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On vous explique pourquoi les médicaments anti-Alzheimer sont déremboursés

À partir du 1er août, quatre médicaments dits anti-Alzheimer sont déremboursés car ils sont jugés "peu efficaces". Une mesure contestée par des associations de patients et par des médecins.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des médicaments génériques anti-Alzheimer, déremboursés à partir du 1er août 2018. (MAXPPP)

Les quatre médicaments "anti-alzheimer" distribués en France ne sont plus remboursés par l'Assurance maladie à partir du 1er août. Ils étaient jusqu'à présent pris en charge à hauteur de 15%. Leur déremboursement pourrait faire économiser jusqu'à 90 millions d'euros par an à la Sécurité sociale. Mais la décision inquiète les malades, associations de patients et certains médecins. 

Quels médicaments sont concernés ?

La liste détaillée est disponible sur le site de Legifrance. Sont concernés tous les dosages des médicaments Aricept, Ebixa, Exelon et Reminyl, qui traitent ou ralentissent l'apparition de certains symptômes de la maladie d'Alzheimer. L'ensemble de leurs génériques sont également déremboursés.

Aucun traitement curatif de la maladie n'existe à l'heure actuelle, car ses mécanismes sont encore mal connus. Ces dernières années, de nombreux essais se sont soldés par des échecs et certains grands laboratoires ont même complètement abandonné la recherche dans ce domaine, faute de résultat.

La maladie d'Alzheimer, une des principales causes de la démence, est en forte expansion, en raison du vieillissement de la population. La France comptait environ 850 000 patients en 2015. Selon l'Organisation mondiale de la santé, plus de 36 millions de personnes dans le monde sont atteintes de démence, dont une majorité de la maladie d'Alzheimer. Ce nombre devrait doubler d'ici 2030 et tripler d'ici 2050, à 115,4 millions, si aucun traitement efficace n'est découvert dans les prochaines années.

Pourquoi ces médicaments ne sont-ils plus remboursés ? 

C'est l'épilogue d'une histoire qui divise les spécialistes depuis plusieurs années. En signant, le 1er juin, un arrêt actant le déremboursement de ces médicaments, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, suit l'avis rendu par la Haute autorité de santé (HAS). En effet, la commission de transparence de la HAS, qui évalue les traitements en vue de leur remboursement, avait jugé, en octobre 2016, que ces médicaments avaient "un intérêt médical insuffisant pour justifier leur prise en charge". Elle pointait aussi "l'existence d'effets indésirables potentiellement graves".

Devant l'inquiétude d'associations de malades, la ministre de la Santé de l'époque, Marisol Touraine, s'était refusée à suivre l'avis de la HAS. Ella avait posé comme préalable la mise en place d'une alternative : un "protocole de soins élaboré par les scientifiques en lien avec les associations de patients"

Ce protocole a été dévoilé le 25 mai 2018. Il s'agit d'un guide et de fiches pratiques sur la prise en charge des patients souffrant d'Alzheimer et de maladies apparentées. Leur publication a ouvert la voie au déremboursement.

Pourquoi cette mesure est-elle contestée ?

Parmi ceux qui contestent le déremboursement de ces traitements, personne ne prétend que ces médicaments sont absolument efficaces. Dans une lettre ouverte publiée en juin par Le Figaro, près de 200 neurologues, gériatres et psychiatres dénoncent une mesure "qui dessert la prise en soins actuelle et future des malades en étant susceptible d'altérer la confiance que portent les patients, leurs familles et les professionnels dans les processus de décision en matière de santé".

Dans une tribune publiée en mars 2017 dans Libération, plusieurs sociétés françaises de neurologie, psychiatrie, gériatrie et la Fédération des centres mémoires avaient par ailleurs reconnu l’effet "modeste" de ces médicaments, mais avaient estimé que leur "déremboursement reviendrait à diminuer les chances d’accéder à la recherche thérapeutique innovante".

Pour l'association France Alzheimer, qui regroupe des familles de malades, "au-delà de la question de l'efficacité, la prescription des médicaments participait grandement à maintenir un lien thérapeutique entre le médecin et le patient" et donc un suivi médical actif. Sur franceinfo, Benoît Durand, directeur délégué de l'association, ajoute que le déremboursement signifie "des frais supplémentaires pour des familles qui, peut-être, n'auront pas les moyens de les financer".

Ces médicaments seront-ils toujours vendus ?

Fin avril, le laboratoire Janssen-Cilag a annoncé qu'il arrêterait de commercialiser, à partir du 30 novembre, le Reminyl, l'un des quatre médicaments. "Cette décision n'est pas liée à la décision de déremboursement de ces traitements" a assuré le laboratoire. Pour le moment, les trois autres médicaments, ainsi que les génériques, sont toujours produits et disponibles à la vente.

Où en est la recherche ?

Ces dernières années, plusieurs laboratoires ont connu des revers. Le laboratoire pharmaceutique britannique AstraZeneca a annoncé, en juin, l'échec d'un traitement contre Alzheimer qu'il développait avec l'américain Eli Lilly. Auparavant, Eli Lilly, la biotech suisse Axovant, l'américain Merck, ou encore le suisse Roche s'étaient déjà cassé les dents.

Ces multiples échecs poussent médecins et patients à la prudence. Mais un récent essai mené sur 854 personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer par un laboratoire japonais a montré l'efficacité d'un médicament permettant "une diminution du déclin cognitif", selon le professeur Bruno Dubois, chef du service des maladies cognitives à la Pitié Salpêtrière, interrogé par France Inter. "C'est un signe positif, mais nous restons prudents car ils en sont à la phase 2 mais la plus critique est la 3e", estime toutefois Benoît Durand de l'association France Alzheimer.

Dans le domaine des thérapies alternatives, un "village Alzheimer" doit ouvrir ses portes, à Dax, dans les Landes. Dans ce "village" en pleine ville, cohabiteront des chercheurs, des patients, des soignants et des associations. Il est prévu d'y accueillir 120 malades et d'expérimenter de nouvelles approches thérapeutiques, dans un environnement conçu pour aider les patients à sortir de l'isolement psychique où peut les plonger la maladie.

Que prévoit le ministère de la Santé ?

Agnès Buzyn affirme que cette mesure "purement médicale" n'est pas motivée par des raisons budgétaires. Sur Europe 1, fin juin, la ministre de la Santé s'était engagée à ce que "tout l'argent" économisé, soit environ 90 millions d'euros par an, soit "intégralement réorienté vers l'accompagnement des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer, soit pour les centres mémoire soit pour le secteur médico-social qui les prend en charge". "Il n'y aura aucune économie faite sur les malades, mais ce qui compte, c'est que les malades soient bien accompagnés", a-t-elle insisté.

L'annonce est reçue avec prudence. "Comment la ministre va s'y prendre pour réutiliser ces 90 millions d'euros d'économies, qui s'en occupera et quand est-ce que cela sera mis en place ?", s'interroge Benoît Durand. La somme "nous paraît totalement insuffisante", ajoute ce dernier.

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