Salvador : la méthode Bukele pour lutter contre les gangs pourrait bien assurer sa réélection

Les élections présidentielles se dérouleront dimanche et la politique antigang et anticorruption menée sans relâche depuis quatre ans, par Nayib Bukele, semble convaincre les Salvadoriens. Les observateurs, eux, s’inquiètent de la dérive autoritaire.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Un t-shirt avec le visage du président vénézuélien, Nayib Bukele, vendu sur un marché à San Salvador, le 30 janvier 2024. (MARVIN RECINOS / AFP)

Au Salvador la méthode forte du président a permis de canaliser la violence, mais à quel prix ? Les résultats sont là, ils permettront sans doute à Nayib Bukele d’être réélu dimanche 4 février, en dépit de l’inquiétude des organisations de défense des droits de l’Homme. La politique antigang et anticorruption menée sans relâche par le président salvadorien, depuis quatre ans, n’a pas toujours respecté les règles.

Le respect du droit ne fait pas partie des préoccupations de Nayib Bukele, le président du Salvador. Il fait fi des libertés individuelles, comme du droit constitutionnel qu'il a joyeusement malaxé pour être de nouveau candidat, ce que la loi salvadorienne interdit. Nayib Bukele a donc renvoyé tous les juges chargés de faire appliquer cette loi. Il les a remplacés et a obtenu l’autorisation, à condition de quitter la présidence pendant six mois. Depuis le 1er décembre 2023, celui qui se définit comme "le dictateur le plus cool du monde" s’est donc mis en retrait pour préparer sa réélection.

Une réélection qui semble acquise, c’est en tout cas ce qu’affirment tous les instituts de sondages. Dans toutes les enquêtes d’opinion, Nayib Bukele récolte entre 70 et 80% des intentions de vote. Les Salvadoriens semblent tous convaincus que la méthode Bukele, pour vaincre la violence et la corruption, a largement porté ses fruits.

Cette méthode est assez bien résumée par le jeune chef de l’État salvadorien. "La rumeur dit qu’ils veulent se venger contre les honnêtes gens, en visant n’importe qui. Qu’ils le fassent et il n’y aura plus un seul repas dans les prisons. On verra s’ils continuent leur bordel depuis leurs cellules. Je jure devant Dieu qu’ils ne mangeront pas un grain de riz. Et je me fous de ce que diront les organisations internationales. Qu’elles viennent protéger nos citoyens, qu’elles viennent récupérer ces bandits", déclarait-il en 2021. En à peine quatre ans, le pays connaît une inversion radicale du taux d’homicide, qui est aujourd’hui l’un des plus faibles d’Amérique latine et plus un seul gang à l’horizon.

Une méthode érigée en exemple dans toute l'Amérique latine

Sous la présidence de Nayib Bukele, 75 000 Salvadoriens ont été envoyés en prison, soit 1% de la population. Des personnes incarcérées parfois sans preuve, sans motif, sans contact avec leur famille. Un accord secret entre le gouvernement et certains chefs de gangs a même été révélé au cœur de ce premier mandat de Nayib Bukele. Tous les observateurs s’inquiètent de la dérive autoritaire assumée par le président salvadorien.

Tous les coups sont permis pour le président salvadorien et sa politique est aujourd’hui érigée en exemple dans toute l’Amérique latine. Au Guatemala ou au Pérou, où le maire de Lima vante "le miracle Bukele". Au Paraguay, le président dit s’être inspiré du modèle Bukele en envoyant ses militaires mettre de l’ordre dans les prisons. Et dernièrement en Equateur où l'état d’urgence et le contrôle du territoire par l’armée ont été décrétés. Daniel Noboa, le président de l'Équateur, vient d’engager les mêmes architectes que Nayib Bukele pour construire de méga prisons, capables d’accueillir tous les citoyens considérés comme problématiques par les autorités.

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