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"Le sermon sur la chute de Rome" de Jérôme Ferrari

Le coup de cœur littéraire de Christophe Ono-dit-Biot, directeur adjoint de la rédaction du Point : "Le sermon sur la chute de Rome" de Jérôme Ferrari publié chez Actes Sud. Jérôme Ferrari est un jeune agrégé de philosophie, d'origine Corse, et à 40 ans. C'est son cinquième livre, en voie de mise en orbite puisqu'il figure sur la liste du Prix Goncourt avec ce roman étonnant.
Article rédigé par franceinfo
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C'est le destin d'un village corse, vu depuis le bar de ce
village, et à travers les yeux d'un philosophe qui, il y a 1602 ans prononça un discours
très important au moment où les barbares saccageaient Rome. Et ce philosophe, c'est
Saint-Augustin, l'un des quatre pères de l'Eglise et l'un des personnages les
plus importants dans l'établissement et le développement du Christianisme
occidental.

Jérôme Ferrari a conçu son roman comme un Docteur Jekyll maniat
ses éprouvettes. Plus précisément comme on fabrique une chimère, un monstre,
composé de deux éléments à priori inconciliables. D'un côté le destin du
village corse. De l'autre, Saint-Augustin, qui
était évêque, à Hippone, dans l'actuelle Algérie, et quand la ville de Rome est totalemet saccagée par les barbares d'Alaric, en 410 après J.C, donc, essaie
de consoler ses ouailles en leur disant que ce n'est pas grave, que "Les
mondes passent, en vérité, l'un après l'autre, des ténèbres aux ténèbres, et
leur succession ne signifie peut-être rien"
et que "Dieu n'a fait
pour toi qu'un monde périssable, et tu es toi-même promis à la mort".

C'est un texte très fort, qui nous dit qu'au fond, rien ne
sert de s'inquiéter car tous les empires meurent un jour même les plus
puissants. Et Ferrari entrelace son roman, qui se passe aujourd'hui, de
références à ce texte, c'est assez malin, c'est assez amusant, mais en fait on
s'en fiche car cette histoire corse est passionnante, et on vraiment l'impression
de voir vivre des personnages devant nous.

La vraie histoire, celle de deux amis Mathieu et Libero qui
est d'origine sarde. Deux amis d'enfance qui s'amusaient dans le maquis, qui
ont fait les 400 coups ensemble et comme ils sont intelligents et ouverts d'esprit,
ils ont fait des études de philosophie sur le continent. Ils sont spécialistes
de Saint-Augustin.

Mais un jour, ras le bol de la philosophie, besoin d'être
dans le réel, et donc ils reviennent dans le village natal, quittant les
liqueurs platoniciennes pour le pastis encore plus parfumé.

On suit de nombreux personnages et on s'aperçoit bientôt que
tout est en train de clocher pour eux, le grand-père qui s'ennuie et dont la mort
ne vient pas, les chagrins d'amour de la sœur archéologue, et les deux copains
qui commencent à faire n'importe quoi, notamment à coucher avec les serveuses et qui seront aux prises avec une histoire sordide où l'ancienne prostituée a
tapé dans la caisse. Et on se dit que cet empire aussi florissant, finalement,
va lui aussi, comme le prévenait Saint-Augustin 1602 ans avant, va dégringoler.

Jérôme Ferrari vient de traduire un roman du corse : Murtoriu de Marc biancarelli chez Actes Sud.

 

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