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Les overdoses d'opiacés, un fléau aux Etats-Unis : "Tout commence avec quelques pilules" antidouleurs

Aux États-Unis, le nombre d’overdoses liées à la consommation d’opiacés explose, au point que Donald Trump en a fait une urgence de santé publique. Ce phénomène touche un État en particulier : la Virginie occidentale.

Article rédigé par Grégory Philipps, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un panneau demandant de ne pas consommer de drogue autour d'une école dans la ville de Martinsburg, aux États-Unis. (GREGORY PHILIPPS / RADIOFRANCE)

C’est presque devenu le quotidien des ambulanciers de Martinsburg, petite ville de 17 000 habitants dans la Virginie occidentale, à deux heures de Washington : être appelé pour une overdose. Souvent, ils interviennent dans un lieu public, comme une voiture sur un parking, les toilettes d’un restaurant ou une station-service, parce que les personnes accros aux médicaments opiacés - des dérivés d'opium - ou à l’héroïne, pensent que quelqu’un les verra et appellera les secours avant que ce ne soit trop tard.

Parfois quand on arrive, on trouve des enfants, le fils ou la fille, en train de pratiquer un massage cardiaque parce que le père ou la mère fait une overdose

Docteur Colbert Hartman

franceinfo

Les conséquences sont traumatisantes. "Cela affecte toute la famille. C’est vraiment déchirant. Allez expliquer à un enfant pourquoi papa a fait une overdose ou pourquoi maman ne va pas se réveiller, c’est ça le plus difficile", explique le médecin.

Si le problème est plus important en Virginie occidentale, il touche l'ensemble des États-Unis. En 2016, les overdoses liés à la consommation d'opiacés ont causé 63 000 morts, soit 180 décès par jour. Le phénomène a pris une telle ampleur que, pour la seconde année consécutive, l’espérance de vie des Américains diminue selon les chiffres du Centre de contrôle et de prévention des maladies.

Du médicament antidouleur à l'addiction

Le phénomène à Martinsburg, et ailleurs aux États-Unis, remonte aux années 90. A l’époque, et sous la pression des laboratoires pharmaceutiques, les médecins prescrivent des médicaments opiacés, de l’oxycodone notamment, à tout le monde, pour la moindre douleur.

Beaucoup sont devenus accros de cette manière, se souvient le docteur John Aldis, aujourd’hui bénévole dans une clinique spécialisée dans le traitement des addictions. "Tout commence avec quelques pilules. Je demande toujours à mes patients, 'comment c’est arrivé, les antidouleurs, vous les avalez ou vous les sniffez ?', raconte le docteur John Aldis. Mais maintenant, quand je pose la question, on croit que je plaisante, parce que bien sûr qu’ils sniffent ces médicaments. Personne ne les avale."

L'utilisation du médicament est facilement détournée. "Les lycéens en récupèrent par des amis. Ils vont en prendre dans l’armoire à pharmacie des parents. Et parfois même, ils volent le traitement du grand-père qui est soigné pour un cancer. Cela arrive tout le temps", s'indigne le docteur.

Une dose de drogue accessible pour 8 dollars

Kevin Knowles, a ouvert en février 2016, dans la rue principale de Martinsburg, un centre d’accueil et d’orientation pour toxicomanes. "A l’époque, on prescrivait beaucoup ces antidouleurs, surtout ici, en Virginie occidentale. La population ici, c’est 1,3 millions personnes. En moyenne, sur toutes les pilules commercialisées, ça en fait chaque année 462 par personne. C’est absurde. Quand les gens n’ont plus eu accès à ces pilules, ils se sont rabattus sur l’héroïne", interpelle le médecin qui assure qu'une grande partie de l'héroïne provient de Baltimore, à plus d'une heure de route. Aujourd’hui, un cachet d’oxycodone se vend 8 dollars dans la rue, une dose d’héroïne coûte seulement 2 dollars de plus.

Dans le centre d’accueil ouvert par Kevin Knowles, une sorte d'arbre de Noël avec des photos et des noms accrochés en guirlande trône dans l'entrée. "C'est un arbre du souvenir" explique Stephanie, chargée de recevoir les personnes dépendantes. "Tous ceux qui ont perdu quelqu'un peuvent accrocher une bougie en papier, avec un nom, une photo s'ils veulent. Surtout, ils peuvent partager leur histoire avec nous. On les écoute. Pour moi, c'est un rappel permanent. Tous ces gens ne sont pas morts pour rien. Il faut continuer. Il faut que ça change. Malheureusement, beaucoup de mes amis sont sur cet arbre". Stephanie a, elle-même, été accro aux analgésiques puis à l’héroïne pendant plusieurs années. Selon elle, son passé lui permet de mieux comprendre ce que traversent les gens qui viennent consulter ici.

Les noms et les photos de personnes mortes d'une overdose sont accrochés à un "arbre des souvenirs" dans un centre d’accueil et d’orientation pour toxicomanes, à Martinsburg; aux États-Unis. (GREGORY PHILIPPS / RADIOFRANCE)

Des mois d'attente pour "une cure de Subutex"

En 2016, dans le seul comté de Berkeley dont dépend la ville de Martinsburg et qui compte 130 000 habitants, les services de secours ont recensé plus de 500 overdoses, dont 92 mortelles. Ici, l’urgence de santé nationale décrite par Trump en fin d’année dernière est une réalité qui saute aux yeux. Mais les traitements continuent à manquer, affirme le docteur Landis. "Il faut qu'on commence à traiter ce problème comme une maladie. Qu'est-ce-que vous faites quand vous êtes malade ? Vous allez voir le médecin. Il vous prescrit un traitement. Ici à Martingsburg, il faut attendre plusieurs mois avant d'avoir accès à une cure de Subutex".

Si la Virginie Occidentale est l’État le plus touché, le fléau est national. En 15 ans, le nombre d’overdoses mortelles a triplé dans le pays, particulièrement chez les adultes âgés de 25 à 54 ans. Environ 2,5 millions le nombre d’Américains sont aujourd’hui dépendants aux opiacés et les overdoses sont devenue la première cause de mortalité accidentelle aux Etats-Unis.   

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