Reportage
Energies renouvelables : dans le Lot, un projet de parc photovoltaïque divise habitants, élus et éleveurs
TotalEnergies entend capter l'énergie du soleil sur une zone de 19 hectares située à Tour-de-Faure, commune voisine du célèbre village de Saint-Cirq-Lapopie, classé "plus beau village de France". Pour l'instant le site est encore vierge, et son futur fait débat.
Près de Cahors dans le Lot, des habitants se mobilisent contre un futur parc de panneaux photovoltaïques en projet sur la commune de Tour-de-Faure. Les opposants au projet voulu par TotalEnergies vont marcher ce samedi 29 octobre, pour dire qu'ils ne veulent pas de ces milliers de panneaux sur 19 hectares, soit plus de 20 terrains de football.
Le projet est situé sur un plateau qui donne sur les collines de la vallée du Lot. Une partie de la zone concernée est en face d'un sentier. Sur cette terre très sèche, les arbres ne sont pas très hauts. Marie Cordié-Levy habite à dix minutes d'ici. Elle fait partie du Collectif environnemental Lot Célé (CELC) qui s'oppose au projet. "Je viens tout le temps ici avec mes petits-enfants, mes enfants, raconte la militante. C'est un lieu de promenade, c'est un lieu de repos. C'est un lieu merveilleux, c'est magique. Il va y avoir des barrières de 2,50 m de haut autour du truc, donc on ne pourra même plus y aller."
"Ça fait partie du parc naturel régional des Causses du Quercy. C'est notre poumon. Si l'on fait ça, j'aurais honte de laisser ça à mes petits-enfants."
Marie Cordié-Levy, Collectif environnemental Lot Céléà franceinfo
Tous les terrains en question sont privés. Les cinq propriétaires ont donné leur accord à TotalEnergies. La mairie de Tour-de-Fort a délivré un permis de construire en 2020. Et pour l'adjoint au maire, Jean-Louis Eyroles, la zone concernée n'a rien d'exceptionnelle : "La qualifier de magnifique me paraît exagérée. C'est une zone végétale mais qui n'a pas un grand intérêt sur le plan de l'aspect. Il n'y a pas de forêt proprement dite. Il y a des arbres, mais pas des bois nobles, c'est essentiellement du pin. Bien sûr qu'on ne peut pas se satisfaire pleinement de la disparition d'un certain nombre d'arbres, mais néanmoins, ce projet ne représente qu'une partie très minime du massif."
Un projet démesuré ?
L'adjoint précise qu'il n'y aura pas d'impact sur la vue depuis et vers Saint-Cirq-Lapopie, à peine une tache bleutée depuis les hauteurs du célèbre village. Avec tous ces panneaux, TotalEnergies doit produire chaque année l'équivalent de la consommation électrique annuelle de 7 300 ménages. Et la mairie entend percevoir 10 000 euros par an en taxes. Mais pour le Collectif environnemental Lot Célé, la taille du projet pose problème. "C'est une usine, s'indigne Marie Cordié-Levy. On va voir des champs photovoltaïques comme en Espagne, c'est-à-dire des collines entières recouverts de photovoltaïques, c'est ça qu'on veut ? c'est l'argument rentabilité ?"
Alors qu'on pourrait faire plus petit, avance Jean-Luc Vallet, le maire de Brengues, d'une petite commune proche. Il est aussi vice-président de Céléwatts, une société collaborative qui a déjà construit de petits parcs photovoltaïques. "On est pour un photovoltaïque raisonnable. Nous, on propose comme alternative ce qu'on appelle une grappe de parcs photovoltaïques, c'est-à-dire des petits parcs qui produisent l'équivalent de la consommation de la moyenne des communes du Lot. Par exemple, les deux parcs qu'on a en production en ce moment. Ce sont des parcs qui produisent pour 250 personnes chacun. Nous, on occupe en moyenne 5 000 m²."
Et puis, il y a la question de la protection de la faune locale que le projet menace, selon Marie Cordié-Lévy : "Il y a des chevreuils, des sangliers, des biches. On les voit fréquemment, c'est magique. Je ne sais pas comment les biches vont passer sous les grilles. À moins de prendre une potion genre Alice au pays des merveilles. Les animaux sont sauvages, il faut les laisser courir où ils veulent." La mairie répond qu'il y aura des couloirs de passage entre chacune des trois zones. "Il a été imposé à TotalEnergies de faire une étude par des naturalistes et des botanistes, sur les quatre saisons, de façon à identifier les espèces qui se trouvent sur ce secteur. Tout sera fait pour les protéger", explique Jean-Louis Eyrolles.
"Les bêtes vont pâturer sur la totalité de la centrale"
Pour ses partisans, le projet de TotalEnergies a aussi un intérêt : soutenir l'élevage. Martin Vignals élève des brebis juste à côté de la zone concernée. Il possède deux hectares inclus dans le projet, pour lesquels TotalEnergies va lui verser un loyer. L'entreprise va aussi le payer pour que ses bêtes broutent sous les panneaux photovoltaïques. "Les bêtes vont pâturer sur la totalité de la centrale, détaille l'éleveur. Ils fournissent aussi des clôtures, des abreuvoirs et des postes électriques. L'herbe, elle manque, et le fait de pouvoir aménager ces terres en pâturage avec la garantie que ce soit en bio et avant que les panneaux soient implantés pouvoir semer une prairie multi-espèces que je ferai moi-même."
"J'attends de voir vraiment ce que ça va donner mais dans l'idéal, c'est un projet qui permettrait de conforter l'installation et de m'éviter d'aller courir à droite à gauche pour gagner de l'herbe, de pouvoir rester à proximité. C'est un confort financier mais surtout un confort de travail."
Martin Vignals, éleveurà franceinfo
L'éleveur pourrait voir son troupeau passer de 200 à 300 bêtes. Il faudra pour cela que l'enquêtrice publique rende un avis favorable courant novembre, avant la décision de la préfète, qui aura le dernier mot normalement avant la fin de l'année. TotalEnergies prévoit un an de travaux, et en fonction de recours, prévoit une mise en service d'ici 2025.
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