Guerre entre Israël et le Hamas : qu'est-ce que "la doctrine Dahiya", l'usage disproportionné de la force théorisé par l'armée israélienne ?

Alors qu'une "pause humanitaire" se prépare à Gaza, le bilan humain et matériel est extrêmement lourd. Une riposte qui semble disproportionnée. Un concept théorisé par l'armée sous le nom de "doctrine Dahiya".
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Les Palestiniens recherchent des victimes dans les destructions consécutives aux bombardements israéliens sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, lors de leurs funérailles, le samedi 11 novembre 2023. (ISMAEL MOHAMAD / MAXPPP)

Mercredi 22 novembre, six semaines après le début de l'intervention israélienne dans la bande de Gaza, le bilan est lourd : 14 000 morts, selon les chiffres du Hamas. Mais aussi des déplacés : 1,6 million de personnes ont du fuir vers le sud et vivent aujourd'hui dans des conditions humanitaires catastrophiques. Ces réfugiés représentent les deux tiers de la population de la bande de Gaza.

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À cela il faut ajouter les destructions matérielles. Selon l'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme, l'armée israélienne a largué plus de 25 000 tonnes d'explosifs entre le 7 et le 31 octobre. Près d'un bâtiment sur deux est détruit. Deux géographes américains, Jamon Van Den Hoek (université de l'Oregon) et Corey Scher (CUNY Graduate Center in New York) qui ont déjà travaillé sur le sujet en Ukraine et en Syrie comparent Gaza "à Marioupol" ou "à Alep".

Affaiblir et dissuader les ennemis d'Israël

Ces destructions massives et ce lourd bilan humain pourraient relever de la "doctrine Dahiya" théorisée par l'armée israélienne : user de la force de façon disproportionnée pour affaiblir les ennemis d'Israël et les dissuader de lancer de futures attaques. Un concept sécuritaire dont les civils payent le prix fort.

Dahiya, c'est le nom d'une banlieue de Beyrouth au Liban, bastion du Hezbollah, massivement pilonnée par l'aviation israélienne en 2006 parce que le mouvement chiite avait pris en otage des soldats israéliens. Deux ans plus tard, voilà ce qu'en disait un général au journal Haaretz : "Ce qui est arrivé à Dahiya (...) arrivera à tous les villages qui servent de base à des tirs contre Israël. Nous ferons un usage disproportionné de la force. Ca n’est pas une suggestion mais un plan qui a été validé". Ce général, Gadi Eisenkot, deviendra chef d’État-major. Il est aujourd'hui l’un des cinq membres du très stratégique cabinet de guerre de Benyamin Netanyahu.

Une doctrine déjà mise en œuvre

Officiellement, Israël se défend d'appliquer cette méthode, pourtant déjà été mise en œuvre à Gaza fin 2008 - début 2009 lors de l'opartion "Plomb durci". La doctrine Dahiya, que certains chercheurs israéliens désignent aussi par l'expression "tondre la pelouse", permet de répondre à deux objectifs : d'abord, offrir à Israël une sorte de fenêtre de sécurité pour plusieurs années. En détruisant de façon massive les ponts, les routes ou des installations électriques, l'État hébreu oblige le Hamas à se consacrer à la reconstruction sur le long terme plutôt qu'à sa réorganisation. Ensuite, il s'agit d'encourager, de favoriser un retournement de l'opinion publique contre les groupes armés qui combattent Israël.

En résumé, la doctrine Dahiya est d'abord une doctrine de dissuasion. Il s'agit pour l’État hébreu d’envoyer un message à ses ennemis - notamment le Hezbollah : "réfléchissez avant de passer à l'action, ou les civils en paieront le prix". Un prix toujours plus élevé puisqu'Israël se prépare désormais à intervenir dans le sud de la bande de Gaza. 

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