Travail : la question de la productivité en Espagne, en Irlande et en Chine
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde.
À quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, le club des correspondants s’intéresse à des problématiques de la campagne dans d'autres pays du globe. Direction l'Espagne, l'Irlande et la Chine pour voir comment la productivité et le temps de travail évoluent dans ce pays.
En Espagne, la semaine de quatre jours avance lentement
L’idée de la semaine de travail de 4 jours, sans réduction de salaire, avance à petits pas en Espagne. Lancée par le parti Más País, fondé par des anciens de Podemos, elle a été reprise par le gouvernement de Pedro Sánchez. Un projet-pilote doit être lancé à grande échelle dans les prochains mois. L’Espagne va consacrer 50 millions d’euros pour expérimenter pendant trois ans la semaine de quatre jours, qui sera implantée dans près de 160 entreprises volontaires.
Mais à Jaén, en plein coeur de l’Andalousie, la mesure est déjà une réalité pour l’entreprise Delsol. Spécialisée dans le développement de logiciels pour entreprises, elle a été la première en Espagne à l’instaurer, en janvier 2020. Les 181 salariés profitent ainsi de leur semaine raccourcie, sans réduction de salaire. Un pari gagnant selon l'entreprise. “Cela a été bénéfique aussi bien pour les salariés que pour l’entreprise, déclare Ana Arroyo, directrice des ressources humaines. Le travailleur a gagné en équilibre émotionnel. Or, un salarié heureux est beaucoup plus productif et, par conséquent, il va faire gagner plus d’argent à l’entreprise."
"Le taux d’absentéisme a chuté de près de 20% et le chiffre d’affaires a également augmenté de 20%."
Ana Arroyo, DRH de Delsolà franceinfo
Mais la mesure ne plait pas à tout le monde en Espagne. L’opposition, le patronat et de nombreux économistes considèrent cette initiative utopique. Ils ne comprennent pas comment elle pourrait fonctionner, alors que l'économie espagnole souffre déjà d’un grave problème de productivité et qu’elle est faite essentiellement de petites entreprises, orientées vers des secteurs traditionnels à faible technologie. Selon une étude réalisée l’année dernière par le groupe Adecco, pour 74% des entreprises espagnoles, la semaine de quatre jours est non viable et impossible à mettre en place à court terme.
En Irlande, une forte productivité grâce aux entreprises étrangères
Le pays est le plus productif du monde, selon le classement de l’OCDE en 2019 et ce n’est pas la première fois. En 30 ans, l'Irlande a plus que doublé sa productivité au travail. Le pays n’a pas vraiment de recette secrète. Il y a en fait énormément de multinationales dans le pays et ce sont des entreprises qui génèrent le plus de productivité en général. Des entreprises comme Google, HP, Apple ou Facebook emploient des dizaines de milliers de personnes sur l’île. On sait aussi que plus le poste est qualifié, plus le taux de productivité augmente.
Des rapports ont montré que ce taux avait augmenté de manière significative en 2015. Cette année coïncide avec une arrivée massive de multinationales attirées par le taux d’imposition très bas, et c’est aussi une année avec un bond sans précédent du PIB intérieur. Voilà pourquoi cette productivité des salariés est un indicateur très efficace pour mesurer l’économie d’un pays. Pour vous donner une idée, les salariés contribuent en moyenne à 90 euros par heure à l’économie contre 63 euros pour la France. C’est le double de la moyenne des pays de l’OCDE.
En revanche, et c’est un peu le paradoxe, cette excellente productivité des salariés en Irlande ne concerne pas vraiment les entreprises locales. Il y a un écart immense entre la productivité des salariés des multinationales et ceux des entreprises irlandaises. Celle des sociétés étrangères a augmenté de 11% ces dernières années tandis que la productivité dans les entreprises locales stagne à 2,5% et reflète un peu plus la performance du reste de l’Europe.
En Chine, un rythme de travail rejeté par les jeunes
Dans un pays où le travail est en permanence mis en valeur, avec un système de compétition qui pousse les Chinois à travailler toujours plus, et bien les mentalités évoluent. Depuis quelques années, un nouvelle expression est apparue dans le vocabulaire : “tang ping”, littéralement "rester allongé". Cette expression désigne tous ces jeunes chinois refusant le stress et la pression professionnelle et décident de renoncer aux plans de carrière prestigieux pour travailler le minimum et profiter de leur temps libre. Une nouvelle philosophie qui est plutôt mal perçue par la société et par le régime communiste chinois, il n’y a donc pas de traduction de cette évolution dans les textes de loi.
L’objectif de tous ces jeunes est d’échapper à un rythme de travail qui est souvent très lourd et qui n’a rien à voir avec les standards européens. En Chine, on travaille souvent sans compter. Le code du travail a fixé des règles précises, huit heures de travail par jour, 40 heures par semaine, mais beaucoup de Chinois travaillent souvent davantage : plus de neuf heures par jour, 45 heures par semaine.
Les heures supplémentaires, bien vues dans les entreprises, ne sont souvent pas payées. Le repos hebdomadaire est limité parfois à une journée et en ce qui concerne les vacances, il est impossible de prendre plusieurs semaines l’été. Le cadre légal prévoit onze jours de congés, pendant les fêtes officielles comme le Nouvel an. Une dizaine de jours supplémentaires sont accordés dans certaines entreprises.
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