Témoignages
"Ils m'ont tapé sur la tête, j'ai perdu connaissance" : ces victimes en "état de stress post-traumatique" plusieurs années après un home-jacking

Ces cambriolages en présence des victimes sont souvent médiatisés lorsqu'ils visent des célébrités. Ils sont souvent très violents et traumatisants.
Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le home-jacking, cambriolage en présence des victimes (photo d'illustration). (YOLANDE MIGNOT / MAXPPP)

La chanteuse Vitaa, des joueurs de foot connus, des influenceurs ou encore l’animateur Bruno Guillon : les célébrités sont nombreuses à être victimes de "home-jacking" ces dernières semaines. Ces cambriolages, commis en présence des familles, sont souvent très violents et traumatisants. Mais ces célébrités ne sont pas les seules à être visées, des anonymes sont régulièrement violentés et cambriolés chez eux.

Françoise a 76 ans et habite seule une maison cossue à côté d'Amiens, dans la Somme. En février 2020, deux hommes s'en prennent à elle, à son domicile. Une expérience d'autant plus choquante que la veille, cette femme vient de perdre son mari. Au milieu de la nuit, des bruits la réveillent. Elle comprend que des cambrioleurs viennent de pénétrer chez elle : "Les cambrioleurs ont fini par arriver dans ma chambre, me dire 'Police, police' et me mettre en joue. Après c'est l'argent, les bijoux... On me demande un coffre et on m'emmène au coffre. Bien sûr ils n'avaient pas la clé. Après, on donne la clé au bout d'un certain temps, quand ça tape trop..." 

"Ils ont tout pris" 

La septuagénaire raconte avoir été violentée. "Parfois ça tapait avec leur pied-de-biche sur les genoux, ils m'ont tapé sur la tête et j'ai perdu connaissance, raconte-t-elle. Ils ont pris tout ce qu'il y avait dans le coffre."

"Et surtout ce qui fait le plus mal : ils ont volé les testaments de mon mari, ses poèmes, des petits bijoux qui ont parcouru la vie, des choses que vos parents, vos arrière-grands-parents, vous ont laissées."

Françoise, victime d'un home-jacking

à franceinfo

Françoise n'a jamais retrouvé le moindre objet volé cette nuit-là. Les deux voleurs ont été arrêtés et ont été condamnés à des peines entre 18 mois et 6 ans de prison.

Son avocate, Maître Christine Hamel, témoigne du traumatisme de sa cliente : "Aujourd'hui, on a un grave état de stress post-traumatique. Il y a des pertes de mémoire, des troubles neuropsychologiques, des troubles dans le langage, c'est quelqu'un qui cherche ses mots parce qu'elle est toujours perturbée. Elle ne supporte plus le noir, elle ne supporte plus d'être enfermée. De la même façon, bien souvent il y a un stress post-traumatique d'agoraphobie : ce sont des personnes qui ont peur de tout. Elle n'est plus capable de sortir."

Un traumatisme qui pousse certaines victimes à se "bunkériser" 

C'est comme ça qu'a réagi Coraline Balligand, une influenceuse victime d'un home-jacking chez elle, il y a deux ans dans les Hauts-de-Seine. Alors qu'elle tournait une vidéo pour ses abonnés, deux hommes qui prétendaient être ses voisins l'ont violentée et menacée de mort pour voler sa montre de luxe. Ces deux voleurs n'ont jamais été retrouvés.

Depuis, Coraline Balligand vit avec la peur au ventre : "J'ai équipé mon appartement de caméras de vidéosurveillance avec des alarmes partout. Je n'ai plus de nom sur la boîte aux lettres. Je ne me fais plus livrer de colis chez moi. Ça aurait pu arriver à n'importe qui, je me dis que j'ai ouvert la porte à un inconnu. Quand c'est à la maison, qu'on met tous les jours les pieds chez soi et qu'on revoit la scène, c'est compliqué." Aujourd'hui jeune maman, Coraline Balligand raconte avoir fait une fausse couche après le home-jacking dont elle a été victime.

Le nombre de home-jackings stable sur cinq ans 

En 2023, il y a bien une tendance à la hausse sur un an : 475 home-jackings en 2022, dont 337 à Paris et petite couronne, contre 469 sur les 11 premiers mois de 2023. Mais depuis cinq ans, les chiffres restent relativement stables. Le phénomène est essentiellement urbain et surtout marqué en Île-de-France. Les enquêteurs distinguent deux profils : celui plus traditionnel des équipes spécialisées et expérimentées, et un profil devenu le plus courant, celui des équipes plus jeunes.

Guillaume Maniglier est commissaire divisionnaire, chef de la brigade nationale de répression du banditisme et des trafics, adjoint au chef de l’OCLCO (office central de lutte contre le crime organisé) : "La plupart ont une vingtaine d'années, certains sont même mineurs. Ils ont un armement plus disparate. Ils sont très mobiles sur une zone donnée et ils sont très actifs avec la commission d'une succession de faits jusqu'à leur interpellation."

Ces cambrioleurs repèrent de plus en plus souvent leurs victimes sur les réseaux sociaux, comme sur Instagram, précise le commissaire : "Il y a différents moyens comme le bouche à oreille, mais il y a indéniablement un phénomène réseaux sociaux, a fortiori lorsque les cibles sont des célébrités." Certains se spécialisent même dans ce type de repérage, avant de localiser les victimes toujours sur internet.

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