Alain Chamfort : "il y a d'autres manières de continuer à exercer ce métier"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 22 mars 2024 : L’auteur, compositeur et interprète, Alain Chamfort. Aujourd'hui, il nous propose son 15ᵉ et ultime album "L'impermanence". Il sera aussi en concert les 25 et 26 mars au Théâtre de l’Œuvre à Paris.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 21 min
L'artiste Alain Chamfort. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Alain Chamfort est l'un des artistes auteurs, compositeurs et interprètes les plus emblématiques de la chanson française. Dès ses premières notes de piano, il rêvait à cet instrument, à ce qu'il pouvait en faire et à comment il pouvait le faire chanter. Le public a rapidement répondu présent avec des titres devenus des standards et des tubes comme Manureva (1979), Bambou (1981), La fièvre dans le sang (1986) ou encore Clara veut la lune (1993).

Son nouvel album, le 15ᵉ et ultime, L'impermanence, sort vendredi 22 mars. Alain Chamfort sera en concert à Paris pour quelques dates.

franceinfo : L'impermanence, ce sont 11 titres totalement incarnés, c'est une mise à nu de vos sentiments, de vos émotions. C'est quoi l'impermanence alors ?

Alain Chamfort : L'impermanence, c'est un concept qui peut nous aider quand on a besoin de faire appel à lui. C'est un peu philosophique.

"L’impermanence est une approche de la vie en considérant que rien n'est figé, rien n'est stable, tout est en évolution, en mouvement et dans n'importe quel domaine."

Alain Chamfort

à franceinfo

Ça crée l'inspiration. Vous êtes presque tout nu sur cet album, vous vous êtes totalement livré. Qu'est-ce qui a fait que vous ayez eu envie de lâcher prise ?

Avec l'âge, tout simplement et ce qui s'est passé précédemment. La condition humaine à un moment donné vous met face à vous. Vous arrivez à une étape où vous avez besoin d'être le plus proche possible de votre identité, de votre nature, de votre personnalité. On fait un long cheminement avant de se trouver de toute manière. Après, je ne suis pas sûr de m'être encore complètement trouvé, mais je trouvais que c'était le moment.

Je voulais aussi l'associer à l'idée que c'était mon dernier album, pas mes derniers enregistrements, mes dernières chansons, parce qu'il y a d'autres manières de continuer à exercer ce métier. Mais l'album, cette espèce d'objet sur lequel on a gravé toujours une dizaine de chansons et qui me paraît aujourd'hui un peu décalé par rapport à la manière dont les gens écoutent la musique. Voilà, je me suis dit que j'allais profiter de cette évolution de la technologie pour considérer que c'est mon dernier album, le penser ainsi et de l'amener à quelque chose qui a à voir aussi avec ma propre vie. C’est un album qui clôt quelque chose.

Dans la chanson À l'aune, vous dites : "Dur d'être après ce que nous fûmes, nous ne fîmes que ce que nous pûmes", effectivement cette chanson parle de la mort et je voudrais connaître le tête à tête que vous avez avec elle.

À l'aune, c'est la question existentielle qui nous traverse tous à un moment donné.

C'est comme si vous étiez en tête à tête avec la mort.

Oui, avec sa conscience. On est seul avec nous-même. On aurait pu faire mieux. Est-ce qu'on a été juste ? Est-ce qu'on a été honnête, intègre ? Tout ça. Ce sont des questions qui sont de plus en plus fréquentes avec le temps qui passe et qui donne de belles insomnies. C'est un petit peu ce qu'on essaye d'évoquer dans cette chanson.

Ça fait six décennies que vous nous accompagnez. 60 ans. De quoi êtes-vous le plus fier dans ce parcours ?

Je dirais peut-être du répertoire que j'ai réussi à construire et c'est agréable d'arriver à un certain moment de sa carrière, de pouvoir tout assumer, de se dire : "Je n'ai rien à cacher, j'ai eu la liberté de faire ce qui me plaisait", ça c'est vraiment agréable de ressentir cela.

Vous restez très positif. Tout s'arrange à la fin est devenue un adage, vous chantez aussi la vanité en slamant, il y a un petit côté MC Solaar. J'ai l'impression que vous vous êtes aussi challengé à travers cet album.

Oui, bien sûr ! Ce n'est pas naturel, il faut trouver le flow en étant quand même... Moi, je suis musicien, donc j'ai le sens du rythme, mais il faut que le ton soit juste aussi par rapport à ce que vous dites.

"’Tout s'arrange à la fin’ était une expérience amusante. Je slame. J'avais envie de tester ça."

Alain Chamfort

à franceinfo

Il y a aussi du doute. Vous doutez encore aujourd'hui ?

Oui, tout le temps. Heureusement ! De ce que je suis, de mes capacités réelles, là, j'ai l'impression que j'ai un peu usurpé les choses. C'est assez bizarre, mais ça, c'est une nature, c'est un combat tout le temps. Moi, au départ, j'étais extrêmement timide. Cette espèce de confiance de façade qui est celle que les autres vous renvoient parce qu'effectivement quand je viens faire une émission, vous me dites toutes ces jolies choses, ça me fait plaisir, donc ça me rassure un peu sur mon état, mais en même temps, fondamentalement, ça ne change pas grand-chose.

Dans Dans mes yeux, vous parlez de l'avenir. Qu'est-ce qui vous tient à cœur aujourd'hui ?

Je développe une certaine forme de contemplation. J'ai trouvé un espace à la campagne et au bord de la mer où il y a un jardin pour être au milieu de la nature et d'avoir ces odeurs, ce ressenti du vent. Il y a quelque chose que je n'avais pas pris le temps d'accueillir et d'apprécier. Je découvre ça avec beaucoup d'ouverture. Je suis prêt à apprécier ces moments-là.

Que représente pour vous La grâce, une chanson qui est hors du temps, qui permet justement d'être en contemplation, de profiter de l'instant. Présent.

C'est comme la chanson sur le doute, c'est ce questionnement : Est-ce qu'on est légitime ? Est-ce qu'il faut continuer ? Est-ce qu'on apporte suffisamment aux gens ? C'est un petit peu l'idée de cette chanson.

Alain Chamfort sera en concert au Théâtre de l'œuvre les 25 et 26 mars prochain et deux autres concerts sont prévus à Paris le 6 juin et le 2 décembre.

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