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Japon : "le sushi-terro" ou comment une blague est devenue un scandale sanitaire

Dans les restaurants de sushis au Japon, on ne plaisante pas avec l'hygiène. Une simple farce s'est transformée en scandale sanitaire national.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Sushis japonais - photo d'illustration (MANCEAU SERGE / MAXPPP)

Cette histoire a pour décor les célèbres "kaitenzushi" (littéralement "sushi tournant"), où les plats défilent sur des tapis roulants. Vous les regardez passer et repasser, et quand un sashimi de daurade ou des tempuras de crevettes vous font de l'œil, vous attrapez l'assiette, et ce, autant de fois que vous voulez. Vous payez à la fin en fonction du nombre d'assiettes qui s'empilent sur votre table – en général ce type d'établissement est moins cher qu'un restaurant classique.

>> Au Japon, le "terrorisme du sushi" dégoûte les internautes et inquiète les restaurants

Des sushis à la salive

Début février, trois copains se filment dans un restaurant de Nagoya, dans le centre du pays. L'un d'entre eux attrape la bouteille de sauce soja, lèche le goulot et la repose discrètement. Puis il mouille abondamment son index avec de la salive et le promène l'air de rien sur des sushis innocents qui défilent devant lui sur le tapis jusqu'au client suivant, et ça les fait beaucoup rire. 


La vidéo évidemment finit sur les réseaux sociaux. Et là, succès immédiat ! Les internautes répondent au défi. On ne compte plus aujourd'hui les vidéos où des jeunes s'amusent à lécher tasses et assiettes, à vaporiser du gel hydroalcoolique voire à cracher sur les aliments des kaitenzushis. D'autres clients, eux, se sont amusés à mettre du wasabi sur tous les sushis présents sur les tapis. Et toutes les vidéos qui ont été tournées il y a plusieurs mois voire plusieurs années ont refait surface à la faveur de ces nouveaux incidents.

Impact économique, réaction des autorités 

Mais ça ne fait pas du tout rire les autorités. Ce phénomène a même été baptisé "sushi-terro" comme terrorisme (un un mot que les Japonais mettent un peu à toutes les sauces.) Les Japonais, en tous cas, ne plaisantent pas avec l'hygiène : ils ne se serrent pas la main et le port du masque était une pratique courante bien avant le Covid.

Les clients, choqués et littéralement dégoûtés, se sont donc mis à déserter les kaitenzushis et les chaînes, qui ont déjà du réduire leur masse salariale pour faire face à l'inflation des prix, ont vu rouge.
L'enseigne Sushiro a d'ailleurs porté plainte pour atteinte à sa réputation après la diffusion de la vidéo. Selon CNN Business, les actions du groupe propriétaire de la marque, Food & Life Companies Ltd, ont chuté de 4,8% début février. Or, le secteur dans son ensemble pèse lourd, avec un chiffre d'affaires plus de cinq milliards d'euros en 2021.

Ce mercredi 8 mars, la police a donc fait savoir qu'elle avait arrêté les trois malfrats de Nagoya, trois jeunes de 15, 19 et 21 ans. Au Japon, l’obstruction forcée à l’exercice d’une activité commerciale peut valoir de lourdes amendes et jusqu’à trois ans de prison ferme.

Les enseignes de sushis prennent des mesures drastiques 

Cela va peut-être dissuader les imitateurs, mais pour être sûr à 100% que ce genre de chose ne se reproduise pas et surtout retrouver la confiance des consommateurs, certains ont choisi la méthode radicale. L'enseigne Choshimaru, qui exploite 63 restaurants dans la région de Tokyo a récemment déclaré que ses kaitenzushi s'arrêteraient d'ici la fin avril, et que désormais, les plats seraient apportés par des serveurs, retour au service à la table à l'ancienne.

Sushiro de son côté a mis en place un système de commande par tablettes : les plats sont désormais livrés uniquement par une "voie express" aux clients pour empêcher d'éventuels indélicats de manipuler la nourriture des autres. 


L'enseigne Kura Sushis elle, a opté pour la vidéo-surveillance : tout le parcours du tapis roulant est truffé de caméras braquées sur les assiettes... À la moindre anomalie une alarme sonne en cuisine et les équipes peuvent déclencher un appel à la police. Des caméras sont aussi installées au-dessus des clients. Il paraît que c'est pour leur tranquillité d'esprit. La nouvelle technologie n'a pas de limite, les mauvaises blagues non plus...

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