Le décryptage éco. Maroc : la sonnette d'alarme
Au Maroc, la révolte gronde, après la mort tragique d’un vendeur de poisson. Il y a eu ces derniers jours des manifestations importantes dans plusieurs villes du pays réclamant plus de justice sociale. Y-a-t-il un risque de voir le pays s’enflammer ?
La situation sociale au Maroc est aujourd’hui préoccupante. Le pays est en proie à de nombreuses tensions et le régime est d’autant plus vigilent que le Maroc doit accueillir dans cinq jours la Cop22 , la grande conférence internationale sur les changements climatiques. Le drame de vendredi et la mort abominable de ce vendeur de poisson happé par une benne à ordures ne sont pas sans rappeler bien sûr les circonstances qui avaient déclenché la révolution tunisienne, quand un jeune vendeur ambulant s’était immolé par le feu après des policiers aient saisi sa marchandise à l’automne 2010. Mais le rapprochement s’arrête là, Non le Maroc n’est pas la Tunisie. Pour au moins deux raisons : la première c’est que le Maroc est l’un des plus vieux pays au monde, sa monarchie y est enracinée, elle jouit toujours d’une autorité et d’une légitimité incontestable, la voix et la popularité du souverain Mohammed VI demeurent extrêmement fortes. Le deuxième raison, c’est qu’au Maroc le jeu et le système politiques se sont ouverts à la suite des "Printemps arabes", la constitution a été changée, des élections ont eu lieu et c’est aujourd’hui un parti islamiste modéré, le Parti de la justice et du développement qui gouverne et qui vient même d’ailleurs de remporter largement les élections législatives en septembre dernier. S'il y a bien une contestation sociale au Maroc, il n'y a pas, aujourd'hui du moins, de forces, ni de revendications anti-système.
La situation sociale au Maroc est particulièrement tendue ?
D’abord pour des raisons conjoncturelles. Si la croissance a été forte, plus de 4,5% en 2015, en raison de récoltes records, elle s’et effondrée cette année en raison d’une forte sécheresse. Mais là n’est pas le plus préoccupant. Le Maroc souffre de fragilités structurelles qui le mettent au moins à moyen terme en grand danger. Et je vais n’en citer que deux.
La première, c’est l’état catastrophique du système éducatif, qui engloutit un quart des recettes de ce pays de 34 millions d’habitants, mais qui n’emmène chaque année jusqu’au bac que moins de 10% d’une classe d’âge. Au point que l’analphabétisme atteint 40% au Maroc. C’et considérable dans un pays si jeune, où 70% de la population a moins de 30 ans.
Et la deuxième fragilité, concerne la situation des femmes
Oui, et c’est une réalité dont on ne parle pas assez. Savez-vous que dans les villes marocaines, le taux d’activité des femmes est passé sous la barre des 18%. Il y a moins de 18% des femmes qui travaillent ou recherchent un emploi. Et ce chiffre ne cesse de reculer depuis une vingtaine d’année. Les spécialistes disent qu’il y a un phénomène de redomestication des femmes pour des raisons autant économiques, sociales, culturelles, religieuses. Les seuls endroits au monde où l’on voit cette éviction des femmes du marché du travail, c’est dans certains pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Or toute l’histoire économique des pays émergents le montre, il n’y a de décollage économique, de prospérité solide, ni de vraie stabilité que lorsque les femmes investissent le marché du travail. Sinon, c’est le déclin. Et même si la réalité marocaine est duale bien sur, même s’il y a aussi un Maroc moderne, cette situation des femmes, si elle ne change pas, condamne le pays au déclin et à l’appauvrissement. C’est un enjeu économique mais plus encore politique de premier plan qui devraient aujourd’hui mobiliser toutes les élites marocaines.
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