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Santé : des "faux patients" formés pour aider à l'apprentissage des étudiants en médecine

Les facultés de médecine forment des personnes de la société civile pour jouer des "patients simulés". Ces comédiens amateurs sont chargés d'imiter des symptômes de maladies face à des étudiants qui sont évalués sur leur diagnostic et la façon de conduire la consultation.
Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Monique et Jean-Bernard, retraités et faux patients, avec les formatrices Carole Amsallem et Christine Ammirati qui leur montrent les manipulations que pourraient leur faire les étudiants lors de l’examen. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

C'est une répétition de la réforme des études de médecine qui s'appliquera en 2024. À Amiens, 200 étudiants de 5e année de médecine ont passé, jeudi 26 janvier, un examen un peu particulier. Ils devaient mener chacun une consultation auprès d'un patient et faire le bon diagnostic. Ils étaient évalués sur la façon sur ce diagnostic et la façon de conduire la consultation. C'était bien sûr une fausse consultation mais qui dit fausse consultation, dit aussi "faux patient".

De "faux patients" formés pour aider à l'apprentissage des étudiants en médecine : reportage de Solenne Le Hen


Pour trouver ces patients, la faculté a recruté sur petite annonce une quarantaine de volontaires qui ont endossé le rôle du faux patient lors de cet examen. Ils ont même eu droit à une petite formation quelques jours auparavant. Dans la vraie vie, ils s'appellent Monique ou encore Jean-Bernard mais cette fois, pour les besoins du scénario, ils seront Paul et Paule, âgés de 64 ans. Ils sont volontaires pour jouer le même patient imaginaire, un faux patient qui va consulter un médecin ORL pour des vertiges. "On vous laisse prendre connaissance de ce cas, lance la formatrice Carole Amsallem. Vous avez une hypertension artérielle et vous avez du cholestérol et donc les médicaments que vous avez, que vous ne connaissez pas trop, c'est votre conjoint ou conjointe qui s'en occupe. Si vous ne retenez pas les noms c'est pas grave, vous avez l'ordonnance dans la poche et vous donnez l'ordonnance au toubib."

Un personnage bien appris

Il s'agit donc de Paul ou Paule, un patient avec ses antécédents que les volontaires apprennent et répètent : 

-  "Je m'appelle Paul Pernoit, je sais que je fais du cholestérol de l'hypertension, et c'est tout. 
- C'est comment ton nom de famille parce que ça me dit quelque chose ? 
- C'est Pernoit, on s'appelle pareil.
- Et on est où aujourd'hui ?
- Alors, on est en consultation… vous êtes ORL au CHU d'Amiens."

Tout cela, c'est pour jouer quelques jours plus tard ce personnage lors d'une fausse consultation devant des étudiants en 5e année de médecine évalués par un examinateur. La formatrice Carole Amsallem vérifie que les volontaires ont bien appris leur rôle avec forcément quelques pièges : 

- "Si j'ai bien compris vous prenez un antidépresseur, Cathy 
- Oui 
- Non, vous ne prenez pas un antidépresseur et vous ne vous appelez pas Cathy.
- Oui c'est vrai je m'appelle Paule.
- Alors comme ça vous êtes constipé 
- Non, je n'ai pas de problème de transit." 

Cathy, enseignante à la retraite, prend son futur rôle à cœur : "On nous a bien expliqué qu'il fallait rester très neutre de ne pas aider et de ne pas enfoncer non plus les étudiants qui sont en formation." "On est un support d'examen, on est un sujet d'examen en fait, indique Magali Quillico, comédienne et formatrice théâtrale, membre de la Boite d'Impro. On n'est pas à la comédie française, on ne fait pas du Shakespeare ou du Molière. L'objectif est vraiment d'être le plus crédible et le plus sincère possible." 

Monique et Jean-Bernard, retraités et faux patients, avec les formatrices Carole Amsallem et Christine Ammirati qui leur montrent les manipulations que pourraient leur faire les étudiants lors de l’examen. (SOLENNE LE HEN / RRADIO FRANCE)

"Vous êtes venu pour le job"

On montre aussi aux faux patients les manipulations que pourraient pratiquer sur eux les étudiants lors de l'examen : "Vous allez mettre les doigts en face des miens. Fermez-les yeux ! Vous pouvez rouvrir les yeux ! Très très bien. Ça va, ça ne tourne pas ?". Magali Quillico  prévient aussi les futurs faux patients : "Vous pouvez très bien tomber sur un étudiant qui se mette à pleurer devant vous, parce qu'il sèche totalement sur l'examen vestibulaire. C'est dur ce que je vous dis, mais vous êtes venu pour le job." 

"L'étudiant peut très bien réussir son épreuve mais il peut aussi très bien se planter et peut donc vous faire faire un examen neuro qui n'a rien à voir avec le test du vestibule et vous vous n'en savez rien et vous êtes comme un canari sur une planche à clous. Alors je vous rassure il n'y aura pas de palpation mammaire. Ils ne vont pas se tromper à ce point !"

Magali Quillico, comédienne et formatrice théâtrale

à franceinfo

Certaines facultés de médecine évaluent déjà leurs étudiants lors de fausses consultations men général les faux patients sont joués par des professionnels de santé, explique le Pr Christine Ammirati, coordinatrice du SimuSanté, le centre de formation en Santé d'Amiens : "Parfois, quand les professionnels de santé jouent les patients, on sait ce qu'on cherche et donc on a tendance soit à aider un peu l'étudiant, soit, à l'inverse, à vouloir le piéger un peu. C'est la première fois effectivement qu'on a fait appel largement à la société civile pour jouer des patients simulés." 

Plus de 150 personnes se sont portées volontaires : des retraités, des banquiers, des logisticiens, des commerciaux, mais aussi d'anciens pompiers. Parmi elles, Florent, en chaise roulante après un accident. "Il faut que la médecine progresse et la médecine a fait beaucoup pour moi. Je rends un peu de temps à la médecine", explique-t-il.

"La relation médecin-malade est aussi importante"

Cette journée dans la peau d'un faux patient, d'un "patient simulé", est rémunérée environ 75 euros la journée. Toutes les facultés de médecine de France vont devoir en former car à partir de 2024, au mois de mai, les étudiants en 6e année de médecine passeront un examen national similaire à celui-là. Une consultation avec de faux patients issus de la société civile.

"La relation médecin-malade est aussi importante que d'avoir des connaissances bien ancrées. La communication médecin patient, c'est quelque chose d'extrêmement important et qu'il faut absolument enseigner, apprendre et évaluer."

Pr Christine Ammirati

à franceinfo

Mais au final, de quoi souffre donc bien Paul ou Paule ?  Rien d'inquiétant, malgré les vertiges. Les étudiants-médecins les plus futés auront juste pensé à adapter ses médicaments contre l'hypertension. Et vous l'aurez compris, franceinfo s'était engagée à ne pas diffuser ce reportage avant l'examen qui a eu lieu jeudi 26 janvier, pour ne pas dévoiler avant des indices sur le diagnostic aux étudiants qui nous écouteraient !

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