C'est le destin d'un village corse, vu depuis le bar de cevillage, et à travers les yeux d'un philosophe qui, il y a 1602 ans prononça un discourstrès important au moment où les barbares saccageaient Rome. Et ce philosophe, c'estSaint-Augustin, l'un des quatre pères de l'Eglise et l'un des personnages lesplus importants dans l'établissement et le développement du Christianismeoccidental.Jérôme Ferrari a conçu son roman comme un Docteur Jekyll maniatses éprouvettes. Plus précisément comme on fabrique une chimère, un monstre,composé de deux éléments à priori inconciliables. D'un côté le destin duvillage corse. De l'autre, Saint-Augustin, quiétait évêque, à Hippone, dans l'actuelle Algérie, et quand la ville de Rome est totalemet saccagée par les barbares d'Alaric, en 410 après J.C, donc, essaiede consoler ses ouailles en leur disant que ce n'est pas grave, que "Lesmondes passent, en vérité, l'un après l'autre, des ténèbres aux ténèbres, etleur succession ne signifie peut-être rien" et que "Dieu n'a faitpour toi qu'un monde périssable, et tu es toi-même promis à la mort".C'est un texte très fort, qui nous dit qu'au fond, rien nesert de s'inquiéter car tous les empires meurent un jour même les pluspuissants. Et Ferrari entrelace son roman, qui se passe aujourd'hui, deréférences à ce texte, c'est assez malin, c'est assez amusant, mais en fait ons'en fiche car cette histoire corse est passionnante, et on vraiment l'impressionde voir vivre des personnages devant nous.La vraie histoire, celle de deux amis Mathieu et Libero quiest d'origine sarde. Deux amis d'enfance qui s'amusaient dans le maquis, quiont fait les 400 coups ensemble et comme ils sont intelligents et ouverts d'esprit,ils ont fait des études de philosophie sur le continent. Ils sont spécialistesde Saint-Augustin.Mais un jour, ras le bol de la philosophie, besoin d'êtredans le réel, et donc ils reviennent dans le village natal, quittant lesliqueurs platoniciennes pour le pastis encore plus parfumé.On suit de nombreux personnages et on s'aperçoit bientôt quetout est en train de clocher pour eux, le grand-père qui s'ennuie et dont la mortne vient pas, les chagrins d'amour de la sœur archéologue, et les deux copainsqui commencent à faire n'importe quoi, notamment à coucher avec les serveuses et qui seront aux prises avec une histoire sordide où l'ancienne prostituée atapé dans la caisse. Et on se dit que cet empire aussi florissant, finalement,va lui aussi, comme le prévenait Saint-Augustin 1602 ans avant, va dégringoler.Jérôme Ferrari vient de traduire un roman du corse : Murtoriu de Marc biancarelli chez Actes Sud.