La puissance des énergies vertes chinoise met à mal l'industrie solaire allemande

En Chine, les énergies vertes sont en plein essor. Leurs éoliennes, voitures électriques et panneaux solaires dominent le marché mondial, ce qui inquiète profondément l'industrie allemande alors que le chancelier Olaf Scholz prépare son deuxième voyage officiel en Chine.
Article rédigé par Sébastien Berriot, David Philippot
Radio France
Publié Mis à jour
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La plus grande éolienne off-shore du monde à Fujian en Chine. (LIN SHANCHUAN / XINHUA)

L'industrie chinoise des énergies vertes exerce une domination qui est désormais mondiale. En Allemagne, un rapport (lien en anglais) de l'Institut pour l'économie mondiale de Kiel sur les subventions chinoises dans l'économie verte fait beaucoup de bruit. Les investissements de Pékin dans les panneaux solaires auraient tué la concurrence mondiale et notamment allemande.

La démesure chinoise

Pour trouver un symbole de la domination chinoise, il suffit de se rendre en mer, au large de la province du Fujian, dans le détroit de Taïwan, pour aller voir la plus grande éolienne du monde, qui a été mise en service en 2023, avec une capacité de 16 mégawatts. La Chine est désormais le leader mondial de l'éolien off-shore et la situation est identique pour les éoliennes terrestres. Dans le classement mondial 2023 des fabricants d'éoliennes, quatre des cinq premières entreprises sont chinoises. Toujours en 2023, le pays a installé plus de panneaux solaires dans le monde que les États-Unis dans toute leur histoire.

Pour faire la course en tête, la Chine s'est d'abord appuyée sur son territoire immense qui donne aux industriels des possibilités presque à l'infini. Dans les grands déserts du nord de la Chine, le paysage est désormais composé de panneaux solaires à perte de vue.

Tout cela est évidemment encouragé par une politique particulièrement incitative de la part des autorités chinoises, qui ont encouragé et soutenu le développement des énergies vertes. Ce qui fait qu'aujourd'hui, la Chine inonde non seulement son propre marché, mais aussi le marché mondial, avec ses éoliennes ou encore ses panneaux solaires, vendus à des prix particulièrement attractifs.

Européens et Américains reprochent à la Chine d'avoir beaucoup trop subventionné ce secteur, au point de fausser les règles du marché. Pékin ne nie pas avoir subventionné cette industrie, mais comme le font aussi d'autres pays. L'Australie a par exemple annoncé le 11 avril, un vaste plan avec des fonds publics pour soutenir les énergies vertes.

Dans le cas de la Chine, ce que disent notamment les Européens, c'est que les subventions ont été massives, avec des facilités pour construire les usines et un soutien notamment de la part des provinces et des municipalités chinoises. La Chine ne dément pas, mais dénonce les tendances protectionnistes de l'Union européenne et met en avant sa priorité absolue, continuer à développer les énergies vertes, pour lutter contre le changement climatique.

Un rapport sur les subventions chinoises fait polémique en Allemagne

Alors qu'Olaf Scholz prépare un séjour de quatre jours en Chine, à partir du 13 avril, ce rapport de l'Institut pour l'économie mondiale de Kiel montre la dépendance de l'Allemagne envers la Chine. Le chancelier allemand avait pourtant vivement encouragé, il y a deux ans les entreprises allemandes à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier chinois.

Cette stratégie est un échec, puisque la dépendance de l'Allemagne envers la Chine n'a pas baissé, elle s'est même accrue, en particulier dans les technologies vertes. La Chine s'est, en effet, lancée dans la transformation écologique de son industrie lourde et ce sera l'un des points de tension lors des discussions prévues entre Xi Jinping et Olaf Scholz. Les deux tiers des entreprises allemandes installées en Chine se plaignent d'une concurrence déloyale, à cause des subventions allouées par la Chine à ses propres entreprises. Selon les estimations, elles seraient de trois à neuf fois supérieures à celles pratiquées en Europe.

Cette politique de préférence nationale a des effets dévastateurs jusqu'en Allemagne, dans l'industrie du solaire, dont les derniers vestiges sont en train de disparaître. L'entreprise Meyer Burger, et ses 500 salariés, une firme implantée en Saxe, vient de mettre la clé sous la porte, victime de la concurrence chinoise qui produit à perte afin d'inonder le marché mondial. Son patron a eu beau dénoncer, dans les médias, le manque de soutien du gouvernement allemand et le risque de dépendance à 100% du solaire chinois, rien n'y a fait. La deuxième économie mondiale mise sur la croissance verte et vise une domination sans partage dans les panneaux solaires, dont elle produit 80% du composant de base, le silicium.

L'Europe n'est pas complètement désarmée, puisque les auteurs du rapport de l'Institut de Kiel préconisent d'engager des négociations avec Pékin après le lancement par Bruxelles, d'une enquête anti-subventions sur les voitures électriques chinoises. Il s'agirait de persuader la Chine de retirer les subventions les plus préjudiciables à l'UE et compte tenu des difficultés économiques de Pékin, de sa dépendance au marché européen et des tensions avec les États-Unis. Une fenêtre d'opportunité existe et le voyage du chancelier pourrait permettre de l'ouvrir.

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