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Covid-19 : ce que l'on sait du "convoi de la liberté" contre les mesures sanitaires qui démarre en France

Article rédigé par Raphaël Godet, Brice Le Borgne
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un poids-lourd stationné dans le centre d'Ottawa, au Canada, le 7 février 2022.
 (AMRU SALAHUDDIEN / ANADOLU AGENCY / AFP)

Après Ottawa au Canada, Paris ? Des opposants aux mesures sanitaires venus de tout l'Hexagone se donnent rendez-vous dans la capitale, samedi. Les premiers convois doivent partir mercredi matin.

Une idée venue du Canada. Des opposants aux restrictions sanitaires veulent organiser sur les routes de France un "convoi de la liberté" inspiré de la mobilisation récemment observée en Amérique du Nord. La capitale canadienne, Ottawa, est en effet saturée depuis plusieurs jours de poids-lourds bloquant des rues et faisant hurler leurs klaxons. Dans l'Hexagone, les protestataires se donnent rendez-vous à Paris, samedi 12 février. Voici ce que l'on sait de ce mouvement émergent mais déjà très actif sur les réseaux sociaux.

Un mouvement parti des réseaux sociaux

La mobilisation, inspirée du mouvement canadien "Freedom Convoy 2022" ("Convoi de la liberté 2022"), rappelle les prémices du mouvement des "gilets jaunes" en France à la fin 2018. Elle prend, elle aussi, ses racines sur les réseaux sociaux. Des citoyens de tous horizons sont appelés à "rouler sur Paris", samedi 12 février, notamment pour protester contre le pass vaccinal.

Contrairement au mouvement en cours à Ottawa (Canada) ou même à Wellington (Nouvelle-Zélande), où des centaines de camions encerclent actuellement des bâtiments officiels, la version française vise la capitale, mais sans lieu précis pour le moment.

De nombreuses pages ou groupes Facebook dédiés à l'organisation de ce convoi sont apparues depuis la fin du mois de janvier. La plus importante, intitulée "Le convoi de la liberté", regroupait plus de 270 000 membres, mardi midi. D'autres pages "dissidentes", parfois régionalisées existent aussi. Chaque trajet organisé depuis Brest, Perpignan, Lille ou Strasbourg et convergeant vers Paris, dispose à présent de sa propre page Facebook. Des groupes de discussion se sont aussi mis en place sur l'application de messagerie sécurisée Telegram. Celui intitulé "Convoy France Officiel" dépassait les 24 000 abonnés, mardi midi.

Capture d'écran du groupe intitulé "Le convoi de la liberté". (FACEBOOK)

Tout comme les "gilets jaunes", pour diffuser leur appel au rassemblement, les participants multiplient également les prises de parole en direct sur Facebook, YouTube, Twitch... Le 4 février, deux porte-parole du mouvement "Convoy France" étaient invitées sur "Putsch Media", chaîne YouTube dont l'animateur est également chroniqueur sur RT France. L'une d'elles exposait pêle-mêle des revendications : "Récupérer les droits fondamentaux, le respect du référendum, l'accès inconditionnel aux soins, à l'éducation, à la culture et le respect des valeurs essentielles de notre constitution."

Les routiers "minoritaires"

Faut-il aussi s'attendre à d'interminables files de camions comme au Canada ? A priori, non : contrairement à la mobilisation outre-Atlantique, les poids-lourds devraient jouer un rôle moins important dans l'Hexagone. C'est ce qu'a reconnu Florian, un routier des Rhône-Alpes, interrogé sur le média "gilet jaune" Vécu. Considéré comme l'un des porte-paroles de "Convoy France", ce dernier reconnaît que "les routiers seront minoritaires sur le convoi", que "ce n'est pas un mouvement de camions".

Les principaux syndicats du secteur du transport routier assurent en outre n'être aucunement associés à ce mouvement. "On nous inclut dans un mouvement qui ne nous concerne donc pas. Ils se servent de l'imaginaire de la puissance d'un convoi pour bloquer je-ne-sais-qui ou je-ne-sais-quoi", explique à Libération Christophe Denizot, secrétaire général de la Fédération SUD-Solidaires des transports routiers.

C'est aussi que les restrictions sanitaires qui s'appliquent aux transports routiers ne sont pas les mêmes en France qu'en Amérique du Nord. En France, les chauffeurs ont le droit de voyager entre les pays et ils sont autorisés à se restaurer dans les relais routiers sans pass vaccinal. Le Canada, lui, impose l'obligation vaccinale depuis la mi-janvier aux routiers étrangers en provenance des Etats-Unis. Et les routiers canadiens doivent aussi être vaccinés pour aller aux Etats-Unis.

Des leaders venus d'horizons variés

Des figures de meneurs se détachent déjà. Rémi Monde publie des vidéos en direct rythmant depuis quelques semaines plusieurs pages Facebook. Mobilisé activement contre le pass sanitaire depuis l'été 2021, il partage sur ses réseaux des visuels mettant en avant Didier Raoult, Louis Fouché ou le documentaire controversé Hold-Up.

Par le passé, sur d'autres profils lui appartenant, Rémi Monde était investi dans des causes proches de Nuit debout en 2016, des "gilets jaunes", et était mobilisé sur les sujets de défense de l'environnement. D'après nos informations, Rémi Monde est le pseudonyme de Rémi B., auparavant entrepreneur dans le sud de la France, spécialisé dans la vente de produits visant à reboiser des forêts victimes d'incendies, ou de formations pour réduire la pollution au sein des entreprises de sa région.

D'autres figures ont émergé. Maria C. se présente comme porte-parole du mouvement Convoy France. Infirmière dans les Hautes-Alpes, elle s'était illustrée sur le plateau de l'antenne locale BFM DICI, en énonçant des contre-vérités sur le Covid-19. Elle intervient souvent avec Marisa, autre porte-parole du mouvement, proche du collectif "Reinfo Covid". Par ailleurs, en observant la liste des administrateurs des groupes Facebook, les liens avec les pages "gilets jaunes" sont flagrants.

Dans de rares cas, les internautes à l'origine de certaines pages Facebook sont aussi proches de l'extrême droite. Par exemple, un second groupe "Convoi pour la liberté", rassemblant lui plus de 2 200 internautes, est administré par une personne faisant sur son compte personnel la promotion d'Eric Zemmour.

Des convois qui s'organisent dans tout l'Hexagone

Du Nord au Sud, de l'Ouest à l'Est, la liste des villes concernées par ce mouvement s'allonge d'heure en heure. Les premiers convois prennent la route vers Paris dès mercredi matin. Mieux vaut prévoir du temps, en effet, car le principe est le même à chaque fois : "Emprunter le réseau secondaire et rouler entre 50 et 80 km/h."

Sur les réseaux sociaux, les internautes s'échangent de nombreuses cartes des trajets. Tous les points de départ, avec date, heure et adresse exacte, sont recensés sur le site convois.fr, dont il ne nous a pour l'instant pas été possible de définir l'origine. Il ne contient ni mentions légales, ni signature ou contact. L'arrivée est prévue dès le vendredi soir à 20 heures pour "une soirée de partage et de convivialité avec la solidarité citoyenne".

Par ailleurs, "ceux qui le souhaitent" peuvent ensuite rejoindre la Belgique, dimanche, pour une "convergence européenne" prévue à Bruxelles le lendemain, lundi.

Les autorités attentives au mouvement

A Ottawa, la situation était tellement "hors de contrôle" que Jim Watson, le maire, a fini par déclarer l'état d'urgence dans sa ville. En France, la mobilisation qui se prépare est surveillée de près. "Aujourd'hui, nous n'avons pas de renseignements qui nous démontrent que cela s'organise dans des proportions qui seraient importantes", a affirmé le ministre de l'Intérieur, mardi matin. Toutefois, "les moyens sont importants" pour prévenir de tels blocages, a ajouté Gérald Darmanin sur BFMTV.

A franceinfo, la police assure mardi que "la préfecture de police sera destinataire des informations sur les mouvements qui remonteront des services de renseignements territoriaux pour avoir une estimation du phénomène". Et confirme qu'il est "un peu tôt pour savoir si cela sera suivi". "Ce mouvement n'étant porté par aucune organisation syndicale, il est possible qu'il soit peu suivi", poursuit la même source. Le cas échéant, "un dispositif de détection de blocages des accès à l'Ile-de-France et à la capitale et un dispositif de verbalisations seront bien sûr mis en place".

Lundi matin, un premier convoi d'une trentaine de manifestants qui tentait de rejoindre la capitale à bord de leurs véhicules a été intercepté entre l'Essonne et la Seine-et-Marne "dans le calme", par les forces de l'ordre, a appris l'AFP.

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