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Journée mondiale du droit à l’avortement : l'accès à l'IVG à Madagascar, en Inde et en Pologne

Dans le club des correspondants, franceinfo s'intéresse à l'actualité vue depuis l'étranger. Aujourd'hui direction  Madagascar, l'Inde et la Pologne pour voir comment l'accès à l’IVG reste très inégal dans le monde.

Article rédigé par franceinfo - Sarah Tétaud, Martin Chabal et Sébastien Farcis
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Lors d'une manifestation contre un durcissement de la loi sur l'avortement en Pologne, à Varsovie, le 3 avril 2016. Photo d'illustration. (JANEK SKARZYNSKI / AFP)

La journée mondiale du droit à l’avortement sécurisé a lieu mercredi 28 septembre. Pour la co-présidente du Planning familial, "le parcours pour avorter" reste "encore un parcours de combattante" en France. Dans le monde, cet accès à l'Interruption volontaire de grossesse est très inégal. Direction Madagascar, la Pologne et l'Inde.

À Madagascar, l'avortement continue d’être considéré comme un crime

Sur la planète, une vingtaine de pays interdisent encore strictement l’interruption volontaire de grossesse, même dans les cas les plus extrêmes de viol, d'inceste ou de mise en danger de la vie de la mère.C'est le cas à Madagascar, un héritage du code napoléonien de 1810. À Antananarivo, une députée et des associations se battent depuis 2017 pour dépénaliser ne serait-ce que l’interruption thérapeutique de grossesse. Mais cinq ans plus tard et après quatre revers à l'Assemblée nationale, la situation n’a pas changé : les Églises chrétiennes, très puissantes au sein de la société et surtout très influentes auprès des décideurs politiques, semblent empêcher toute discussion au sujet d’un assouplissement de la loi.

Pour les défenseurs de l’avortement thérapeutique, cette situation est totalement hypocrite. Hypocrite, parce qu’en réalité, l’avortement clandestin est beaucoup pratiqué. Dans le meilleur des cas, dans des cliniques, des hôpitaux et de manière quotidienne d’ailleurs,  racontaient à franceinfo les médecins que j’ai rencontrés. Tandis que les femmes les plus pauvres, elles, ont recourt aux services des faiseuses d’anges, avec tous les risques que cela comporte.

Sur l’île, quiconque pratique ce geste médical encourt une peine de prison. Les femmes qui se font avorter aussi, quelle qu’en soit la raison, tombent sous le coup de la loi. C’est le cas de Tsila, qui a dû interrompre sa toute première grossesse à quatre mois et demie. "Le gynécologue a vu qu’il y avait un problème avec le fœtus, explique-t-elle. C’était une polymalformation. Ça voulait dire que le bébé n’aurait pas survécu longtemps après sa naissance. Et aussi, que si on persistait à vouloir le garder, je pouvais mourir. Aujourd’hui, du fait d’avoir eu recours à l’ITG, je risque la prison, dix ans d’emprisonnement…" Dans les faits, ces peines sont peu appliquées. Néanmoins, elles instaurent un climat de peur et poussent les femmes à prendre des risques pour avorter. On estime que trois femmes meurent chaque jour sur l’ile des suites d’un "avortement spontané ou provoqué".

En Inde, des conditions d'avortement souvent mauvaises

L’inde fait figure de meilleure élève dans le domaine - le pays de 1,3 milliard d’habitants, qui comptera dans quelques années la population la plus nombreuse du monde, autorise l’avortement depuis plus de 50 ans. La tendance est à la facilitation de cette interruption de grossesse: les indiennes peuvent avorter pendant les 12 premières semaines, voire à 20 semaines dans des cas particulier, après l’avis de deux médecins. En 2021, une nouvelle loi a en plus étendu ce délai de quatre semaines supplémentaires, pour le porter donc à près de six mois de grossesse, pour les cas exceptionnels de viol ou de malformation congénitale.

Mais les conditions de ces avortements sont souvent mauvaises. Selon le fonds des Nations unies pour la population, les deux tiers des avortements en Inde se font de manière malsaine et donc dangereuse, ce qui est 50% plus élevé que la moyenne mondiale. Ces IVG sont mal encadrés, menés dans des petits hôpitaux sans hygiène, ou pratiqués de manière clandestine pour les cacher à la famille. Huit indiennes meurent ainsi chaque jour des suites de ces avortements, ce qui représente la 3e cause de mortalité maternelle dans le pays. En plus du manque d’hygiène, ces décès s’expliquent par le manque criant d’éducation sexuelle, par le tabou et donc le silence autour de ces questions de reproduction - ce manque d’information pousse les jeunes femmes à avoir des relations sexuelles non protégées, et donc des grossesses non désirées. Elles ne savent donc pas gérer avec soin et de manière encadrée ces situations très compliquées.

En Pologne, l'avortement est presque devenu illégal

Le droit à l’avortement est régulièrement attaqué par le parti, national-conservateur au pouvoir en Pologne. Il existe, mais il est réduit au strict minimum. On peut même dire qu’il est quasiment interdit dans le pays. Il y a deux ans, la Cour constitutionnelle, sous contrôle du gouvernement, a limité les cas dans lesquels les femmes pouvaient recourir à l’IVG. Il n’est maintenant plus possible d’avorter en cas de malformation du fœtus. Sauf que ces avortements représentaient 98% des 1 100 IVG pratiquées légalement en 2019. L’avortement est donc, de fait, presque devenu illégal. Aujourd’hui, les Polonaises ne peuvent interrompre leur grossesse qu’en cas de viol ou d’inceste ou bien s’il y a un danger pour la vie ou la santé de la femme enceinte.

Cette condition n’est pas toujours respectée en Pologne. Certaines en sont même victimes. Izabela avait 30 ans, Agniezka 37 ans, elles sont mortes à cause de complications dans leur grossesse et les médecins n’ont rien voulu faire. S’ils pratiquaient un avortement et que le tribunal décidait qu’il n’y avait aucun danger pour la mère, alors les médecins encouraient jusqu’à trois ans de prison. Dans le cas de la mort d’Izabela trois des médecins qui s’occupaient d’elle, ont été accusés d’homicide involontaire au début du mois, car ils n’auraient pas porté secours à une femme en danger. Eux affirment qu’ils ont simplement respecté la loi.
Les Polonais ont beau manifester, cela ne change rien. Lorsque les droits reproductifs ont été restreints en 2020, 400 000 personnes sont descendues dans la rue pendant des mois. C'étaient les plus grandes manifestations depuis l’époque soviétique. Mais ça n’aura pas suffi à faire changer les décisions du gouvernement.

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