Cet article date de plus de dix ans.

Orientation : allez les filles !

L'événement cette semaine, c'est le Salon européen de l'Education, qui se tient à Paris Expo de jeudi à dimanche. Le thème, cette année : l'égalité homme-femmes. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle n'existe toujours pas en matière d'orientation...
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
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Entre les inégalités sociales, les écarts de niveau scolaire
et le différenciation garçon-fille, qu'est-ce qui impacte le plus les choix
d'orientation ? Les
différences de sexe. C

'est ce qui ressort d'une étude publiée l'an passé par
la Direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'Education
nationale.
Quasi à égalité, je le précise avec le niveau scolaire.

Et pourtant, les filles réussissent mieux, à tous
les niveaux.

Oui.
Elles redoublent moins souvent, elles sont plus nombreuses à avoir le bac, mais
elles choisissent des voix moins rentables professionnellement et perdent en
quelque sorte le bénéfice de cette meilleure réussite.

A quel moment ces inégalités se
manifestent-elles ?

Dès la
fin de  la troisième. Pas en filière
générale : là, les choix sont les mêmes au sens où ils sont guidés par les
résultats scolaires. 75 % des filles demandent une seconde générale et
technologique contre 68 % des garçons, mais cela reflète la différence de niveau
scolaire – meilleur on est, plus on demande la voie générale.

Mais celles et ceux qui vont vers la voie
professionnelle ne choisissent pas les mêmes filières...

Oui. Et ça explique d'ailleurs des
inégalités qui se manifesteront plus tard. 
88
% des filles choisissent le tertiaire, essentiellement  secrétariat-bureautique, les spécialités
plurivalentes sanitaires et sociales, commerce-vente, et comptabilité-gestion –
ces quatre filières regroupent 75% des effectifs.

Les garçons, eux, vont vers
la production à 77 %. Avec une préférence marquée pour le secteur de la mécanique,
de l'électricité et de l'électronique qui accueille à lui seul près d'un lycéen
de seconde professionnelle sur deux.

Or, je cite l'étude, "le secteur
tertiaire offre des débouchés plus incertains que le secteur secondaire. Les
emplois y sont plus précaires et les qualifications acquises en formation
initiale moins reconnues, ce qui débouche souvent sur des situations de
surqualification par rapport à l'emploi exercé
." On retrouve exactement le même
phénomène dans les filières technologiques, qu'on choisit en fin de seconde, à
l'exception de la voie STL (Sciences et technologies de laboratoire), qui
présente une certaine mixité (56 % de garçons et 44 % de filles).

Inégalités aussi dans les
choix d'orientation entre garçons et filles qui ont choisi la filière générale.

Et
là ça se joue en fin de seconde : alors qu'elles sont meilleures, 25 %
seulement des filles demandent une première S, contre 50 % des garçons – deux
fois plus ! Proportion inversée en filière littéraire, choisie
par 27 % des filles contre 10 % des garçons. Et je précise que ces choix sont
indépendants du milieu social.

Or le bac S ouvre plus de
portes...

Plus
de portes oui, et surtout plus de portes vers des filières professionnellement
rentables. "Après leur bac, les garçons intègrent ainsi majoritairement
une filière sélective (CPGE, IUT, STS), tandis que les filles optent le plus
souvent pour des études longues à l'université
". Double
peine donc : les filles – on vient de le voir – sont moins nombreuses
à choisir S et même quand elles choisissent S elles s'orientent moins souvent
vers les filières les plus lucratives.

Je cite l'étude de la Depp :
"L'orientation en classe préparatoire aux  grandes
écoles, filière la plus " rentable ", est ainsi très discriminante : comme pour
l'orientation en première S, la plus faible demande des filles est
systématique, quels que soient leur origine sociale, le niveau de diplôme
atteint par leurs parents, ou leurs performances scolaires
".

Comment explique-t-on ces
choix ?

Il
n'y a pas une explication unique, mais un faisceau de présomptions. D'abord les
filles s'informent plus souvent par elles-mêmes, dans les centres d'information,
les forums ou les salons de l'orientation. Selon les auteurs de l'étude, cela
"contribue sans doute à renforcer chez certaines une tendance à se
sous-évaluer ou à pratiquer une auto-sélection
", à laquelle s'ajoute peut-être
un moindre goût pour la compétition.

Il y a quand même une
exception : médecine.

Oui.
Un tiers des bachelières S qui vont à l'université font ce choix. Selon
l'étude, "ce choix traduit l'importance pour les filles de leur projet
professionnel
". Or quand on leur demande leurs motivations, les filles placent
en deuxième position leur projet professionnel, tandis que les garçons
privilégient la "rentabilité " de leur filière sur le marché du travail.

Et
cela même parmi les plus brillantes : "si
on se limite aux bachelières S arrivées au bac à 18 ans, dont le profil
scolaire est susceptible de leur ouvrir les portes les plus nombreuses, la
polarisation est encore plus forte : 60 % d'entre elles souhaitent se diriger
vers la médecine, les professions paramédicales et sociales, et l'enseignement, soit deux fois plus que de garçons
présentant les mêmes caractéristiques. En revanche, elles évoquent rarement le
métier d'ingénieur (8 %), cité par 28 % des garçons
".

On dit parfois qu'elles
anticipent aussi plus tôt que les garçons leurs futures responsabilités
familiales... 

Les
auteurs mentionnent ce point : "les filles intègrent très tôt,
disent-ils, le fait qu'elles devront mener de front leur vie professionnelle et
leurs responsabilités familiales
". En tout cas le résultat est là. Et on
comprend mieux pourquoi le salon européen de l'éducation a choisi cette année
le thème de l'égalité hommes-femmes.

►►► Le Salon européen de l'éducation ouvre ses portes demain jeudi à
paris Expo porte de Versailles. Il se termine dimanche.

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