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La crise sanitaire a aggravé la répression des journalistes, selon le bilan annuel de Reporters sans frontières

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MOD SJT RAPPORT RSF covid LINHLAN JT 17/12
MOD SJT RAPPORT RSF covid LINHLAN JT 17/12 MOD SJT RAPPORT RSF covid LINHLAN JT 17/12
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions

L'ONG fait état d'un pic des violations de la liberté de la presse pendant la pandémie. Plusieurs gouvernements ont mis en place des mesures autoritaires pour empêcher les journalistes de travailler.

"Quelqu'un peut-il expliquer pourquoi des familles sont placées en quarantaine pour avoir parlé au téléphone avec des patients Covid ?" Ce simple tweet a conduit le journaliste indien Zubair Ahmed à passer une journée en prison, le 27 avril dernier. Il a été accusé par la police de l'archipel indien Andaman-et-Nicobar, où il exerce, de diffuser de fausses informations et de faire obstacle aux efforts des autorités pour contenir la pandémie de Covid-19, selon le média indien The Wire (en anglais).

La veille du tweet, le quotidien local The Andaman Chronicle (en anglais) racontait la mise en quarantaine forcée d'une famille, après un contact téléphonique avec un proche testé positif au Covid-19. "Un simple appel, ce n'est pas un problème. Mais voilà l'interprétation des autorités : la personne qui appelait allait forcément rendre visite à son interlocuteur", explique Zubair Ahmed, qui juge cette mesure injustifiée.

En Inde, 48 journalistes ont été visés par l'ouverture d'informations judiciaires entraînant l'arrestation d'une quinzaine d'entre eux, avant d'être libérés sous caution au bout d'une à quatre semaines. Ce genre de mesures arbitraires n'est pas isolé. Informer en temps de Covid-19 a été particulièrement difficile. C'est le constat de l'ONG Reporters sans frontières (RSF), dans son bilan annuel (PDF) mis en ligne lundi 14 décembre.

Arrestations et interpellations

Sur 387 journalistes détenus dans le monde en 2020, quatorze sont toujours emprisonnés en décembre pour avoir informé sur le Covid-19, dont la moitié en République populaire de Chine. Alors que les années précédentes, les journalistes essuient surtout menaces, violences physiques et verbales, "ce que nous voyons surtout en 2020, ce sont des arrestations et des interpellations", remarque Pauline Adès-Mével, porte-parole de RSF. 

Fin mars, l'ONG a lancé "L'Observatoire 19" pour mesurer l'impact de la pandémie sur le journalisme, en documentant "la censure étatique, la désinformation délibérée et leurs effets sur le droit à l'information fiable". Elle a ainsi observé un "pic non négligeable de violations de la liberté de la presse" pendant la crise sanitaire. Les interpellations et arrestations de journalistes ont été multipliées par quatre entre mars et mai 2020, par rapport au reste de l'année. Entre février et fin novembre 2020, plus de 300 incidents directement liés à la couverture journalistique de la crise sanitaire ont eu lieu, impliquant 450 journalistes. 

"Les gouvernements ont trouvé de nombreux prétextes pour faire valoir que les journalistes répandaient des fake news (...) On a recensé dans 90 pays de l'ONU des mesures répressives contre les journalistes qui avaient pour objectif de les empêcher de travailler, et surtout pour les empêcher d'écrire sur la façon dont la crise sanitaire était gérée dans leur pays", explique Pauline Adès-Mével. "Il n'y a pas qu'en Corée du Nord, beaucoup de pays de l'Est ont affirmé qu'il n'y avait pas de cas, peu ou prou".

Une répression particulièrement forte en Chine 

La journaliste citoyenne chinoise Zhang Zhan fait partie des 14 reporters encore derrière les barreaux en décembre 2020. L'ancienne avocate avait été arrêtée pour "provocation aux troubles" après avoir couvert la mise en quarantaine de Wuhan. Ses vidéos, tournées dans la ville-berceau de l'épidémie, se trouvent toujours sur YouTube. Certaines montrent des hôpitaux bondés, ou encore un incinérateur fonctionnant à plein régime. Dans d'autres vidéos, Zhang Zhan interroge des policiers locaux sur ses confrères disparus. Elle doit être jugée fin décembre, selon son avocat.

"Il n'y a pas que les journalistes. Des lanceurs d'alerte, qui ont contribué à essayer de faire sortir cette information essentielle pour le public, ont aussi été détenus. C'est un message de répression à l'égard de tous ceux qui font passer ces informations, pour que ces discours dissidents, ces messages qui perturbent le message officiel – une sorte de storytelling lisse – soient empêchés", conclut la porte-parole de RSF.

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