La République de Chypre en quête d’oxygène
Entrée dans l’Union européenne le 1er mai 2004, toute l’île de Chypre n’est pas membre de l’Union européenne, seulement la République de Chypre, la partie sud grecque de l'île. La partie nord est occupée par la Turquie depuis la guerre de 1974.
Entrée dans l’Union européenne en mai 2004, l'entièreté de l’île de Chypre n’est pas membre de l’Union européenne, seule la République de Chypre, donc la partie grecque de l’île, la partie sud. En effet, le nord de l’île, soit ce que l’on pourrait appeler la partie turque, aujourd’hui la République turque de Chypre du nord, état autoproclamé et seulement reconnu par la Turquie, est occupé par la Turquie depuis la guerre de 1974.
Y résident des Turcs chypriotes mais aussi des colons d’Anatolie envoyés par Ankara. Ainsi l’île est toujours divisée par "la ligne verte" (la ligne de démarcation), séparant les deux zones et dont la sécurité est assurée par les casques bleus de l’ONU. Ainsi, Nicosie, la capitale de l’île, est coupée en deux parties, grecque et turque, comme le fut naguère Berlin.
De négociations en négociations
Les nombreuses négociations internationales de paix sont toujours au point mort. Et l’arrivée dans la sphère internationale du président turc Erdogan n’a jamais rien présumé de bon pour Chypre, bien au contraire. Aujourd’hui, le maître d’Ankara veut avoir la main mise sur l’ensemble de l’île, y compris et surtout dans l’espace maritime chypriote, ce qui génère des tensions quotidiennes dans cette zone difficile de la Méditerranée orientale.
En fait, Erdogan tente par tous les moyens d’étouffer la République légitime de Chypre, comme nous l’a expliqué notre invité, Evagoras Mavrommatis, le président de la communauté chypriote pour l’Union européenne.
Erdogan le perturbateur
Ainsi que nous l’avions présenté en juin 2019, la zone économique exclusive (ZEE) de la République de Chypre est riche en gaz et hydrocarbures, et la République de Chypre a signé des contrats d’exploitation avec les compagnies française et italienne, Total et Eni, ainsi qu’avec la compagnie américaine ExxonMobil. Mais le président turc s’oppose à tout forage dans la zone, quitte à violer l’espace maritime chypriote, comme ce fut le cas dernièrement où une frégate française fut au bord d’un affrontement avec la marine militaire turque.
Les seuls et uniques forages possibles pour Ankara sont des forages turcs. Aujourd’hui, si le bras de fer continue, d’une manière ou d’une autre entre l’UE et Ankara, les gisements chypriotes seraient une bouffée d’oxygène pour l’Europe. Aujourd’hui, quelle sera la réaction de l’UE, quelle sera la réaction de la France, des États-Unis si Erdogan s’oppose par la force à des forages dans la ZEE chypriote ?
Et cela sans compter sur la réaction du Royaume Uni, car Londres possède toujours deux bases souveraines en République de Chypre, avec près de 4 200 soldats stationnés. Il est d’ailleurs toujours question de l’implantation d’une base navale française dans le sud de la République de Chypre, car les autorités de la République de Chypre sollicitent la présence de la Marine nationale française, autant pour protéger les navires de forage français, italiens et la ZEE chypriote grecque.
La menace d’Erdogan et des migrants sur Chypre
Le président de la République de Chypre, Níkos Anastasiádis, compte demander à la Commission européenne le droit de suspendre les demandes d’asile des personnes "entrant illégalement dans le pays". Aujourd’hui, le nombre de migrants entrés illégalement en République de Chypre entre le 1er janvier et le 31 octobre 2021 est de 10 868, une augmentation de 38% par rapport à l’ensemble de l’année 2020, s’ajoutant aux 33 000 illégaux en République de Chypre.
Comme partout en Europe, Erdogan joue la carte des migrants pour déstabiliser les états membres de l’UE. Et le 10 novembre dernier, le président Níkos Anastasiádis a tenu une réunion d’urgence avec ses ministres afin de prendre des mesures pour lutter contre l’augmentation de l’immigration clandestine. Et si la République de Chypre continue de déployer des barbelés, le long de la ligne verte, afin de freiner l’arrivée de migrants, la situation pourrait empirer avec l’afflux de migrants libanais, dont le pays plonge de plus en plus dans le chaos.
Une nouvelle fois, la République de Chypre est prise dans l’étau d’Erdogan, mais pas seulement elle, car comme l’a souligné Evagoras Mavrommatis, cette situation est aussi néfaste pour les Chypriotes turcs, qui, sans les interventions répétées du maître d’Ankara, et la présence de l’armée turque au nord de l’île, et la présence des colons, une solution pourrait être trouvée entre chypriotes grecs et turcs qui ont toujours vécu ensemble sur l’île.
D’ailleurs de nombreux rapprochements citoyens et associatifs furent faits depuis une dizaine d’année entre les deux communautés qui partagent beaucoup de valeurs communes, des valeurs chypriotes.
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