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Joe Manchin vs Joe Biden : le sénateur qui bloque les réformes du président américain

Aux États-Unis, le président Joe Biden a bien du mal à tenir la barre et le Covid-19 n'est pas le seul responsable : ses grandes réformes sont au point mort. À cause d'un seul homme.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 93 min
Joe Manchin, sénateur démocrate de Virginie Occidentale, devant le Capitole à Washington (États-Unis). (AFP)

Joe Manchin, sénateur démocrate de Virginie-Occidentale, petit état rural des Appalaches. Jusqu'ici personne ne le connaissait. Cela changé depuis qu'à lui seul il a réussi à torpiller le projet le plus important de la présidence Biden, "Build Back Better" ("Reconstruire, en mieux"). 1 750 milliards de dollars de dépenses pour relancer le social et l'économie verte : faire baisser le coût de la garde d'enfants et des médicaments, soutenir l'accès au logement et l'achat de voitures électriques.

Le texte a été validé par la Chambre des représentants. Au Sénat tous les démocrates sont pour, sauf lui, le Joe des Appalaches, qui par conviction autant que par intérêt juge que ce n'est pas le moment de vider les caisses. Les États-Unis sont déjà trop endettés et l’inflation galope (7% quasiment sur les douze derniers mois, du jamais vu depuis 40 ans). Donc c'est non.

Un démocrate de la vieille école

Son refus suffit à tout bloquer parce qu'au Sénat les démocrates et les républicains ont chacun 50 sièges. Quand chaque camp serre les rangs une seule voix suffit pour tout faire basculer. Ce qui revient de fait à un droit de veto. Lors de votes précédents, Joe Biden a réussi à grappiller quelques voix côté républicain, cette fois impossible. L'opposition est remontée comme un coucou face à ce qu'elle définit comme un dangereux virage "socialiste".

Les démocrates ne peuvent vraiment pas le faire changer d'avis : il est têtu comme une mule, Joe Manchin. Il a beau être un vieil ami du président (il a 73 ans), ça fait des mois qu'il brandit la menace de son vote pour faire évoluer le projet. Il a déjà réussi à faire baisser l’enveloppe de moitié : au départ c'était 3 500 milliards de dollars.

Démocrate de la vieille école, mal à l’aise avec le glissement vers la gauche du parti, c'est un centriste jamais loin des thèses conservatrices : il soutient les armes à feu, critique l’IVG et est tout acquis aux lobbys du charbon qui ont financé ses campagnes. Il a d'ailleurs applaudi quand Trump a retiré les États-Unis de l’Accord de Paris.

Pour l'instant tout est à l'arrêt. Mais les démocrates, furieux, ne veulent surtout pas abandonner.

Leur chef de file au Sénat promet qu'un vote "aura lieu sur une version révisée"... "nous continuerons à voter jusqu'à ce que nous ayons quelque chose". S'il n'y a pas de texte législatif, certains demandent au président d'user de son pouvoir réglementaire.

Joe Biden dans une mauvaise passe

En tout cas c'est une très mauvaise passe pour la présidence Biden. Cette affaire montre à quelle point sa majorité est fragile et sa marge de manœuvre réduite ; c’est une nouvelle promesse non tenue après le renoncement à l’annulation de la dette étudiante, après des critiques sur sa politique migratoire pas si différente de celle de Donald Trump.

Un échec personnel pour celui qui depuis des années vante pourtant ses talents de négociateur et un signal très négatif pour son camp, moins d’un an avant les élections de mi-mandat.

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