Espagne : l'indépendantiste catalan en exil Carles Puigdemont risque gros pour reprendre son combat

Après presque sept ans d'exil en Belgique, le catalan Carles Puigdemont fait son retour sur la scène politique. Depuis les Pyrénées françaises, il a annoncé jeudi vouloir "parachever" le processus d'indépendance lancé en 2017, remettant en cause son immunité parlementaire.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Carles Puigdemont, leader séparatiste catalan en exil, député espagnol au Parlement européen et fondateur du parti Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), le 21 mars 2024, à Elne, Sud-Ouest de la France. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Pour l'instant, il n'est pas question pour le catalan Carles Puigdemont de remettre un pied en Espagne : il fait toujours l'objet d'un mandat d'arrêt pour "sédition", après sa tentative ratée de sécession en 2017.

Élu député européen en 2019, il bénéficie actuellement d'une immunité parlementaire qui lui permet de circuler partout ailleurs. C'est donc à Elne, en France, à moins de 30 kilomètres de la frontière qu'il a tenu une conférence aux airs de meeting, jeudi 21 mars au soir. Portant un costume-cravate, avec un drapeau catalan en arrière-plan, il a soigné la mise en scène au millimètre. S'il a changé de lunettes et raccourci sa frange, sa détermination est restée intacte.

Il a déclaré son intention de se présenter aux prochaines élections au Parlement catalan le 12 mai. L’actuel président catalan Pere Aragonès, son grand rival, chef de file du parti indépendantiste Gauche républicaine de Catalogne, a annoncé la semaine dernière la tenue d’élections anticipées au Parlement catalan le 12 mai, prenant tout le monde par surprise.

En exil depuis six ans en Belgique, Carles Puigdemont veut revenir, assurant n'avoir "renoncé à rien". "Je veux redevenir président de la Generalitat", dit-il, et "parachever le processus d'indépendance".

Immunité parlementaire et loi d'amnistie

Comme plusieurs fois depuis 2017, la campagne se fera à nouveau à distance. En 2019, il a difficilement pu siéger au Parlement de Bruxelles après son élection européenne. Après une interdiction temporaire dictée par l'Espagne, Bruxelles lui a finalement accordé l'entrée dans l'hémicycle, au nom de l'immunité parlementaire.

Mais Carles Puigdemont espère désormais bénéficier de la loi d'amnistie votée en Espagne la semaine dernière, qui devrait être définitivement adoptée avant l'été. Cette loi efface le fameux délit de "sédition", dont sont accusés quelque 400 séparatistes catalans. Elle doit donc lui permettre d'échapper à un procès et de rentrer - à temps il l'espère - pour prendre ses fonctions, s'il est élu.

Cette amnistie très controversée était pourtant rejetée par le Premier ministre Pedro Sánchez jusqu'à l'été dernier. Celui-ci ne voulait pas en entendre parler, jusqu'à ce qu'il ait besoin du soutien politique des indépendantistes pour se maintenir au pouvoir. C'est lui, à son corps défendant, par une ironie de l'histoire, qui remet en selle le turbulent Puigdemont. 

Un pari risqué

Reste que Carles Puidgemont n'a aucune certitude sur les garanties dont il pourrait bénéficier en cas de retour. Depuis février 2024, il est en plus poursuivi pour "terrorisme" par le Tribunal suprême, la plus haute instance judiciaire espagnole, qui vient d'ouvrir une enquête.

Sept ans après, Carles Puigdemont est-il vraiment attendu ? Depuis 2017, il a perdu une partie de son aura, et les Catalans une partie de leurs illusions. En 2021, son parti Junts était arrivé en troisième position, derrière d'autres indépendantistes, qui se présenteront une nouvelle fois en ordre dispersé cette année.

Sa victoire est donc loin d'être assurée. C'est un pari risqué, d'autant que pour se lancer en Catalogne il renonce à son mandat de député européen, et donc à cette immunité juridique qui le protégeait en Europe en dehors de l'Espagne.

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