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Prix des denrées alimentaires : " C'est l'évolution de l'alimentation qui va déterminer en fait le niveau du coût de la nourriture et de l'alimentation"

Après l'énergie, ce sont les prix des denrées alimentaires qui s'envolent. Les prix du blé, de l'huile de palme, de la viande, du sucre, les produits laitiers, sont nettement à la hausse. Décryptage de cette "Question de société" avec le sociologue Jean Viard. 

Article rédigé par franceinfo, Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La hausse du prix des denrées alimentaires : "C'est une question culturelle" estime Jean Viard, et les changements actuels de comportements alimentaires et de nos modes de vie vont être déterminants. (Illustration) (SEFA OZEL / E+ / GETTY IMAGES)

Le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS évoque aujourd'hui sur franceinfo les répercussions et les causes de la hausse très nette des denrées alimentaires. Le prix du blé, par exemple, atteint des niveaux qu'on n'avait pas connu depuis 10 ans. L'huile de palme est à son plus haut historique. Hausse des prix aussi pour la viande, le sucre, les produits laitiers parce qu'on en a moins produit dans le monde l'an dernier ou alors que la demande est particulièrement forte. Parfois, c'est même les deux en même temps.

Donc en tout sur un an, les Nations Unies notent une hausse de plus de 30% du prix d'un panier alimentaire de base. On parle là de cours internationaux, mais il y a des répercussions très concrètes jusqu'en France, jusqu'à une possible évolution de quelques centimes sur le prix de la baguette de pain.

franceinfo : La France a beau être une nation agricole, exportatrice en plus en la matière, on voit bien qu'il n'y a pas de souveraineté alimentaire. En tout cas, pas sur les prix ? 

Jean Viard : Non, mais de toute façon, on est sur un marché européen ouvert et ça permet que les uns fournissent quand ça manque aux autres. Je ne crois pas que la souveraineté alimentaire soit forcément un objectif central, mais il faut faire attention, parce que pendant un an et demi, on a annoncé qu'il y avait un million de chômeurs en plus. Ça ne s'est pas produit. Ensuite, on a annoncé qu'il y aura un million de pauvres en plus. Hier l'IINSEE nous a montré que ce n'était pas vrai. Donc, faisons attention aux discours catastrophiques. Alors c'est vrai, l'augmentation du coût de l'énergie est incontestable. Et d'ailleurs, c'est pour ça qu'il y a eu une partie de compensation. 

Sur les problèmes alimentaires, c'est très différent parce que la matière première n'est qu'une partie du produit. Prenons le camembert.Il vaut en moyenne 1, 5 euro et il est passé à 1,55 euro. Donc il y a 5 centimes d'augmentation parce qu'évidemment, l'augmentation du cours du blé, derrière il y a le travail de l'agriculteur, le travail du commercial, la marge du supermarché qui, elles, n'ont pas bougé. Donc, c'est pour ça qu'il faut être très prudent.

Il peut y avoir des petites augmentations a priori, mais ponctuelles, et en grande partie, c'est dû effectivement à la saison qui a été extrêmement mauvaise en matière agricole. Mais la saison d'hiver qui apparaît, sera excellente. Donc, disons que c'est une bosse qui doit à priori être en partie conjoncturelle. 

Que représente aujourd'hui la part de l'alimentation dans le budget des Français et comment est-ce que cela a évolué au fil du temps ? 

Si on prend il y a 50 ans, c'était à peu près 30% du budget qui y était consacré. Mais c'est une moyenne, bien sûr. Et puis aujourd'hui, c'est autour de 17%. Donc, il y a une baisse importante. Mais après, ça dépend pour qui. Parce que plus le budget est modeste, plus la part de l'alimentation est importante, évidemment, parce que l'alimentation, c'est la première dépense qu'on ne peut pas supprimer. Mais en gros, on n'a pas divisé par deux la part de l'alimentation, mais presque.

Et il est clair que dans le mouvement où on est maintenant avec des recherches de qualité, etc. et puis la revendication des agriculteurs d'être un peu correctement rémunérés, il y a effectivement une très légère tendance à la hausse de la part de l'alimentation dans les budgets, avec la grande question de l'égalité pour les milieux populaires. 

Est-ce que cette hausse va s'accélérer d'après vous ? Parce que vous l'avez dit, la nourriture, c'est aussi le bien-être, et c'est l'objet aujourd'hui d'une quête contemporaine. Est-ce que les Français sont prêts à mettre plus d'argent dans leur budget alimentation ?

C'est surtout une question culturelle. Regardez par exemple les quartiers du 16e arrondissement, et puis les quartiers bobos dans les nouveaux quartiers parisiens. Vous voyez bien que l'alimentation a plutôt augmenté dans les quartiers, j'allais dire "bobo". Il y a toute une réflexion culturelle sur la place de la viande, sur qu'est-ce qu'on mange, le corps qu'on porte, alors que dans les quartiers riches, au fond, ça n'a pas changé. Donc, c'est pour dire que la question est culturelle.

Par exemple, est ce qu'on va diminuer la quantité de viande dans une assiette et puis augmenter la quantité de légumes ? Si vous faites, ça fait, le prix de l'assiette diminue. Donc, il y a une grosse question sur l'évolution de l'alimentation parce qu'on n'a plus le même corps. On vit longtemps, on n'a plus des activités très physiques, donc on veut être nourri autrement, etc. Avec certainement beaucoup moins de viande. C'est compliqué. Je dirais que c'est plutôt l'évolution de l'alimentation qui va déterminer en fait le niveau du coût de la nourriture et de l'alimentation. 

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