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Faut-il continuer à prendre la pilule ?

Les pilules contraceptives de troisième génération seront déremboursées en 2013 pour service médical rendu insuffisant. Faut-il pour autant abandonner la pilule ? Pourquoi les autres contraceptifs ne s'imposent-ils pas ?

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une femme tient une plaquette de pilules contraceptives, le 13 octobre 2009, dans une pharmacie à Caen (Calvados). (MYCHELE DANIAU / AFP)

En 2006, trois mois après avoir commencé à prendre la pilule, Marion Larat a été victime d'un accident vasculaire cérébral. Depuis, elle est handicapée à 65% et accuse sa pilule de troisième génération d'en être la cause. Vendredi 14 décembre, elle a attaqué au pénal le laboratoire Bayer et l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui, selon elle, a failli au principe de précaution en ne retirant pas ce contraceptif du marché alors que les risques étaient connus.

En France, la pilule reste la méthode de contraception la plus utilisée. En 2010, la moitié des femmes âgées de 15 à 49 ans prenait la pilule, selon l'enquête (PDF) Fecond Inserm-Ined, publiée en septembre. Soit six millions de femmes, dont environ deux millions utiliseraient une pilule de troisième génération. Faut-il avoir peur de la pilule ? Francetv info fait le tour de la question.

Des pilules plus dangereuses et pas plus efficaces

En 2004, la Haute autorité de santé (HAS) a relevé (PDF) que, si elles sont "efficaces""toutes les générations de pilules œstroprogestatives [dont l'ANSM fourni la liste (PDF)] sont associées à une augmentation du risque d’accident thromboembolique". Le risque de voir un caillot de sang se former dans une veine est ainsi multiplié par 1,5 à 2 chez les femmes prenant la pilule, selon une étude américaine de 1995 citée par Le Monde en 2011. La HAS avertit aussi d'"une augmentation potentielle du risque de certains cancers, notamment du sein et du col utérin". 

Les pilules de troisième et quatrième générations présentent même "un risque de complications thromboveineuses deux fois plus élevé" que celles de deuxième génération. La HAS en a conclu (PDF) que le service médical rendu par ces contraceptifs était insuffisant. Un argument mis en avant par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, lorsqu'elle a pris la décision de dérembourser les pilules de troisième génération à compter du 30 septembre 2013.

Des risques néanmoins à relativiser

Le ministère de la Santé souligne toutefois que ce risque de complication est "très faible" et l'évalue à "3 à 4 cas pour 10 000 utilisatrices", soit potentiellement 600 à 800 femmes en France. Dans ses recommandations de 2004 (PDF), la HAS précise de plus que, lors de la prescription, "le plus grand danger (…) est d’ignorer la présence de facteurs de risque cardiovasculaire associés".

Interrogée par francetv info, Véronique Séhier, responsable de la Commission contraception au Planning familial, redoute que les cas "dramatiques" mais "marginaux" d'accidents ne "diabolisent la pilule" et conduisent des femmes "à arrêter" de prendre leur contraceptif. "En médecine, aujourd'hui, on ne connaît pas le sans-risque", rappelle Jacques Lansac, professeur de gynécologie obstétrique au CHU de Tours, joint par francetv info. Tous deux déclarent se conformer aux recommandations de l'ANSM, qui conseille de prescrire d'abord des pilules de deuxième génération et, s'il le faut, celles de troisième génération, mais "au cas par cas"

D'autres solutions, qui ont aussi des inconvénients

Depuis le début des années 2000, la pilule est en perte de vitesse (-4,6%), au profit de l'implant (+2,6%), de l'anneau vaginal (+1%) ou du patch (+0,4%). Ces nouvelles méthodes hormonales restent cependant minoritaires : en 2010, seules 4% des femmes y avaient recours. La HAS souligne pourtant (PDF) qu'elles "ont fait preuve de leur efficacité et peuvent constituer des alternatives, notamment pour des femmes sujettes à des problèmes d’observance". "Chacune a des avantages et des inconvénients", tempère le Pr Jacques Lansac, qui détaille : "Les patchs, les implants ou les anneaux sont des œstroprogestatifs. Ils contiennent les mêmes hormones que les pilules et peuvent donc entraîner les mêmes complications."

Le stérilet, deuxième moyen de contraception le plus utilisé par les femmes en France (25%), souffre d'une mauvaise réputation et son usage continue de diminuer. La HAS le considère néanmoins comme une solution "très efficace" (PDF) "qui présente l’avantage d’une longue durée d'action et pour laquelle aucun risque cancéreux ou cardiovasculaire n'est établi". Les cas d'infection sont rares, tout comme ceux de maladie inflammatoire pelvienne, et sont liés à une mauvaise pose. En revanche "aucun risque de stérilité tubaire n’a été démontré".

"Pas facile" d'échapper au tout-pilule

La HAS a eu beau préciser que le stérilet peut être utilisé à tous les âges, que les femmes aient eu ou non un enfant (PDF), seules 1,3% des femmes sans enfant l'utilisent. Car en 2010, 54% des femmes interrogées pensaient le contraire. Ce pourcentage grimpait à 69% chez les gynécologues et à 84% chez les généralistes en 2011. Les mentalités peinent à changer.

"Ce n'est pas facile pour une jeune femme aujourd'hui de se faire poser un stérilet", acquiesce Véronique Séhier. La responsable du Planning familial plaide pour une meilleure formation des professionnels de santé sur la question de la contraception.

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