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Le sens de l'info. La délicatesse

Renoir considérait La dentellière de Vermeer, chef-d’œuvre entré au Louvre en 1870, comme le plus beau tableau du monde, avec Le Pèlerinage à l'île de Cythère de Watteau.

Article rédigé par franceinfo, Michel Polacco - Michel Serres
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La dentellière, pleine de délicatesse, de Johannes Vermeer (1632-1675), Musée du Louvre.  (GETTY IMAGES)

Renoir considérait La dentellière de Vermeer, chef-d’œuvre entré au Louvre en 1870, comme le plus beau tableau du monde, avec Le Pèlerinage à l'île de Cythère de Watteau.

Une jeune dentellière, appartenant sans nul doute à la petite bourgeoisie de Delft, se penche sur son travail, maniant avec application fuseaux, épingles et fils sur sa table à ouvrage. Le thème de la dentellière, maintes fois traité dans la littérature et la peinture hollandaises, illustrait traditionnellement les vertus domestiques féminines. Le peintre aimait à observer les objets familiers qui l'entouraient et à les combiner dans ses compositions.

Un tableau d'où émane une profonde intimité

Le sentiment de profonde intimité qui émane du tableau provient à la fois de sa petite taille et du cadrage centré sur le personnage. Le génie du maître de Delft est de reproduire dans ses œuvres les déformations optiques naturelles propres à un œil humain qui observe, en créant plusieurs profondeurs de champ. Ainsi le centre de notre attention, l'ouvrage méticuleux de la dentellière, est-il représenté avec une grande acuité de détail, et particulièrement le fil blanc, si fin, tendu entre les doigts de la jeune femme. En revanche, lorsque l'on s'éloigne du point central de notre vision, les formes deviennent plus floues alors qu'elles sont paradoxalement au premier plan. Les fils blancs et rouges qui s'échappent du coussin à couture n'ont pas du tout la même précision, ce sont de véritables coulées de peinture, proches de l'abstraction, qui s'enchevêtrent. La tenture, peinte en petites touches "pointillistes" de couleurs pures, participe aussi de ce phénomène d'imprécision visuelle. Les couleurs harmonieuses de ce bijou pictural, si caractéristiques du peintre, fascinaient Van Gogh qui notait en 1888, dans une lettre à Émile Bernard, la beauté de cet "arrangement jaune citron, bleu pâle, gris perle".

La poésie du silence

Cependant, malgré cette sensation de proximité immédiate avec le modèle, nous ne pouvons réellement pénétrer l'univers de la dentellière. Les masses de la tenture, du coussin à couture et de la petite table nous séparent d'elle, et nous ne voyons pas son ouvrage, caché par sa main droite. Les œuvres de Vermeer possèdent cette "poésie du silence" qui fait que les personnages semblent évoluer dans un monde étranger au nôtre, dans une clarté caressante et douce qui s'accroche en petits grains de lumière sur les objets, dans un instant à la fois intime et impalpable.

http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/la-dentelliere

Le vase brisé

Le vase où meurt cette verveine
D'un coup d'éventail fut fêlé ;
Le coup dut effleurer à peine :
Aucun bruit ne l'a révélé.

Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé ;
Personne encore ne s'en doute ;
N'y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu'on aime,
Effleurant le coeur, le meurtrit ;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;

Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n'y touchez pas.

Sully Prudhomme

http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/armand-prudhomme-dit-sully-prudhomme

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