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Gare aux annonces douteuses qui vendent des pass sanitaires sur les réseaux sociaux

Certains profils proposent des certificats de complaisance contre rémunération. Le principe repose sur la prétendue complicité de professionnels habilités à vacciner. A ce stade, le phénomène reste encore à évaluer. Le ministère de la Santé suit "de très près le sujet".

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Image d'illustration de l'application gouvernementale TousAntiCovid. (FREDERIC SCHEIBER / HANS LUCAS / AFP)

C'est devenu une arnaque en ligne parmi des centaines d'autres. Avec la future extension du pass sanitaire, les annonces proposant de vendre de faux certificats de vaccination fleurissent sur les réseaux sociaux. En quelques clics, des dizaines de profils douteux apparaissent sur Snapchat ou Telegram. "Nous vous proposons la création d'un pass sanitaire 100% valide et réalisé par des médecins avec qui nous collaborons", explique l'une de ces chaînes, qui réclame 250 euros en échange du précieux sésame. La somme doit être réglée en Monero, une cryptomonnaie qui garantit l'anonymat des transactions. Franceinfo se fait donc passer pour un client auprès de cet interlocuteur, qui réclame une semaine de délai. "Il faut noyer les dossiers dans le masse, d'où les lenteurs du dossier", nous explique-t-on.

Rebelote avec un autre compte, cette fois sur Snapchat. Le mystérieux interlocuteur laisse des messages audio. "Ça marche ! J'ai déjà des gens qui ont voyagé avec, qui sont partis au Maroc, en Espagne, au Portugal..." affirme cet homme avec le bagout d'un publicitaire. Il dit être en relation avec un médecin de sa ville, en Savoie : ce professionnel est donc habilité à éditer un certificat conforme sur le site de l'Assurance maladie. "Le médecin gagne 300 euros par vaccin. Après il n'en fait pas des masses, il fait attention à lui." Ce prétendu intermédiaire dit toucher une commission en fonction du nombre de dossiers.

FM · Une annonce pour un pass sanitaire

L'attestation, poursuit-il, sera disponible directement sur le site officiel ameli.fr. "C'est un vrai QR code, c'est comme s'il t'avait injecté la dose. Il vide un vaccin dans l'évier et il écrit qu'il te l'a mis à toi. C'est tout, c'est aussi simple que ça." Impossible, pour autant, de savoir si ledit médecin existe ou s'il s'agit d'une arnaque sans contrepartie. Il faut payer à l'avance et nous n'irons pas plus loin.

"Votre carte Vitale et 110 euros d'acompte"

Les autres annonces consultées par franceinfo reposent toutes sur le même système : un numéro de sécu et la supposée complicité d'un professionnel habilité. "Il me faut votre carte vitale en photo svp. Le tarif est de 250 euros, tu payes en Safe Card [sur Paypal], détaille un profil. En tapant ton numéro de sécurité sociale, il saura s'il faut inscrire deux doses ou une seule." Un autre utilisateur promet un pass en 24 heures : "Il faut m'envoyer votre carte Vitale et 110 euros d'acompte." Même méthode chez un troisième, qui joue la carte à fond : "Il n'y a aucune modification de documents ou autre, tout est fait dans les règles exactement comme un vrai vacciné - 0 ENTOURLOUPES (sic)".

De nombreuses annonces douteuses sont apparues sur les réseaux sociaux pour proposer des pass sanitaires contre plusieurs centaines d'euros. (FRANCEINFO)

Que penser de ces annonces ? Le système de QR code est en principe infalsifiable, mais il existe tout de même une faille théorique : l'humain. Un professionnel complaisant peut tout à fait se connecter au téléservice Ameli Pro, s'identifier avec sa carte et saisir son code PIN. Il lui suffit alors d'éditer un certificat pour tel ou tel numéro de sécurité sociale. Le schéma est le même que lors d'une vaccination classique : numéro de lot du vaccin – l'application suggère, si besoin, des numéros valides –, site d'injection (bras gauche par défaut) et code postal du lieu de la prétendue vaccination. Le QR code est disponible pour être adressé au demandeur, et celui-ci pourra l'ajouter à l'application TousAntiCovid.

Voilà pour la théorie. Difficile, pour autant, de savoir si des complices médicaux sont réellement impliqués dans ces fraudes. Il faudrait acquitter une forte somme pour le vérifier, mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Nos confrères du Parisien ont d'abord dépensé 150 euros, mais n'ont plus eu de nouvelles de leur interlocuteur.

De même, certains des profils contactés par franceinfo ont été supprimés d'un jour à l'autre et un numéro de téléphone est devenu injoignable. Que les réfractaires au vaccin soient prévenus : leur virement en cryptomonnaie ou via Paypal a de grandes chances d'enrichir un illustre inconnu sans leur garantir l'obtention d'un QR code valide en échange. Ils risquent aussi des poursuites pour faux et usage de faux, passibles d'une peine maximale de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende.

L'une des annonces disponibles sur le réseau social Snapchat. (FABIEN MAGNENOU / FRANCEINFO)

Mais cela fonctionne parfois. Ainsi, nos confrères du Parisien sont finalement parvenus à obtenir un certificat de vaccination dans un centre francilien, moyennant 300 euros. Ils ont été pris en charge par une infirmière complice, qui a simplement appliqué une compresse de désinfectant sans réaliser l'injection. Cette expérience montre que certains professionnels ont décidé de franchir la ligne rouge.

Saisine automatique en cas de suspicion de fraude

Contacté par franceinfo, le ministère de la Santé affirme suivre "de très près le sujet". Il a déjà "alerté les ARS ainsi que les centres de vaccination afin de renforcer leur vigilance et d'identifier d'éventuels actes ou mouvements suspects". Une saisine systématique des autorités judiciaires est demandée en cas de suspicion de fraude.

Contactés par franceinfo, les Conseils de l'ordre des médecins et des infirmiers n'ont pas encore été saisis pour de tels faits. Début juin, une infirmière avait toutefois été suspendue d'un centre de vaccination, avait révélé France Inter, car elle délivrait des certificats sans réaliser d'injection. "Une fois les éléments de preuve nécessaires réunis, un terme y a été mis en l'espace de 24 heures", avait alors précisé le Groupement hospitalier universitaire de Paris. "Plusieurs types d'attestations falsifiées circulent", confirme à franceinfo le ministère et ces faux ne se limitent pas aux imitations. "Des attestations produites avec Vaccin Covid (...) s'avèrent frauduleuses, dans la mesure où un professionnel de santé a renseigné le système de suivi de la campagne."

Les solutions semblent difficiles à trouver. En médecine de ville, "la parade pourrait venir de l'Assurance maladie", estime un généraliste interrogé par franceinfo. "Un flacon de Janssen permet de faire six injections. Si un médecin a fait sept injections avec un Janssen, ça pourrait déclencher une alerte." Par ailleurs, la connexion à Ameli Pro est horodatée et permet donc de retracer les demandes. "L'analyse des différents certificats réalisés par un médecin suspect pourrait alors montrer des incohérences". Le ministère de la Santé précise qu'une "vigilance renforcée" est mise en place au niveau du système d'information Vaccin Covid.

"On pense que c'est ultra-minoritaire", nuance toutefois auprès de franceinfo la CPAM. Sans nier le problème pour autant. "Nous collaborons avec les services de police qui enquêtent sur le sujet, dans le cadre des dossiers en cours d'investigation, en allant chercher dans nos bases des informations." 

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