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Droit à l'avortement : des avancées significatives au Mexique et une possible inscription dans la Constitution au Chili

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction le Chili et le Mexique où, contrairement aux États-Unis, la législation concernant l'interruption volontaire de grossesse progresse.

Article rédigé par franceinfo - Naïla Derroisné, Emmanuelle Steels
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Des manifestantes brandissent une pancarte en faveur de l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution, à Santiago du Chili, le 28 septembre 2021. (PABLO VERA / AFP)

Alors que le débat se poursuit en France au sujet de la proposition de loi de la majorité présidentielle d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution - annonce faite quelques heures après la révocation de ce droit constitutionnel par la Cour suprême aux États-Unis - le club des correspondants se tourne, jeudi 30 juin, vers l'Amérique latine où la législation en faveur de l'IVG progresse. C'est notamment le cas du Mexique et du Chili.

Un virage radical au Mexique

Au Mexique, la légalisation de l’IVG s’étend progressivement depuis que la Cour suprême a décidé de faire prévaloir le droit des femmes à disposer de leur corps. Les féministes mexicaines évoquent une "marée verte". En septembre dernier les dix juges de la Cour, à l’unanimité, ont déclaré inconstitutionnelle toute sanction pénale à l’encontre des femmes ayant avorté durant les 12 premières semaines de grossesse. Ils ont aussi interdit aux législateurs de protéger la vie depuis le moment de la conception et ont limité l’objection de conscience en obligeant les services de santé à rendre l’avortement accessible aux femmes qui le souhaitent.

Ces décisions ont provoqué des réactions en chaîne au niveau législatif : les lois restrictives sont désactivées, elles n’ont plus d’effet, et dans la foulée cinq États ont légalisé l’avortement, portant à neuf le nombre d’États où cette pratique est libre, sur les trente que compte le Mexique. Et les autres régions du pays préparent leurs réformes en ce sens.

C’est un virage radical après des années de répression sévère de l’avortement au Mexique. Mais la législation sur l'IVG dépendant des États, il y avait des politiques très contrastées à travers le pays. Dans la capitale, l’avortement est libre et gratuit depuis 2007. Beaucoup de femmes menacées d'emprisonnement dans leur région se rendaient à Mexico pour interrompre leur grossesse. Jusqu’à l’année dernière, il y avait encore 200 Mexicaines derrière les barreaux pour avoir avorté. Certaines purgeaient des peines allant jusqu’à trente ans de prison, leur interruption volontaire de grossesse ayant été considérée comme un infanticide.

Phénomène curieux, si auparavant les femmes mexicaines se rendaient aux États-Unis pour une IVG, aujourd’hui, ce sont les organisations pro-avortement au Mexique qui envoient de l’aide aux femmes américaines qui vivent sous le joug de lois anti-avortement. L’usage de la pilule abortive est de plus en plus répandu au Mexique parce qu’elle est en vente libre et peu coûteuse, alors qu’aux États-Unis ce médicament est plus difficile à se procurer. Les militantes mexicaines envoient ces pilules par la poste aux femmes américaines qui en font la demande, notamment via l'association Women on Web.

Au Chili, le droit à l'IVG au cœur d'un référendum

Au Chili, le droit à l’avortement est inscrit dans la nouvelle Constitution qui sera soumise à un référendum le 4 septembre 2022. Les Chiliens devront dire s’ils acceptent, ou non, le nouveau texte constitutionnel. En attendant, le droit à l’IVG existe au Chili mais dans des conditions très restreintes. L’avortement n’est possible que dans trois cas : si la vie de la femme est en danger, s’il y a eu viol ou malformation du fœtus. Des situations souvent difficiles à démontrer. Et dans ce pays encore très conservateur, ou l’église catholique est forte, plusieurs médecins refusent de pratiquer des IVG invoquant l’objection de conscience. Il y aurait environ un millier d’avortements légaux par an et les associations estiment que 70 000 IVG ont lieu clandestinement chaque année. 

Mais avec la nouvelle Constitution, les choses pourraient changer. Grâce notamment au travail des mouvements féministes, très puissants au Chili, l’article 16 a été inscrit dans la nouvelle Constitution. Et il dit que "l’État assure à toutes les femmes et personnes capables de porter un enfant, l’accès à l’interruption volontaire de grossesse." Le texte précise également que ce sera à l’État d’établir des lois pour réguler l’avortement. Le chemin est donc encore long avant que l’IVG ne soit pleinement légalisée dans le pays.

D’autant plus que la nouvelle Constitution n’a pas encore été approuvée. Un dernier référendum est prévu le 4 septembre prochain. Les Chiliens devront voter "pour" ou "contre" le nouveau texte fondamental. Et selon plusieurs sondages réalisés ces dernières semaines, le "non" à la nouvelle Constitution pourrait l’emporter. Les secteurs conservateurs et la droite chilienne ont lancé la campagne "Rechazo" pour le rejet du nouveau texte constitutionnel. Beaucoup de fausses informations circulent, notamment à propos de l’avortement. Un sénateur de droite, par exemple, affirmait il y a quelques jours, sur une radio locale, que la nouvelle Constitution autoriserait l’IVG jusqu’à neuf mois, ce qui est faux bien sûr. 

Dans le cas où la nouvelle Constitution serait approuvée, l’avortement deviendrait un droit fondamental qui ne serait plus soumis aux changements de gouvernements ou de majorités parlementaires. Et le Chili deviendrait alors le premier pays au monde à constitutionnaliser ce droit.

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