Niger : la junte utilise l'arme migratoire contre l'Europe

Une loi abrogée par la junte en place au Niger va-t-elle entraîner un surcroît d’immigration dans l'Union européenne ? Bruxelles s'inquiète.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le ministre des Affaires étrangères du Niger, Bakary Yaou Sangaré, en Iran, le 25 octobre 2023. (IRANIAN PRESIDENCY / MAXPPP)

En vigueur depuis 2015, une loi nigérienne faisait des passeurs, des criminels. Des passeurs et de toute personne qui aidait, d’une façon ou d’une autre, les migrants à traverser le pays. Le Niger, notamment sa frontière nord, près de la ville d’Agadez, est un point de passage obligatoire pour les demandeurs d’asile qui veulent se rendre en Europe depuis l’ouest de l’Afrique.

Le texte avait été rédigé et adopté dans le cadre d’un accord avec l’Union européenne pour endiguer - ou du moins ralentir - les flux migratoires.

Sauf que la junte n’en veut plus. Dans un simple communiqué lundi 27 novembre au soir, à la télévision, les militaires ont annoncé l’abrogation immédiate de ce texte. Non seulement le trafic de migrants n’est plus illégal, mais les quelques dizaines de personnes condamnées depuis 2015 sont désormais blanchies. Celles qui étaient en prison pourront sortir. Le texte prévoyait des peines "d’un à trente ans" et "des amendes de 4 500 à 45 000 euros".

Au nom de la souveraineté

Selon la junte, cette loi ne prenait pas en compte "les intérêts du Niger et de ses concitoyens". De fait, le trafic de migrants faisait vivre des milliers de personnes autour d’Agadez : passeurs, rabatteurs, transports et commerces ou encore les banques. La junte veut donner des gages à sa population et faire repartir l’économie locale. Le conseil régional d'Agadez a d'ailleurs immédiatement salué une "initiative très bénéfique" et sur place, les passeurs se félicitent de ne plus avoir à prendre des routes clandestines encore plus dangereuses.

Mais les militaires veulent surtout, au nom d’une souveraineté retrouvée, tordre le bras des Occidentaux. En toute logique avec la série de décisions prises depuis le coup d’État du général Tiani en juillet. Le Niger a déjà chassé les 1 500 militaires français et les représentants de l’ONU. On se souvient de l’ambassadeur de France retranché dans son ambassade avant d’être expulsé. Cette fois le Niger utilise l’arme migratoire. Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie explique se débarrasser d’une loi votée "sous l'influence de puissances étrangères".

L'Europe se dit "préoccupée"

L’Europe évidemment s’inquiète des conséquences. La commissaire aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, se dit "très préoccupée". L’abrogation de la loi va créer un appel d’air : cela signifie plus de morts dans la dangereuse traversée du désert, cela implique aussi plus de candidats à l’exil sur les côtes libyennes, le pays de l'autre côté de la frontière, au Nord, d’où partent les embarcations pour l’Europe.

Depuis janvier plus de 150 000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes, c’est déjà 50 000 de plus que sur toute l’année 2022.

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