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Au Brésil, un juge évangélique pro-Bolsonaro à la Cour suprême

Ce nouveau juge, très marqué politiquement et nommé par le président d’extrême droite, intègre la plus haute instance judiciaire du pays. La stratégie de Jair Bolsonaro rappelle celle de Trump aux Etats-Unis.  

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
André Mendonça lors de son audition au Sénat pour le poste de juge à la Cour suprême, à Brasilia (Brésil) le 1er décembre 2021 (JODSON ALVES / EFE)

Il s’appelle André Mendonça, il a 48 ans. Il intègre jeudi 16 décembre le Tribunal Suprême Fédéral, institution judiciaire très puissante qui s’apparente à la Cour suprême américaine. Sous des dehors très policés (coupe de cheveux soignée, petites lunettes sobres et rectangulaires, costumes impeccables), il est très engagé politiquement et religieusement. C’est un pasteur presbytérien évangélique, qui tweete régulièrement en citant la Bible et qui voit dans sa nomination la décision de Dieu.

C’est la première fois qu’un juge ouvertement évangélique occupe l’un des 11 sièges de la Cour suprême. Mendonça est un conservateur sur toutes les questions de société. Et c’est aussi un défenseur des grandes compagnies pétrolières et de l’agrobusiness : ancien avocat du géant Petrobras, souvent montré du doigt comme le symbole de la corruption au Brésil. Le président d’extrême droite Jair Bolsonaro en a d’abord fait son ministre de la Justice, avant de le nommer à la Cour suprême. Cette nomination a été validée par un vote au Sénat début décembre, qui s’est déroulé en présence d’une impressionnante communauté évangélique, venue faire du lobbying sur les sénateurs.  

Une opération séduction auprès de l'électorat évangélique

Il s'agit aussi d'un calcul électoral de Jair Bolsonaro. Le président d’extrême droite a bien l’intention de se représenter dans un an. Il affirme déjà ne vouloir quitter la présidence que "mort, emprisonné ou victorieux". Autrement dit : pas question de reconnaître une défaite dans les urnes. Mais il est aujourd’hui au plus bas dans les sondages (seulement 22% de côte de confiance) et il voit se dessiner en face de lui la candidature du revenant Lula, l’ancien président icône de la gauche brésilienne.

En nommant Mendonça à la Cour Suprême, Bolsonaro cherche donc à séduire l’électorat évangélique : environ 30% de la population de ce Brésil de 210 millions d’habitants. Et cette proportion va croissant. Il y a donc bien un calcul électoral à court terme. Ça se double d’un objectif à moyen terme : influencer de façon durable la société brésilienne, via les décisions de la Cour, qui a compétence sur tous les grands sujets de société, l’avortement, les droits des minorités, etc.

Mendonça est le deuxième juge nommé par Bolsonaro. Et cette stratégie est un copié-collé de celle de Donald Trump aux Etats-Unis, dont le legs principal aujourd’hui est à la Cour suprême, avec des juges désormais en majorité conservateurs et qui semblent sur le point de remettre en cause le droit à l’avortement aux Etats-Unis.  

Une instance judiciaire résiliente face à Bolsonaro

La Cour suprême brésilienne est en conflit quasi-ouvert avec Bolsonaro : les juges de la Cour e sont l’incarnation du contre-pouvoir au président d’extrême-droite. Ils ont ouvert six enquêtes contre lui, pour des soupçons de corruption ou de diffusion de fausses nouvelles, par exemple pour avoir fait un lien entre le vaccin anti Covid et le fait de contracter le sida. Et puis la Cour résiste à Bolsonaro sur plusieurs sujets de société dont la lutte contre la pandémie. Par exemple le 11 décembre dernier, la Cour a rendu obligatoire la présentation d’un certificat de vaccination pour les voyageurs qui arrivent au Brésil. Le président d’extrême droite, qui refuse de se faire vacciner, était évidemment opposé à cette mesure. Alors que, rappelons-le, le Brésil présente l’un des bilans les pires au monde, avec plus de 615 000 morts de la maladie.      

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