Pesticides : sept questions pour mieux comprendre le débat et ses enjeux
De quoi parle-t-on quand on emploie le mot "pesticide" ?
Afin de protéger les récoltes, les agriculteurs recourent depuis très longtemps à des insecticides (contre les insectes), des fongicides (contre les champignons), des parasiticides (contre toutes formes de parasites, et même des herbicides – par exemple contre des plantes susceptibles héberger des nuisibles ou des agents pathogènes.
Certains de ces pesticides peuvent être réalisés de façon artisanale, d’autres de façon industrielle. Beaucoup de substances autorisées de très longue date sont autorisées dans l’agriculture dite "bio", tandis que les produits manufacturés les plus récents ne le sont pas.
Quels types de risques sont associés à l’utilisation de ces produits ?
Parce qu’il s’agit de substances actives, les produits à visée phytosanitaire peuvent tous avoir des effets délétères. Les risques peuvent être de nature diverses (effets sur la santé humaine, sur la santé animale, sur l’environnement, sur les nappes phréatiques…), d’intensité diverse, et se manifester à partir de seuils d’expositions très différents d’un produit à l’autre.
Les exemples de substances phytosanitaires dont la dangerosité est avérée sont nombreux. Employé dans la lutte contre les insectes, le chlordécone (un pesticide de synthèse) est ainsi un cancérogène (augmentant fortement l’incidence des cancers de la prostate), mais également une substance toxique pour la faune terrestre et marine, qui subsiste très longtemps dans l’eau et dans les sols. D’autres pesticides ont des effets neurotoxiques avérés. Un pesticide autorisé dans plusieurs pays d’Europe dans l’agriculture biologique, l’huile de neem (huile de graines du margousier), a une toxicité avérée pour la faune apicole (abeilles, bourdons), et est suspectée d’être un perturbateur endocrinien.
En revanche, tous les pesticides ("de synthèse" ou non) n’ont pas le même type d’effets. Tous ne sont pas des cancérigènes avérés (ni même suspectés), ni des perturbateurs endocriniens, de même que tous n’ont pas les mêmes effets délétères à court ou moyen terme sur l’environnement.
Voir également : L'Inserm dresse le bilan de trente années de recherches sur les pesticides
"Autorisés en bio" est-il synonyme de "sans danger" ?
Non, pas nécessairement. Le cas le plus emblématique est celui de la bouillie bordelaise, un fongicide fabriqué à base de cuivre et de chaux, qui est toxique à des doses courantes pour l’homme (cancérogène suspecté) et a une toxicité environnementale importante, tant sur la faune des sols que sur la faune marine.
En France, environ un quart du tonnage de pesticides utilisé en agriculture correspond à des produits autorisés dans le bio.
Si certains de ces produits sont dangereux, pourquoi sont-ils autorisés ?
Avant d’être mis sur le marché, les pesticides de synthèse modernes doivent faire l’objet d’études de toxicité sur les plantes et sur l’animal, qui peuvent durer une dizaine d’années. Toutefois, des effets non-suspectés initialement peuvent apparaître sur le long terme, d’où l’importance d’une veille toxicologique active. De nombreuses équipes de chercheurs de par le monde réalisent des suivis épidémiologiques, qui révèlent parfois des associations suspectes entre utilisation de certains pesticides par des agriculteurs et l’émergence de certaines pathologies [1]. Si ces observations ne suffisent pas à elles seules à identifier un lien de cause à effet, elles contribuent à focaliser les recherches en laboratoire sur les substances les plus dangereuses.
Certaines autorisations données au niveau européen peuvent ne pas être transposées au niveau national.
Voir également : Glyphosate : l’étude indépendante qui bouscule les idées reçues ?
Une molécule sans risque aux doses courantes d’exposition signifie-t-elle un pesticide sans danger ?
Actuellement, plusieurs débats animent la communauté scientifique. Le premier concerne les interactions potentielles entre certaines molécules jugées isolément "sûres" : c’est la notion d’"effet cocktail". Les risques liés à de telles interactions sont très difficiles à évaluer a priori, du fait du grand nombre de combinaisons de molécules qu’il faudrait évaluer. Alors que certains plaident pour une simple évaluation a posteriori, en cas d’apparition de signaux épidémiologiques, d’autres plaident pour des mesures d’interdiction plus ou moins radicales. Cette controverse pose notamment la question du "niveau de risque acceptable" par les citoyens – fonction du type et de l’intensité des effets délétères que l’on est en droit de craindre.
Une autre question importante est celle de l’évaluation des pesticides dans leur formulation commerciale, c’est-à-dire lorsque les molécules actives sont mélangées avec d’autres substances destinées à obtenir certaines propriétés physiques ou chimiques.
Voir également : Effets "cocktail", le défi scientifique des interactions chimiques inattendues
La présence de "traces de pesticides" dans l’alimentation est-elle nécessairement synonyme de risque pour le consommateur ?
Du fait des performances des outils de mesure et de détection, retrouver des "traces" de pesticides dans l’alimentation est courant. Toutefois, les doses auxquelles le consommateur se retrouve exposé sont presque toujours des dizaines de milliers de fois inférieures aux seuils auxquels un effet biologique est avéré. Selon des travaux de l’Agence européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) datés de 2013, environ 55 % des fruits et légumes commercialisés en Europe étaient vierges de résidus détectables, et 42% présentaient des résidus sous les seuils réglementaires, également très inférieurs de dangerosité identifiés. Environ 1,5% dépassaient de façon importante les limites réglementaires.
Voir également : Pesticides dans les fruits et légumes : attention aux effets d'annonce !
L'alimentation est-elle la seule source d'exposition de la population aux pesticides ?
L'air, à proximité des zones d'épandages, mais également l'eau polluée, constituent des sources d'expositions importante de la population aux pesticides. Mi-2018, l’Anses a initié une campagne destinée à mesurer la présence de résidus de pesticides dans l'air sur le territoire national. Ces données serviront, à terme, pour suivre l'exposition de la population à ces substances.
Voir également : Les pesticides seraient responsables de 2% des maladies professionnelles déclarées chez les agriculteurs
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