les patients n’ont pas le même traitement. On sait qu’on va personnaliser de plus en plus, au point qu’aujourd’hui la génétique est très utile. Selon le profil génétique de la tumeur, on va utiliser certains médicaments et d’autres pas. Aujourd’hui, pour chaque patient, il y a un traitement personnalisé qui est très différent. Quand un patient refuse la chimiothérapie, il faut qu’on puisse discuter avec lui des bienfaits et des risques de cette chimiothérapie. Je pense par exemple à une patiente de 80 ans qui souffrait d’un cancer du sein. Elle n’a pas voulu de la chimiothérapie. Il a fallu lui expliquer qu’il y avait un peu plus de risques de ne pas la guérir, un peu plus de risques de récidive. Ça met en jeu des aspects immédiats et futurs. Quelle sera la surveillance pour une patiente qui n’a pas suivi la totalité du traitement ?"
- L'amélioration de la coordination hôpital-ville est un des objectifs du plan cancer. Comment faire concrètement ?
Dr C. Leicher : "Aujourd’hui, en cancérologie, il y a des sites qui sont autorisés. On ne traite plus un cancer dans n’importe quel service, dans n’importe quel hôpital… Nous avons développé une idée mais qui, malheureusement, n’a pas été suivie pour l’instant par le ministère de la Santé. Selon nous, il pourrait y avoir des organisations des soins primaires, c’est-à-dire des médecins généralistes, infirmières, pharmaciens, kinés, orthophonistes… En somme, tous les gens nécessaires au suivi d’un cancer. Ils pourraient être associés à un site autorisé. En échange, nous prendrions l’engagement d’améliorer nos connaissances et nos mises à jour de connaissances.
"Le site autorisé saurait qu’il y a en ville des gens qui travaillent avec eux, donc qu’ils connaissent. Cela permettrait d'établir une relation de confiance. Il peut y avoir des allers/retours plus faciles. Par exemple, si un patient a des complications de la chimiothérapie, ce qu’on appelle la neutropénie fébrile, c’est-à-dire la baisse des défenses immunitaires en terme de globules blancs plus de la fièvre, c’est une urgence thérapeutique. Dans certains cas, nous pouvons prendre le patient en charge en ville. Mais, c’est plus simple si nous pouvons avoir un dialogue par téléphone avec nos collègues hospitaliers. Il faut vraiment fluidifier le parcours, plutôt que de dire que nous allons spécialiser de plus en plus les prises en charge. Il faut qu’on fasse du travail collaboratif entre des gens qui sont pointus sur une pathologie et nous, qui prenons en charge la personne qui a parfois d’autres pathologies."
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